FOCUS – Le Syndicat mixte des transports en commun (SMTC) était en fâcheuse posture, du fait d’une dette abyssale. Il semble désormais sur la bonne voie, suite à la signature d’un protocole d’accord sur l’évolution des participations en son sein, notamment celles de Grenoble-Alpes Métropole et du département de l’Isère. Chronique d’un sauvetage très consensuel.
Ils étaient tous là. Yann Mongaburu, président du Syndicat mixte des transports en commun (SMTC), Christophe Ferrari, président de Grenoble-Alpes Métropole, Jean-Pierre Barbier, président du Conseil départemental de l’Isère et Jean-Claude Peyrin, vice-président en charge des transports auprès de ce même conseil, présentaient ce jeudi 22 octobre le protocole d’accord sur le futur financement d’un SMTC, jusque là vraiment mal en point.
Une décision du tribunal administratif de Grenoble en date du 29 mai dernier avait confirmé que le syndicat conserverait bien ses compétences sur son territoire historique. Une bonne nouvelle en soi, mais loin d’être suffisante. De fait, bien qu’ayant sauvé son existence, le SMTC risquait encore l’asphyxie financière, plombé qu’il était par le poids d’une dette abyssale de plus de 700 millions d’euros. Avec la conclusion de ce protocole d’accord, le danger devrait enfin être écarté, pour la plus grande satisfaction des trois présidents.
« Tourner la page d’un passé compliqué »
Il y avait urgence et ils sont allés vite. Depuis plusieurs mois, notamment depuis l’installation de la nouvelle majorité départementale, des discussions s’étaient déjà engagées entre le Syndicat mixte des transports en commun, Grenoble-Alpes Métropole et le Département de l’Isère.
L’objectif visé ? L’élaboration conjointe d’un protocole d’accord visant à la fois à garantir la politique des transports, mais surtout à régulariser le passé – entendez la dette – et à ouvrir de nouvelles perspectives pour l’avenir.
Yann Mongaburu souligne l’efficacité de ce travail collectif : « La qualité des échanges que nous avons pu avoir, dans un temps assez court et en pleine responsabilité de tous les acteurs, nous a permis de tourner la page d’un passé compliqué. »
15,75 millions d’euros sur dix ans
Ce protocole devrait produire plusieurs résultats. En tout premier lieu, la restructuration de la dette du SMTC. 315 millions d’euros seront pris en charge par le Département et la Métropole, à hauteur de 157,5 millions d’euros pour chacune des collectivités. Soit 15,75 millions d’euros par an, échelonnés sur dix ans. Une dette résiduelle qui correspond à des investissements non directement liés aux transports mais à des aménagements de voiries, notamment autour des lignes de tramways. « Je les remercie de faire cet effort pour l’avenir. Cela permet de remettre les choses à leur place et aussi de redonner de la capacité d’investissement au syndicat », souligne Yann Mongaburu.
En second lieu, les termes de l’accord devraient permettre, selon le président du SMTC, « d’orienter la perspective d’avenir vers un élargissement de la gouvernance à l’échelle de la région urbaine ».
Yann Mongaburu revient sur les objectifs de l’accord et livre quelques commentaires.
Réalisation Joël Kermabon
« La question des transports doit désormais se jouer à une autre échelle »
Christophe Ferrari, le président de la Métropole, en est convaincu, c’est un nouveau départ. « Nous entrons dans une nouvelle phase, avec un nouvel équilibre entre le Département et la Métropole, à laquelle il est fait une plus grande place […] Ce n’est pas simplement un accord entre des collectivités mais un accord au service des usagers et des habitants du territoire. »
Le président se dit très heureux qu’il ait été possible de s’extirper d’une situation délicate, tout en dépassant les clivages politiques. « Ce qui nous rapproche c’est l’intérêt général. Un intérêt qui va bien au-delà de la Métropole. »
La montée en charge de la compétence de la Métropole comme chef de file de la question de la mobilité est un autre motif de satisfaction pour Christophe Ferrari. « Cela va nous permettre de nous inscrire dans ce que va être la réforme territoriale car nous avons cette conviction que la question des transports doit désormais se jouer à une autre échelle. »
Car, selon l’élu, c’est une cause entendue : « On dépasse, là, les dimensions de la Métropole. Nos amis du Voironnais ou du Grésivaudan ont à dire et tout cela a du sens ». Mais il reste du chemin à parcourir, notamment en ce qui concerne la complémentarité des réseaux… « Nous avons besoin d’être encore plus efficaces pour leur maillage et leur rationalisation. L’argent public ne se trouve pas sous les sabots d’un cheval ! »
Le risque d’explosion du SMTC
Jean-Pierre Barbier a la formule agile pour qualifier le travail accompli avec la Métropole et le SMTC. « Je veux souligner l’intelligence de nos échanges car, compte tenu de la période, on pourrait être plus bêtes que ça ! », plaisante l’élu. De quoi définitivement détendre l’atmosphère. « Nous n’avons pas voulu tenir compte de la période élective pour démontrer que, quand il s’agit de l’intérêt général et des collectivités, on peut faire des parenthèses. » Pour le président du Département, il fallait avancer en dépassant les clivages, de telle sorte que « tout le monde puisse sortir par le haut et que cette sortie soit supportable par tout le monde ».
On ne pouvait rêver mieux après les affrontements et l’absence de tout dialogue lors de la crise de 2013 – 2014 sous la présidence départementale précédente. Une présidence que Jean-Pierre Barbier ne manquera d’ailleurs pas d’égratigner, l’occasion étant trop bonne.
« Vous ne pouvez pas communiquer pendant des années et des mois, en disant “Regardez-moi, je suis le meilleur du monde, avec le département le moins endetté de France”, et participer à un syndicat dans lequel vous êtes actionnaire à 50 % et qui a 700 millions d’euros de dettes ! »
Jean-Pierre Barbier justifie sa volonté d’aboutir à un accord. « Le Département était en conflit permanent avec le SMTC. Comment expliquer aux gens qu’il était sans arrêt au tribunal contre le syndicat ? » Sans compter le risque d’explosion du syndicat qui « aurait eu pour conséquence la fin des transports sur la Métropole ». Et de conclure : « La responsabilité du président du Département est d’avoir une relation intelligente avec l’ensemble des collectivités, pour le bien des usagers et des 460.000 habitants de la métropole ».
Sans préjuger des autres bonnes volontés, Jean-Pierre Barbier a ouvert, dans le traitement de ce dossier, une brèche résolument consensuelle. Mais les négociations pourraient s’avérer plus compliquées sur d’autres sujets. À commencer par le système de restriction de la circulation des véhicules polluants et les futures vignettes colorées souhaité par les écologistes.
Révélateur de passes d’armes à venir, le communiqué de presse envoyé, ce vendredi 23 octobre par Richard Cazenave, vice président du groupe d’opposition de droite Métropole d’Avenir : « Cet accord salvateur n’efface en rien les profonds désaccords qui nous opposent à la politique de déplacement de messieurs Piolle et Mongaburu […] marquée par l’idéologie et le goût immodéré de la communication spectacle, au détriment du quotidien des Grenoblois, des entreprises, des salariés et de l’emploi ».
Joël Kermabon
N.B. : L’article a été complété vendredi 23 octobre à 11 h 30, suite à l’envoi d’un communiqué de presse par Richard Cazenave.