FOCUS – La saison 2015 – 2016 de la MC2 est désormais lancée. Au programme de la scène nationale, rien moins que du lourd. Créations originales, spectacles déjà bien rodés, la programmation de la grande maison grenobloise s’enrichit avec bonheur des propositions artistiques d’artistes confirmés. En fil rouge, une plus grande place accordée à la parole féminine dans la sphère du spectacle vivant.
C’est reparti pour une année de théâtre, de danse et de musique à la MC2. Pour cette saison 2015 – 2016, Jean-Paul Angot, son directeur, reste optimiste, malgré un contexte culturel qu’il estime « en danger de restrictions de tous ordres : de moyens, de liberté de création par une normalisation de la pensée […] ou encore les restrictions qui frappent l’emploi par les reports ou suppressions de spectacles ».
Optimiste, il peut l’être en effet. Car ce ne sont pas moins de quatre premières mondiales qui vont voir le jour. La maison de la culture, plus grande scène nationale de France, confirme ainsi sa vocation de « maison de créations ».
Mais pas seulement. « La MC2 c’est aussi un outil, des pratiques, une ouverture et une équipe qui tente le plus possible de rapprocher les artistes, les œuvres et le public », résume Martine Maurice, la directrice adjointe.
« Défendre la parole féminine »
Le public pourra compter sur une belle programmation dont l’éclectisme n’est pas dû au seul travail de l’équipe, comme le souligne Jean-Paul Angot. « La question très importante pour nous était de laisser la place aux artistes, tant du point de vue de l’action et de la création qu’en tant que force de proposition pour contribuer au projet global de la maison ». Y ont notamment été associés le chorégraphe Jean-Claude Gallotta et les metteurs en scène Magali Montoya, Caroline Guiela Nguyen et Yoann Bourgeois. « Leur talent les rend nécessaires auprès de nous », estime le directeur.
Autre volonté affirmée par Jean-Paul Angot : redonner toute leur place aux femmes. « Lorsque j’ai été nommé et que j’ai présenté mon projet, je m’étais engagé à défendre la parole féminine, non pas par flagornerie ou par opportunité mais dans un souci de juste rééquilibrage », explique-t-il.
Les femmes seront donc à l’honneur tout au long de la saison, à travers des pièces comme l’adaptation au théâtre de La princesse de Clèves, mise en scène par Magali Montoya et jouée par quatre comédiennes. Pas moins de sept heures de représentation ! Citons encore le travail de mise en scène de Marie Lamachère sur Sainte Jeanne des abattoirs de Bertold Brecht, parabole sur la violence économique, sociale et physique.
Les hommes de théâtre n’en auront pas moins toute leur place. Parmi les grands noms à l’affiche très fournie de cette saison, les metteurs en scène Stanislas Nordey et Falk Richter convoqueront le souvenir du cinéaste emblématique des années 70 Rainer Werner Fassbinder dans Je suis Fassbinder. Une interrogation sur la position de l’artiste aujourd’hui, sa liberté de création, ce qu’il peut encore dire sans auto-censure. Au nombre des “pointures” encore, « l’immense metteur en scène » Romeo Castellucci présentera Orestie (une comédie organique ?). « Un spectacle exceptionnel, à ne pas rater ! », s’enthousiasme Jean-Paul Angot.
Semer la culture hors les murs
La danse accordera également une place de choix à la création. Après le succès de My rock, revisité par le chorégraphe Jean-Claude Gallotta à travers une quinzaine de séquences retraçant sa vision du rock, le danseur-chorégraphe Akram Khan revient à la MC2 avec une nouvelle création, Until the lions. Une adaptation partielle du recueil éponyme, avec une réécriture en vers du Mahabharata.
Enfin, quarante danseurs de l’Opéra de Lyon et de la compagnie L’A interpréteront L’émoi du monde, deux pièces chorégraphiées par Rachid Ouramdane. Un virage dans le travail de l’artiste qui montre, là, des corps contraints de subir des mécanismes extérieurs qui les dépassent.
Tout comme pour le théâtre, la musique ou le cirque, d’autres propositions chorégraphiques tourneront en Isère durant la saison. Notamment les spectacles Têtes d’affiche de Bouba Landrille Tchouda et Jusque dans nos sourires de Sylvie Guillermin. Une manière « d’irriguer le département et d’apporter un soutien et un accompagnement aux artistes du territoire », selon Martine Maurice. Bref, de semer la culture hors les murs.
« La musique contemporaine peut faire peur »
Quant à la saison musicale, largement dominée par la musique classique, « elle s’inscrira dans le cadre d’un triptyque : la musique contemporaine, la musique et l’architecture et la musique chorale », explique Antoine Pecqueur, le conseiller musique de la MC2.
« La musique contemporaine peut faire peur aux gens, tant les styles sont différents. Mais nous souhaitions retrouver à Grenoble l’excitation de la création musicale ». Une excitation que le public devrait ressentir lors de trois premières mondiales. Notamment Through the looking glass du pianiste suisse Stefan Wirth avec l’orchestre de chambre de Bâle, et Lucid dreams, une composition du compositeur autrichien Thomas Larcher avec le Belceat Quartet. Chaque création sera suivie d’une rencontre avec le compositeur.
Deuxième volet du triptyque, la musique et l’architecture. « Parce qu’on retrouve les notions de rythme, de circulation et d’espace dans ces deux arts », souligne Antoine Pecqueur. Différents concerts illustreront ce thème, parmi lesquels une messe de Marc-Antoine Charpentier, dont la partition a été dessinée comme un plan d’architecture, et une œuvre de Xenakis, le compositeur-architecte.
L’exploration du thème musique et architecture aurait été incomplète sans l’acoustique, clé de voûte entre ces deux arts. Le pianiste Pierre-Laurent Aimard commentera ainsi une sélection d’œuvres influencées par leur cadre architectural et acoustique, lors de la soirée “Musique et acoustique”. Là encore, des rencontres seront organisées, avec notamment l’acousticien Eckhard Kahle et l’architecte Christian de Portzamparc, qui a conçu plusieurs salles de concerts.
Concernant le troisième volet thématique, celui des chefs d’œuvres de la musique chorale, de grands chœurs interprèteront des pièces de Haydn ou de Brahms. Quant au chœur Accentus, il invitera le public à chanter lors d’une expérience de “chœurs participatifs”.
Enfin, dans le champ des musiques actuelles, on se réjouira de retrouver en concert le célèbre groupe allemand Kraftwerk, pionnier des musiques électroniques.
« Les quatre musiciens enchaînent les boucles rythmiques et font naître des paysages sonores à l’esthétique unique. L’univers mental du groupe d’une puissance impressionnante est renforcé par la perfection du son digital et les projections 3D », promet le programme. Sans conteste l’un des événements majeurs de la saison !
Joël Kermabon
Retrouvez l’intégralité de la programmation sur le site de la MC2.