REPORTAGE – A quelques jours de la votation citoyenne, le budget participatif de la ville de Grenoble mobilise-t-il les foules ? Qui sont les participants ? Comment défendent-ils leur projet ? Quelles sont leurs chances de convaincre les citoyens ? Autant de questions auxquelles nous avons voulu répondre en nous rendant ce lundi 14 septembre à la soirée spéciale « budget participatif ».
Salle polyvalente de la rue du Vieux Temple, lundi 14 septembre, vers 19 heures 30 environ. Après une introduction des organisateurs, la soirée “participative” démarre enfin !
Les porteurs de projets finalistes du budget participatif prennent la parole. En 10 minutes, ils vont devoir convaincre. En ligne de mire : la votation ces vendredi et samedi de tous les habitants, dans le cadre du budget participatif de Grenoble (cf. encadré, en fin d’article).
La salle est remplie, mais pas pleine à craquer, puisqu’on compte une cinquantaine de personnes. En retirant les porteurs de projet, on tombe à quarante habitants, en tout et pour tout…
Sur les 19 finalistes, seuls 9 porteurs de projet ont répondu à l’appel du Conseil citoyen indépendant (CCI), l’organisateur de la soirée. Mais il est vrai que tous auront l’occasion de se présenter, samedi 19 septembre au matin, à l’Hôtel de ville, lieu de la votation citoyenne.
Dominique Barberye, membre du CCI « Vieux Temple, Mutualité, Ile Verte, Saint-Laurent, Esplanade » et animateur de la soirée, reconnaît que l’organisation de la réunion s’est faite à l’arraché : « Nous n’avons pas pu communiquer très en amont, ni même eu le temps de prévenir les médias ». Néanmoins, le CCI a tenu son rôle : « soutenir les habitants qui ont des projets et qui veulent améliorer la ville et la vie des Grenoblois ».
Des porteurs de projet ultra-motivés
Point commun entre les porteurs de projet : leur envie sincère d’améliorer leur quartier ou la ville… A l’image de Farid, habitant du quartier Mistral et instigateur des « murs végétalisés », dans les écoles notamment : « Je veux que les enfants apprennent le bienfait des plantes qui améliorent, de plus, la qualité de l’air… ».
Un habitant dans la salle fait remarquer qu’il existe des solutions moins onéreuses, comme faire pousser des plantes grimpantes ; ce qui n’a rien à voir, soit dit en passant. Farid ne se démonte pas : « Ce projet n’est pas pour moi. Ce n’est pas pour faire du gaspillage. Je pense à l’avenir de nos enfants ». Coût du projet : 95.000 euros.
Stéphane, lui, vit à Grenoble depuis seulement quatre ans. Il s’est pris d’intérêt pour l’escalade. Débutant lui-même, il a pensé aux novices comme lui, en proposant d’aménager trois sites, le long des berges de l’Isère. Un projet qu’il a couplé avec la création de deux sentiers, également le long des berges, pour la course à pied.
« Je me suis improvisé designer de passerelle », s’amuse-t-il, pointant un dessin à l’écran. Après sa brève présentation, les questions dans la salle portent sur la responsabilité en cas d’accident et sur l’animation de ces nouveaux équipements. Le porteur de projet a réponse à tout. Coût du projet : 99.000 euros.
Gilles se montre également enthousiaste et convaincu par son projet « Embellir et créer un espace collectif à La Magnanerie », une salle située dans le quartier Île verte.
L’idée centrale ? Que « les habitants profitent un maximum du jardin » à côté de la salle. On y installera un four à pain, un atelier de réparation de vélos, « bien utile entre l’université et le centre-ville ».
Il est aussi question d’un partenariat avec le Théâtre Sainte-Marie-d’en-Bas. La salle de la Magnanerie, hormis l’entrée, ne sera pas transformée. Une habitante souligne que l’endroit est déjà bien investi par les associations. « On ne change rien : on ajoute, on étoffe ! », s’exclame Gilles. Coût de l’opération : 200.000 euros.
Des projets… aux antipodes
Si tous les projets soumis à la votation revêtent une certaine utilité, ils sont parfois difficilement comparables, tels ceux de Michel et Jean-Marc aux antipodes l’un de l’autre. Très pratico-pratique, le projet de Michel vise à mettre en place des toilettes publiques. « Il y en a marre des pissotières sauvages… Cela fait dix ans que l’union de quartier demande des toilettes ». De fait, dans le centre-ville, où sont concentrés les bars, beaucoup d’envies pressantes finissent dans les pots de fleurs. Coût du projet pour des toilettes publiques une place : 85 000 euros.
Le projet de Jean-Marc consiste, quant à lui, à redorer le blason du magasin solidaire L’Échoppe à Teisseire, dont le ravitaillement bénéficie à 120 familles et 50 étudiants déshérités. Le coût pour une nouvelle chambre froide et du mobilier neuf ? 20.000 euros.
Des projets dynamisants pour les quartiers
Stéphane et Brahim Rajab, directeur du Prunier sauvage, ont également répondu à l’invitation du Conseil citoyen indépendant. Pour eux, il y va de l’avenir du quartier Mistral… Leur projet : un « théâtre de plein air », installé dans le stade Bachelard, qui aurait vocation à prolonger la dynamique du Prunier sauvage, souffle de culture dans ce quartier quelque peu oublié.
« Ce théâtre permettra de toucher encore plus de monde. Ce sera un lieu ouvert pour accueillir des petits groupes musicaux, etc. », explique Stéphane. Coût : 65.000 euros.
Pour La Villeneuve, deux habitants sont venus présenter en duo leur projet de dynamisation du Parc Verlhac : création d’un espace sportif (blocs d’escalade, équipements de musculation urbaine…), four à pain collectif, espace barbecue. Le four à pain ferait l’objet d’un chantier participatif. Coût : 90.000 euros.
Clou de la soirée : présentation du projet à 400.000 euros
Pour finir la soirée, deux jeunes gens sont venus représenter les couleurs du projet le plus coûteux de la liste : la construction d’un skatepark de 400.000 euros aux Sablons. « On essaye de compresser les coûts en s’appuyant sur les buttes », ont-ils assuré.
Et ils ont plutôt bien défendu le projet, apparemment très attendu des pratiquants de trottinette, de BMX et de skateboard… « Nous voulons déconstruire les préjugés, en finir avec “les skaters dégradent le mobilier urbain et les skaters sont tous des délinquants !” » Inclus dans le projet : l’extension d’un potager déjà en place et des espaces de convivialité.
L’exposé aura-t-il convaincu l’auditoire ? En tous cas, Dominique Barberye, animateur de la soirée, estime pour sa part avoir mieux compris le projet : « Je n’avais pas intégré la dimension jardin, alliée à la pratique du skatepark qui constitue un bon mix pour les scolaires ».
Projet « hors sujet » ?
Est-il possible qu’un projet soit “hors sujet” ? Peut-être… Guillaume est un papa engagé. Au nom d’un collectif de parents d’élèves, il est venu présenter son projet d’aménagement des abords de l’école Nicolas Chorier. Un projet assez technique qui répond à une problématique de circulation.
Nul doute que le projet est nécessaire, puisqu’il est question de la sécurité des enfants et des passants… Mais s’agit-il bien d’un projet relevant du budget participatif ? Une remarque formulée par Marcello Brancaléone, membre de Go citoyenneté (et poil-à-gratter de la soirée) : « C’est typiquement un projet qui est de la compétence directe de la Ville. Et qu’il ne faudra pas oublier, même s’il n’est pas retenu ! ».
Séverine Cattiaux
Sur 19 projets, il en restera… Surprise !
Sur les 150 projets déposés par des particuliers, collectifs, associations, etc. dans le cadre du budget participatif 2015, 19 sont encore en lice, dont 16 « petits projets » (moins de 100.000 euros) et 3 gros (entre 100.000 et 400.000 euros).
Les services municipaux ont épluché, cet été, les 30 projets ressortis de la “ruche aux projets” (première étape de sélection en juin dernier). Une bonne part a été écartée, notamment du fait de coûts trop élevés ou de dépenses à venir en fonctionnement estimées trop importantes. Les 19 projets finalistes sont à l’inverse tous techniquement faisables et économiquement approuvés par la Ville.
A l’issue de la votation des habitants, qui se déroule sur deux jours ces 18 et 19 septembre, les projets seront à l’évidence… moins nombreux ! Impossible de fixer un nombre exact. Tout dépend des idées qui seront plébiscitées. Une chose est sûre : les projets finalistes se partageront l’enveloppe du budget participatif de 800.000 euros et seront concrétisés en 2016.
Retrouvez :
- la liste des 19 projets en compétition.
- la démarche pour voter ce vendredi 18 septembre et ce samedi 19 septembre.