REPORTAGE VIDÉO – Ce mardi 26 mai, une première lézarde est apparue dans le mur de la majorité lors du conseil municipal. Cinq élus du Rassemblement citoyen, de la gauche et des écologistes (RCGE) ont voté contre la délibération autorisant le maire à signer le marché de l’éclairage public remporté par Citéos au détriment de Gaz électricité de Grenoble. Une fracture idéologique dans le contrat moral censé cimenter le groupe RCGE.
Avec des délibérations sur le dossier GEG au programme, il n’était nul besoin d’être grand clerc pour deviner que ce conseil municipal serait animé. Les tribuns des oppositions municipales, très remontés, n’avaient d’ailleurs pas caché leur volonté d’en découdre. Comme pour preuve, un rassemblement de militants de la CGT représentant les salariés de GEG s’était donné rendez-vous devant la mairie pour un baroud d’honneur.
Rien à voir avec l’irruption des salariés du mois d’octobre 2014, néanmoins, la police municipale montrait plus de zèle que d’habitude… Chat échaudé craint l’eau froide !
Sophie Cavagna, déléguée CGT à la GEG, nous expose les raisons de ce rassemblement.
Réalisation Joël Kermabon
Deux délibérations importantes sur l’éclairage public
Après quelques délibérations, dont le vote d’une aide d’urgence aux populations népalaises récemment touchées par un violent séisme, les élus sont entrés dans le vif du sujet.
A l’ordre du jour, donc, deux délibérations importantes s’inscrivant dans le cadre de la mise en œuvre du plan lumière, engagement n°40 du programme du RCGE lors des élections municipales. D’une part, l’autorisation donnée au maire de signer le marché public de conception, réalisation, exploitation et maintenance (Crem) de l’éclairage public remporté par le groupement Citéos. D’autre part, la création d’une régie “Lumière” municipale, ayant notamment pour vocation de veiller à la bonne exécution du marché et au respect des objectifs de performance. Le tout dans une « complète transparence de gestion ».
Une consommation jugée trop élevée
Jacques Wiart, conseiller municipal délégué aux déplacements et à la logistique urbaine, a rappelé, avant d’entamer les débats, les objectifs du plan lumière. « L’éclairage public, les lumières de la ville sont des éléments forts de l’ambiance urbaine, de la vie sociale, de la vie des quartiers tout simplement. » Et de citer quelques chiffres très éloquents. « À Grenoble, l’éclairage public, c’est plus de 18.000 points lumineux et une consommation de 11 millions de kilowatt-heures par an pour une facture annuelle de près de 1,5 million d’euros ».
Une consommation élevée, selon l’élu, qui dénonce un sur-éclairage – de l’ordre de 30 % – des grands axes urbains et un sous-éclairage, voire un mauvais éclairage, de certains squares et certaines rues. Le conseiller municipal a aussi évoqué la pollution lumineuse, une grande partie de cette consommation électrique servant à éclairer inutilement le ciel nocturne. « Notre ville souhaite absolument s’inscrire dans une trajectoire de transition énergétique, tout particulièrement cette année où aura lieu la convention mondiale sur le climat », réaffirme l’élu.
« Cinq d’entre nous ne voteront pas la délibération »
S’en est suivie une très longue succession de prises de parole. Imaginez, plus de deux heures trente de débats très animés – dont une interruption de séance d’un quart-d’heure demandée par l’opposition de droite – auront été nécessaires avant le vote des délibérations. Au cœur des échanges, la volonté affirmée de la municipalité de confier le marché à une entreprise privée.
De fait, voir la gestion d’un service public « bradé au privé » – pour reprendre un tract de la CGT – passe très mal chez certains. Particulièrement chez Laurence Comparat, conseillère municipale déléguée à l’open data et aux logiciels libres mais aussi coprésidente du groupe RCGE qui a annoncé la fronde.
Dans son intervention, cette dernière n’a pas manqué de pointer la responsabilité de l’ancien président de GEG, Jérôme Safar. « Les choix qui ont été faits en 2012 pèsent lourd dans la balance. Nous n’avons pas pu les empêcher. Si nous n’avons pas choisi la situation actuelle, nous avons néanmoins la responsabilité de la gérer », fustige l’élue. Puis, reprenant dans son argumentaire des propos tenus un peu plus tôt par Alain Confesson, cette dernière a asséné : « Gérer oui, assumer les fautes passées non ! ».
C’est ainsi, explique-t-elle, que pour dénoncer le poids des erreurs passées, « cinq d’entre nous ne voteront pas la délibération qui finalise le Crem, dénonçant à nouveau ces dérives au nom de l’ensemble du groupe des élus RCGE ». Et l’élue de tempérer aussitôt : « Tout cela, sans remettre en cause notre volonté commune d’un plan lumière ambitieux, assorti à la création, à terme, d’un service 100 % public de l’éclairage public à Grenoble ».
Pour autant, les cinq élus qui ont rallié ce mouvement de protestation n’ont pas pris la parole pour éclairer l’assistance sur leur décision. Il ne s’agit en tout cas pas d’une révolte mais d’un vote en demi-teinte pour affirmer « l’expression de convictions avant tout militantes », nous confie Antoine Back (Gauche anticapitaliste), l’un des cinq élus accompagné pour l’occasion de Bernard Macret (Alternatifs), Bernadette Finot (Parti de gauche), Guy Tuscher et Jérôme Soldeville (Parti de gauche).
« Oui, il s’agit bien d’une privatisation ! »
Bien sûr, à droite comme à gauche, l’opposition a fourbi ses armes et pointé un certain nombre de contradictions. « Vous aviez pourtant réussi à être perçus comme les défenseurs du service public et, ce soir, vous voulez décider de la privatisation de l’exploitation de l’éclairage public ! », ironise Matthieu Chamussy, président du groupe UMP-UDI et Société civile. Pour l’élu de droite, aucun doute : « Oui, il s’agit d’une privatisation pour huit ans de l’exploitation de l’éclairage public ! », accuse-t-il.
Au cours d’un très long plaidoyer de trente minutes, jurisprudences à l’appui, Jérôme Safar a tenté de convaincre le conseil municipal, « qui reste souverain », de revenir en arrière sur le choix arrêté par la commission d’appel d’offre (CAO) en proposant un amendement.
Peine perdue, sa proposition a été sèchement déclarée irrecevable par Éric Piolle, le maire de Grenoble. « J’ai du mal à comprendre votre obstination à vouloir conclure au profit de Citéos », s’est quant à lui étonné Paul Bron en s’adressant au maire, considérant ainsi que la majorité « commet[tait] une grave erreur ».
Enfin, « cette régie n’est qu’une pure illusion et n’a qu’une vocation gesticulatoire » pour Richard Cazenave, conseiller municipal UMP-UDI.
Autant de joutes oratoires qui n’auront pas changé grand chose à l’affaire puisque les deux délibérations ont finalement été adoptées. Les deux oppositions ont voté contre, ainsi que les cinq élus frondeurs. Le Front national s’est abstenu, tout comme Vincent Fristot, actuel président de GEG.
Joël Kermabon
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