DÉCRYPTAGE – Épisode 5 – Mistral est l’un des quatre quartiers sensibles de l’agglomération grenobloise, sur les 80 à l’échelle nationale, à faire partie de la zone de sécurité prioritaire (ZSP), instaurée en mars 2013. Un dispositif de lutte contre la délinquance qui ne peut s’appliquer pleinement à Mistral, faute d’effectifs suffisants.
A l’origine, aucune zone de sécurité prioritaire (ZSP) n’était prévue pour Grenoble. Mais suite à la médiatisation du double meurtre de Kevin Noubissi et de Sofiane Tadbirt, le 28 septembre 2012 à Échirolles, et à la visite de François Hollande et de Manuel Valls – alors ministre de l’Intérieur –, la capitale des Alpes a été incluse dans une deuxième vague de ZSP.
La zone de sécurité prioritaire instaurée en mars 2013 comprend ainsi quatre quartiers sensibles : La Villeneuve d’Échirolles, de Grenoble, Mistral et Teisseire.
Grenoble se retrouve ainsi, contre toute attente, avec la deuxième ZSP de France en matière de population. A la clé, davantage de moyens financiers de la part de l’État.
Un sentiment d’insécurité accru
L’objectif d’une zone de sécurité prioritaire ? Être mieux renseigné sur les quartiers difficiles, avec des équipes qui connaissent parfaitement le terrain. « L’enjeu est de faire en sorte que la police travaille en partenariat avec les bailleurs, les associations, l’Éducation nationale et la Ville, explique Jean-Luc Maggliozzi, ancien officier de police chargé de mission pour la ZSP de Grenoble. Cela afin de mettre en œuvre des opérations de police “chirurgicales” et davantage d’opérations de prévention en amont avec les signalements faits par les bailleurs sociaux. » En cause, le trafic de drogues dans 99 % des cas, selon l’ancien policier.
En janvier 2012, Pierre Sallenave, directeur de l’Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru) soulignait dans la presse que « des échos d’apaisement » étaient observables dans les quartiers sensibles où un projet de renouvellement urbain avait lieu. A Mistral, le sentiment d’insécurité se serait au contraire accru. Malgré la mise en place de dispositifs de rénovation, les habitants se sentent « abandonnés ». Comment expliquer une telle situation ?
Mistral, un quartier au régime particulier
Créée spécialement pour intervenir sur les zones de sécurité prioritaires, la brigade spécialisée de terrain (BST) ne patrouille pas sur Mistral. Une spécificité qui s’explique par plusieurs raisons. A commencer par la configuration géographique, comme le souligne Aurélie Plousey, capitaine de police depuis 2010 et depuis peu référent ZSP à Grenoble : « La BST est une brigade pédestre, focalisée exclusivement sur les autres quartiers de la ZSP, à savoir, La Villeneuve de Grenoble et d’Échirolles ainsi que Teisseire. Ces trois zones sont proches géographiquement, alors que Mistral est isolé ».
L’ensemble des équipages de la police nationale peut toutefois intervenir sur le quartier pour des opérations de visites des parties communes et de contrôles de personnes ou de véhicules. Dans les autres secteurs de la ZSP, la BST ne s’occupe à l’inverse que des grosses opérations de maintien de l’ordre, de la sécurité de proximité et du deal de rue. Quant à la police judiciaire, elle est chargée de suivre les opérations d’approvisionnement et d’arrivage des stupéfiants.
Des effectifs insuffisants pour occuper le terrain
« Le but de notre directeur est de faire passer Mistral sur la zone d’intervention de la BST pour permettre une présence permanente comme sur les autres secteurs », précise Aurélie Plousey. Or cela nécessite d’augmenter les effectifs. Car la BST ne comprend que 30 agents ainsi qu’un chef pour l’ensemble de la ZSP.
Une contrainte qui pourrait expliquer un bilan moins probant que dans les autres quartiers : « Tant que Mistral ne sera pas sous le joug de la BST, il ne bénéficiera pas d’une présence policière permanente et il y sera toujours plus difficile d’intervenir qu’ailleurs », estime la capitaine de police. L’attribution de nouveaux effectifs devrait toutefois être décidée en septembre prochain.
Une forteresse bien gardée
En attendant, les habitants du quartier doivent s’accommoder des désagréments liés aux trafics : rodéos de deux-roues motorisés, guetteurs sur les toits et en bas des tours, squattage des parties communes, pressions sur les commerces… Mistral est une forteresse bien gardée « où l’on ne rentre que si l’on y habite ou si l’on vient acheter sa barrette de shit », résume Jean-Luc Maggliozzi, l’ancien référent ZSP.
Un trafic qui fait vivre des familles entières sur le quartier. « C’est une plateforme ancrée depuis plus de trente ans. Le trafic est mieux organisé, mieux adapté et moins visible qu’ailleurs car tout le monde est au courant mais personne ne dit rien », ajoute la capitaine Aurélie Plousey. Pour autant, il ne serait, selon elle, pas forcément plus important que dans d’autres quartiers comme Teisseire ou La Villeneuve.
« Le but de nos opérations n’est pas d’enrayer le trafic car c’est impossible, juge la policière. Nous voulons rendre le quartier vivable pour les habitants. Nos opérations sont donc avant tout des opérations de surveillance ». Une à deux interventions sont ainsi menées chaque mois. « On ne va pas à Mistral seulement pour interpeller des gens. On y va aussi pour rassurer les habitants qui se sentent abandonnés » conclut la capitaine.
SH
N.B. : La carte des ZSP en France a été ajoutée à l’article, vendredi 17 avril à 14 h 45.
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