BLOG JURIDIQUE – Les taux de vote blanc dans certains cantons de Grenoble ont atteint des niveaux très élevés. Grâce à la loi du 21 février 2014 ? Analyse de Sarah Kerenfort, étudiante du M1 de droit public à la faculté de droit de Grenoble.
Le vote blanc constitue l’expression d’un mécontentement de l’électeur envers l’offre politique qui ne le convainc pas, ou encore de la volonté d’un électeur qui refuse de faire un choix politique. Il représente un acte citoyen à part entière, puisque l’électeur qui vote blanc manifeste une volonté de prendre part à la vie démocratique.
Ce dernier se déplace, prend une enveloppe, sort son bulletin blanc de sa poche ou dépose une enveloppe vide dans l’urne. Il a ainsi exercé le droit qui lui est offert depuis 1848. Cependant, sa voix ne sera pas entendue ni prise en compte dans les suffrages exprimés.
Le vote blanc désormais reconnu
En 2014, le législateur a souhaité valoriser la voix de cet électeur blanc. La loi du 21 février 2014 prévoit que « les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés au procès-verbal. Ils n’entrent pas en compte pour la détermination des suffrages exprimés, mais il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins. Une enveloppe ne contenant aucun bulletin est assimilée à un bulletin blanc ».
Le vote blanc est donc reconnu, en tant qu’il est désormais compté séparément des votes nuls, alors qu’il y était auparavant assimilé. Cette loi fait, en outre, œuvre d’innovation puisqu’elle procède à un élargissement de la définition du vote blanc : désormais une enveloppe vide, c’est-à-dire ne contenant aucun bulletin, est assimilée à un vote blanc.
Si cette avancée peut apparaître majeure pour les partisans du vote blanc, l’apport de cette loi doit être nuancé. Si elle permet la comptabilisation des bulletins blancs à côté des bulletins nuls, les premiers ne sont pas pris en compte dans les suffrages exprimés, c’est-à-dire qu’ils n’auront aucun impact sur les résultats du scrutin.
Plus 14 % de votes blancs dans trois cantons grenoblois
Néanmoins, si ses conséquences juridiques sont à relativiser, cette loi a été parfaitement comprise et accueillie par l’électorat et plus particulièrement par les électeurs grenoblois. Les élections départementales qui se sont déroulées les 22 et 29 mars derniers ont été les premières élections locales qui se sont vu appliquer la loi de 2014 visant à reconnaître le vote blanc.
La ville de Grenoble compte quatre cantons. Au second tour de l’élection, les circonscriptions de Grenoble 1 (Grenoble Ouest), 3 (Grenoble Est) et 4 comptabilisent un taux supérieur à 14 % de votes blancs. Ce taux, que l’on peut qualifier d’élevé, peut être justifié notamment en raison de la présence quasi systématique au second tour de candidats de gauche, et seulement de gauche. On comprend donc que les électeurs qui ont voté blanc ont souhaité participer à l’élection tout en ne souhaitant pas voter pour un candidat déterminé qui ne correspond pas à leurs convictions politiques : ceci a donc touché une part substantielle de l’électorat de droite.
Cette focale grenobloise ne serait-elle pas un exemple d’imprégnation parfaite de la possibilité pour les électeurs de voter blanc, qui conduirait à aller plus loin dans la reconnaissance du vote blanc ? Peut-être un premier un pas vers… la comptabilisation. Grenoble, laboratoire du vote blanc, aussi ? A voir.
Sarah Kerenfort