ENTRETIEN - Opposant de la première heure au Center Parcs des Chambarans et auteur en 2011 d'un ouvrage sur le sujet, Henri Mora revient sur la genèse de la mobilisation autour du projet porté par Pierre & Vacances. Des rassemblements informels de Quelques opposants au Center Parcs (QoCP) à la structuration de l'opposition autour de Pour les Chambarans Sans Center Parcs (PCSCP) et jusqu'aux mouvements zadistes, Henri Mora porte, par-delà les atteintes à l'environnement, un regard acéré sur les questions sociales, la société industrielle et la marchandisation des territoires. Entretien avec un citoyen grenoblois discret et engagé.
Vous êtes un opposant de la première heure au Center Parcs des Chambarans. D'abord au sein de QoCP (Quelques opposants au Center Parcs) puis de PCSCP (Pour les Chambarans Sans Center Parcs) que vous avez quitté depuis. Pouvez-vous revenir sur cet engagement ? Le groupe informel QoCP auquel je participais existait depuis le printemps 2009 avant la création de l’association PCSCP. C’est d’ailleurs après une promenade organisée par QoCP, le 11 novembre 2009, dans le bois des Avenières que la plupart des promeneurs à cette balade ont décidé de créer PCSCP un peu plus tard. QoCP était un groupe affinitaire. Ceux qui le composaient partageaient certaines critiques, certaines idées et agissaient essentiellement dans la réflexion, l’écriture et la publication de textes, de lettres ouvertes et d’affiches, avec une quarantaine de publications au total. Mais aussi dans la distribution de ces textes dans les boîtes aux lettres et sur les marchés, ainsi que dans l’organisation de la première promenade.Certains d’entre eux sont intervenus dans plusieurs radios locales. Les éditions Le Monde à l’envers ont publié en 2011 Chambard dans les Chambarans, un recueil avec tous les textes de QoCP ; recueil que j’ai présenté publiquement avec la maison d’édition à plusieurs reprises.
Votre position rejoint aujourd'hui davantage celle des « zadistes »…
Les « zadistes » n’ont pas une identité propre et unique. Ils occupent un territoire qu’ils défendent contre son saccage et s'en emparent pour expérimenter d’autres relations sociales et humaines en dehors de l’utilitarisme économique.
QoCP n’a jamais occupé de Zad. Mais ce groupe défendait des idées que les associations officielles ne partageaient pas : QoCP s’opposait à la destruction d'une zone humide, au ravage de l'environnement et de sa biodiversité, à la mise en danger de la nappe phréatique et au gaspillage d'eau et d'énergie, comme ces associations environnementalistes. Et, tout comme elles, QoCP s’opposait à la destruction du bois des Avenières et à l'abattage des 92 hectares d'arbres annoncé.
Mais nous nous opposions aussi à la privatisation d'un bien commun. Nous refusions de voir les territoires continuellement transformés et détruits par cette fuite en avant imposée par les besoins de la société marchande. Nous nous opposions à la marchandisation des territoires. Nous nous opposions à ce projet d'intérêt privé qui est financé par la collectivité qui ne bénéficiera d'aucun avantage.
Nous nous opposions à l'idée même de ces parcs à nature aseptisée où se joue une représentation caricaturale et folklorisée de vie que les touristes viennent consommer en masse. Nous nous opposions à cette idée qui voudrait que la société accepte des projets sans aucune utilité sociale, seulement parce qu'ils sont censés créer des emplois ; emplois dont la plupart – dans le cas de ce Center Parcs – sont mal rémunérés et avec de mauvaises conditions de travail. On l'a vu avec les différentes grèves qui ont eu lieu dans les Center Parcs déjà ouverts...
L'opposition au Center Parcs des Chambarans semble se radicaliser avec la multiplication des actions de désobéissance civile et la mobilisation des zadistes. Est-ce une bonne chose, alors que le risque de dérapage et d'actions violentes peut susciter un certain rejet de la part d'une grande partie des citoyens, pourtant opposés au projet ?
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