REPORTAGE – Elles ont franchi le pas il y a un an, après vingt-cinq ans de réflexions croisées dans la coiffure traditionnelle. OéB, du nom de ses deux fondatrices, est le premier salon de coiffure 100% végétale sur Grenoble. Mues par une véritable philosophie, Aurore et Bénédicte se refusent désormais à toute chimie agressive pour le cheveu et la peau, quitte à ne plus proposer certaines prestations.
« Je n’arrivais plus à préparer une coloration traditionnelle, ça devenait épidermique », confie avant l’arrivée des premières clientes Aurore, cogérante du salon de coiffure OéB. « J’ai un énorme respect pour le cheveu. Pour moi, c’est comme de la soie. Avec la coiffure traditionnelle que j’ai enseignée pendant treize ans, je n’étais plus en adéquation avec ça. » Portée par la même passion et la même sensibilité, Bénédicte, son associée, ne se voile pas non plus la face : « Nous finissions par vendre du soin parce que nous avions nous aussi abîmé et desséché le cheveu. »
Les plantes comme alternative à l’industrie pétrochimique
Partant de ce postulat et convaincues qu’une approche différente existe, les deux amies finissent par délaisser complètement les techniques traditionnelles et ouvrent leur salon en octobre 2013 dans lequel elles utilisent des produits 100% naturels, essentiellement des végétaux.
Hennés purs sans sels métalliques (cf. encadré en fin d’article), indigo, eaux florales, huiles essentielles, argiles, sont autant de produits qui composent aujourd’hui le panel à disposition des deux coiffeuses converties. « Vous pouvez pousser tous les tiroirs chez nous, vous ne trouverez aucun produit oxydant », affirme Aurore.
Pour Bénédicte, c’est l’aboutissement de huit ans de tests et d’expérimentations personnels. Le temps nécessaire aussi pour prendre contact avec des marques partageant sa philosophie ainsi qu’une première clientèle à domicile. « Travailler à domicile m’a permis de prendre la température concernant la coiffure 100% végétale. »
Il est 9 heures du matin quand les deux premières clientes de la journée poussent la porte du salon. Des couleurs chaudes, une décoration personnalisée et hétéroclite les accueillent.
Nous sommes à coup sûr loin d’un salon franchisé. « Nous voulions que les gens se sentent un peu comme à la maison en venant chez nous et n’entrent pas dans un salon de coiffure classique et stéréotypé », assure Bénédicte.
Ainsi, une mezzanine abrite un espace bibliothèque avec des jeux pour les enfants, et une cabine pour coiffer de façon individuelle. Bénédicte l’utilise notamment pour exécuter des coupes énergétiques au rasoir coupe-chou.
Une démarche écologique globale
En accord avec le concept affiché sur la vitrine, Aurore et Bénédicte ont utilisé des écomatériaux et installé des économiseurs d’eau. Elles ont chiné la plupart de leur mobilier dans des recycleries qu’elles ont ensuite customisé. Elles ont également racheté du mobilier professionnel d’occasion comme les fauteuils de coiffure.
C’est la deuxième fois qu’Aude, trente-six ans, vient au salon. « La première fois, je suis venue parce que j’ai demandé l’adresse à une amie que je trouvais toujours bien coiffée. J’ai été d’autant plus contente car j’avais enfin trouvé quelque chose qui me correspondait. Je suis de plus en plus à la recherche de bio et de naturel. »
Une première impression convaincante renforcée par la qualité de l’écoute. « J’étais venue pour une coupe et j’ai trouvé que l’accueil était personnalisé, très agréable. Nous sommes restées un quart d’heure devant la glace à discuter de ce qui conviendrait le mieux. »
Préparer le cheveu… au naturel
Aujourd’hui, Aude tente une toute première coloration sur sa chevelure d’un brun profond parsemée de quelques rares cheveux blancs. Bénédicte s’occupe d’elle et, avant de passer à la coloration proprement dite, va préparer le cheveu avec un masque d’argile blanche.
« L’argile nettoie le cheveu pour que le cataplasme de plante tinctoriale puisse s’accrocher dessus, explique la coiffeuse. Quand il y a trop de résidu de silicone, ou de charge d’ancienne couleur ou autre produit qui ferme l’écaille du cheveu, ça glisse dessus. C’est un peu comme quand vous préparez un mur, on ne passe pas d’une peinture glycéro à de la chaux sans préparation préalable. »
Le cataplasme de poudre de plante tinctoriale est le principe de la coloration végétale. Le produit phare est le henné, mais il existe de nombreuses autres plantes, provenant pour la plupart d’Inde mais aussi de France. OéB se fournit actuellement auprès de trois marques françaises qui les ont formées à l’utilisation de leurs produits.
Des produits non allergisants
La gamme de produits respecte donc la santé du cheveu mais aussi celle de la peau et limite les réactions potentielles (cf. encadré en fin d’article). « À ma connaissance, il n’y a pas de réelles allergies, mais il peut y avoir des sensibilités, nuance Aurore. Ce n’est pas parce que nous faisons du végétal qu’il ne peut pas y avoir une petite intolérance à certaines plantes. Malgré tout, il me semble que le cuir chevelu s’habitue mieux. »
En ce qui concerne le henné, malgré quelques cas d’eczémas de contact, le pigment végétal est en effet habituellement bien toléré.
Les cheveux blancs ne seront pas forcément rouges !
À côté d’Aude et Bénédicte, Aurore s’occupe de la coloration d’une cliente de la première heure. Une odeur assez prononcée et inhabituelle dans un salon de coiffure se répand dans l’air… S’il fallait donner une comparaison familière, l’odeur est en effet très herbacée !
À 77 ans, cette cliente est une adepte du henné « fait maison » depuis très longtemps. Or, depuis que ses cheveux blancs ont gagné la bataille, elle n’obtenait que la couleur rouge, caractéristique du henné. « Depuis que je viens, c’est parfait. Ce sont elles qui décident, ce n’est pas moi ! », s’amuse-t-elle.
Le secret réside dans l’alliance de différents pigments végétaux. Le savoir-faire des professionnelles permet de proposer à leur clientèle aux cheveux blancs une échelle de nuances allant du blond très clair au châtain foncé.
Si vous avez déjà testé le henné à la maison, vous savez qu’un temps de pose d’au minimum deux heures est requis. Ce délai est réduit à une heure environ en salon, grâce à un appareil à vapeur. Néanmoins, il vous faudra vous armer d’un peu plus de patience que pour une couleur traditionnelle.
Le 100% végétal a ses limites
Alternative naturelle qui fait ses preuves, le 100% végétal n’autorise cependant pas les désirs les plus fous que la coiffure classique serait en mesure de satisfaire. Par exemple : « Aucune plante n’a le pouvoir d’éclaircir », prévient Aurore. Pas de décoloration comme des mèches éclaircies donc, ni de couleur cendrée, irisée ou violine. De la même façon, il est impossible de friser (permanente) ou à l’inverse défriser. Toutes ses techniques nécessitant de modifier la structure du cheveux par des procédés chimiques.
De plus, la synthèse chimique, bien que très minoritaire, n’est également pas totalement absente des produits utilisés chez OéB. Cela concerne la composition des shampoings qui ne peut pas bénéficier du slogan « 100% naturel ». En effet, si certaines des bases lavantes sont d’origine naturelle, comme les noix de lavage, d’autres contiennent des tensioactifs et agents moussants. Tels les laurylsulfates, agents nettoyants d’origine mixte, synthétique et végétale (huile de coco ou de palme).
Bénédicte se veut rassurante : « Ils sont plus doux que les laurethsulfates et acceptés dans le cahier des charges bio. » Les laurylsulfates sont, il est vrai, autorisés par certains labels bio comme Ecocert ou la charte Cosmébio. Cependant, reconnus comme étant des tensioactifs irritants pour la peau, leur utilisation dans la composition de produits labellisés est sujet à controverse. Le label garantit néanmoins que les shampoings d’OéB sont exempts de silicone, parabens, PEG, DTA, etc.
Des limites qui n’ont pas empêché les ambassadrices du 100% végétal de rencontrer leur clientèle. D’autant que leur volonté est d’ouvrir leurs tarifs au plus grand nombre en les maintenant dans la fourchette moyenne des salons classiques. Une politique qui semble payante. Après un an d’activité, en travaillant à deux, le délai pour obtenir un rendez-vous est d’un mois.
Delphine Chappaz
COLORATION À BASE DE PLANTES OU 100% VÉGÉTALE : GARE À L’AMALGAME !
« Coloration végétale », « Teinture aux plantes », « phyto-coloration » sont autant de mentions qui peuvent amener le consommateur sur de fausses pistes ! En témoigne le résultat de notre petite enquête qui vous éclairera un peu plus sur ce que vous pouvez vous mettre sur la tête.
« Toute la force des pigments végétaux »
« En faisant de la nature sa complice, Phyto a créé pour vous la coloration permanente aux pigments végétaux. »
Voici un exemple de slogan publicitaire très couramment rencontré. Or, si l’on s’attarde sur la composition du produit, il s’avère que la chimie est largement mise à contribution dans le processus de coloration qui n’a, au bout du compte, rien de naturel.
À y regarder de plus près (vraiment plus près !), les industriels préviennent des risques d’allergie et de présence de diaminobenzènes (entre autres produits chimiques). Mais qu’est-ce que les diaminobenzènes ?Diaminobenzène/henné noir : même combat !
Le henné est parfois suspecté à tort d’être allergisant. D’après la Commission de sécurité des consommateurs, il est habituellement bien toléré mis à part quelques eczémas de contact. Sa mauvaise réputation provient sûrement des réactions provoquées par les tatouages au henné noir, largement diffusé sur les plages en été.
Or, la réaction allergique n’est pas due au henné mais à l’additif synthétique rajouté pour obtenir la couleur noire. En effet, le henné est naturellement brun rouge. Pour le rendre plus foncé, on peut utiliser soit un deuxième pigment végétal, comme l’indigo, soit des produits synthétiques meilleur marché, et permettant de réduire considérablement le temps de pose du produit.Pour les tatouages, le plus souvent, c’est de la paraphenylènediamine (PPD), un produit de synthèse bon marché. Or, le PPD est fortement allergisant et interdit sous cette forme dans la législation européenne. Seules les coloration capillaires peuvent en contenir à des doses maximales de 6%. C’est le cas si la mention « diaminobenzènes » est inscrite.
Sus aux hennés composés !
« Le henné noir est la bête noire des coiffeurs », explique Bénédicte du salon OéB. « Certains fournisseurs mettent des sels métalliques pour qu’ils soient noirs. »
Voilà un autre exemple, peut-être plus pernicieux encore, de coloration “naturelle” plus vraiment naturelle. L’utilisation de hennés composés avec des sels métalliques (sodium picramate) peut devenir très problématique.
Outre leurs méfaits sur la santé (allergies, effets cancérigènes suspectés), les sels métalliques proscrivent complètement l’utilisation ultérieure de produits oxydants, contenus dans des colorations ou pour permanenter ou défriser le cheveu. Au risque de voir tomber au fond du lavabo votre belle chevelure lors du rinçage ! En effet, l’interaction des deux substances détruit la fibre capillaire.
D’une manière générale, sachez que le henné pur est vert lors de sa préparation. Toute autre couleur doit vous faire douter de sa pureté sans pour autant qu’il s’agisse obligatoirement de composés chimiques.
Deux emballages décryptés à la loupe
Voici un exemple de confusion possible entre deux produits assez similaires… en apparence seulement !
Sur la gauche, un henné auburn “made in France” acheté chez Carrefour à Saint-Egrève et estampillé « coloration végétale ». Sur la droite un « henné naturel » acheté en ligne sur le site Henné Indigo et Compagnie et en provenance du Maroc. À première vue, les deux produits vantent des qualités végétales et naturelles. Celui acheté en grande surface précise même qu’il ne contient pas de PPD.
Retournons à présent les emballages sur la tranche et lisons les petites lignes :
Nous y voilà ! Sur la gauche, le sodium picramate fait son apparition, tandis que le henné du Maroc ne le mentionne nulle part et précise « henné 100% naturel, 0% de produit chimique ».
Les hennés auburns sont souvent renforcés en sels métalliques, le henné naturel étant cuivré, nous l’avons déjà mentionné. De plus, sur l’emballage du henné auburn, il est mentionné d’attendre au minimum 4 à 6 semaines avant de l’appliquer sur des cheveux ayant subis des traitements chimiques. Un autre indice qui doit vous mettre la puce à l’oreille.
Il ne vous reste plus qu’à bien lire les étiquettes et conserver votre esprit critique… Ce qui est écrit en tout petit est souvent le plus pertinent !