Le début de la rue Saint Laurent à Grenoble avec une terrasse devant l'écomusée et la devanture d'un boulanger patissier © Delphine Chappaz - placegrenet.fr

Saint Laurent, vil­lage en coeur de ville

Saint Laurent, vil­lage en coeur de ville

FOCUS – L’origine de la rue Saint Laurent remonte à l’é­poque gallo-romaine, ce qui en fait l’une de plus anciennes rues de Grenoble. Son his­toire, mais aussi peut-être son iso­le­ment géo­gra­phique, confère à la « petite Italie » un esprit vil­lage qui a réussi à tra­ver­ser les époques.

Françoise Di Gionne habitante de la rue Saint Laurent à Grenoble depuis 1946 avec deux amies © Delphine Chappaz - placegrenet.fr

© Delphine Chappaz – pla​ce​gre​net​.fr

Françoise Di Gione a 74 ans, un carac­tère bien trempé et un dyna­misme conta­gieux. Elle est arri­vée dans le quar­tier en 1946, à l’âge de 6 ans.
A cette période, la rue Saint Laurent, comme toute la rive droite de l’Isère, connais­sait une vague d’ins­tal­la­tion d’im­mi­grants italiens.
Françoise n’a jamais quitté sa rue et se rap­pelle ses pre­mières années en France : « En Italie, c’é­tait la misère. Mon père est d’a­bord venu seul à Grenoble pour trou­ver du tra­vail et un loge­ment. Nous sommes arri­vés six mois après, avec ma mère. » Au total, la famille comp­tait pas moins de cinq enfants.
“A sept dans un deux pièces”
« On était des clan­des­tins. Un pas­seur nous a fait pas­ser la fron­tière jus­qu’à Grenoble. Nous avons tra­versé toute la mon­tagne du mont Cenis jus­qu’à Modane à pied. Puis on s’est ins­tallé rue Saint Laurent car deux de mes tantes habi­taient déjà là. Nous étions ainsi tous dans le même immeuble. »
Les condi­tions de vie était alors rudi­men­taires, se sou­vient Françoise. « Nous vivions dans un deux pièces à sept ! A l’é­poque, il n’y avait pas de WC dans les appar­te­ments. On a très mal vécu au départ. On était pauvre, mais heu­reux quand-même. Il y avait beau­coup de monde dans la rue, presque que des Coratins. C’était un petit vil­lage. En 1960, si je ne me trompe pas, on était 6000 habi­tants. Et il y avait 25 épi­ce­ries ! »
Place de la cymaise à Grenoble au début de la rue Saint Laurent avec vue sur L'Eco' Musée Le Mont Rachais et la fontaine au lion © Delphine Chappaz - placegrenet.fr

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Une convi­via­lité préservée

Si dans l’es­prit des Grenoblois le quar­tier reste encore aujourd’­hui celui des Italiens, les pre­miers immi­grants ne sont plus très nom­breux et la popu­la­tion s’est beau­coup diver­si­fiée rue Saint Laurent. Les nou­veaux arri­vants res­sentent très vite l’es­prit vil­lage et la convi­via­lité sans pareil éma­nant de cette petite rue étroite et pit­to­resque. « Nous avons saisi l’am­biance dès la visite de l’ap­par­te­ment, grâce au pro­prié­taire », se rap­pellent Aurélien et Florie, jeune couple ins­tallé depuis juin 2013.
Devanture de boulangerie dans la rue Saint Laurent à Grenoble

© Delphine Chappaz – pla​ce​gre​net​.fr

« Il nous a dit qu’il nous pré­sen­te­rait le gars du res­tau, la bou­lan­gère… Les gens se connaissent ici, se disent bon­jour. Ce n’est pas pareil que dans un autre quar­tier. C’est un petit vil­lage dans la ville ».
Françoise, un brin nos­tal­gique, regrette mal­gré tout l’am­biance de sa jeu­nesse : « Quand on était gamin, c’é­tait pas du tout pareil. Aujourd’hui, l’am­biance se dégrade, même s’il y a tou­jours une cer­taine entraide. Avant, les gens se connais­saient tous. Maintenant, ils sont per­son­nels. C’est plus du tout un esprit famille. »

“Un petit côté insulaire”

Sandrine Giboin gérante de Framboisine atelier de peinture et décoration de meubles démodés rue Saint Laurent à Grenoble © Delphine Chappaz - placegrenet.fr

© Delphine Chappaz – pla​ce​gre​net​.fr

Sandrine Giboin, qui a ins­tallé son com­merce de déco­ra­tion de meubles dans le quar­tier au prin­temps der­nier, ne regrette abso­lu­ment pas son choix : « Je trouve que le côté humain est extrê­me­ment pré­sent ici. »
« Depuis que je suis dans le maga­sin, j’ap­prends à connaître les gens et je trouve qu’il y a moins d’in­dif­fé­rence que dans d’autres quar­tiers de la ville. C’est sûre­ment le petit côté insu­laire de la rue qui rend la com­mu­nauté fami­liale. Tous les matins, c’est comme si j’al­lais au vil­lage en tra­ver­sant le pont. L’union de quar­tier est hyper­ac­tive aussi. »

Une union de quar­tier fédé­ra­trice et autonome

De fait, l’u­nion de quar­tier occupe une place très impor­tante pour cimen­ter les liens entre habi­tants. C’est elle qui orga­nise la célèbre bro­cante quatre fois par an. Françoise, aujourd’­hui res­pon­sable de l’or­ga­ni­sa­tion, rap­pelle fiè­re­ment que celle-ci est finan­cée inté­gra­le­ment par les reve­nus de ces bro­cantes. C’est d’ailleurs la seule union de quar­tier gre­no­bloise auto­nome finan­ciè­re­ment et qui ne béné­fi­cie d’au­cune subvention.
Vue en plongée de la brocante dans la rue Saint Laurent à Grenoble © Joël Kermabon - placegrenet.fr

La bro­cante rue Saint Laurent. © Joël Kermabon – pla​ce​gre​net​.fr

Alors, pour­quoi cette ancienne de la rue Saint Laurent res­sent-elle une dégra­da­tion de l’am­biance de voi­si­nage ? Peut être à cause des liens vis­cé­raux entre des hommes et des femmes aux racines com­munes, ayant tra­versé les mêmes épreuves, que seuls les der­niers Italiens de Saint Laurent ont connu.
C’est d’ailleurs sur la base de la soli­da­rité entre les Italiens de Corato que le quar­tier s’est auto­pro­clamé en 1966 « com­mune libre de Saint Laurent ». Un sta­tut, quelque peu tombé en désué­tude, mais qui explique qu’au­jourd’­hui encore la ville auto­rise l’or­ga­ni­sa­tion de bro­cantes tri­mes­trielles à Saint Laurent.
Delphine Chappaz
Montée de Chalemont au début de la rue Saint Laurent à Grenoble © Delphine Chappaz - placegrenet.fr

La mon­tée de Chalemont. © Delphine Chappaz – pla​ce​gre​net​.fr

Le saviez-vous ?
L’amalgame est sou­vent fait entre la rue Saint Laurent et le quar­tier Saint Laurent. Or la rue n’est qu’un tron­çon du quar­tier du même nom. Sur le plan cadas­tral, le quar­tier Saint Laurent s’é­tend sur la majeure par­tie de la rive droite de l’Isère, depuis l’Esplanade jus­qu’à la Casemate, en pas­sant par la mon­tée de Chalemont. On est face à une confi­gu­ra­tion lon­gi­tu­di­nale sur plus d’un kilo­mètre, com­po­sée de plu­sieurs sec­teurs bien dif­fé­ren­ciés les uns des autres.
Cela néces­site donc de dis­tin­guer une réa­lité humaine d’une réa­lité cadas­trale. Un habi­tant de l’Esplanade ne se sent pas néces­sai­re­ment appar­te­nir au même « quar­tier » qu’un habi­tant de la rue Saint Laurent. Pourtant, les habi­tants parlent eux-mêmes com­mu­né­ment du quar­tier Saint Laurent pour dési­gner la rue seule. Une confu­sion cer­tai­ne­ment entre­te­nue par l’ins­tal­la­tion de l’u­nion de quar­tier au 103 de la rue Saint Laurent.

DC

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