REPORTAGE VIDÉO – Jean-Marie Le Pen, président d’honneur du Front national, est venu soutenir la candidate FN à la mairie de Grenoble, Mireille d’Ornano, le 10 janvier dernier. En réaction, le collectif Lucide ainsi que d’autres organisations avaient appelé à un rassemblement protestataire unitaire place Pasteur, à proximité immédiate de la réunion.
Boulevard Foch, au sein d’un grand hôtel grenoblois. Les militants du Front national de l’Isère préparent l’accueil de leur ancien président dans une ambiance fiévreuse. A quelque pas de là, des opposants commencent à se regrouper et à déployer leurs banderoles. De leur côté, des CRS prennent position. L’atmosphère est électrique. Jean Marie Le Pen est attendu vers 19h après une visite aux Caves de Chartreuse à Voiron. Au programme : une conférence de presse et un meeting de soutien aux têtes de listes FN de l’Isère et tout particulièrement à Mireille d’Ornano, qui brigue la mairie de Grenoble. A l’ordre du jour également sa campagne pour le scrutin des élections européennes avec, en ligne de mire, la promotion de l’euroscepticisme au Parlement européen. A peine arrivé, Jean-Marie Le Pen est accueilli par 300 opposants. Derrière une banderole sur laquelle on peut lire « Grenoble, terre de résistance », divers slogans fusent : « A bas, à bas le Front National ! », « Nous sommes tous des enfants d’immigrés ». Une représentante du collectif Lucide explique : « il n’est pas logique de laisser, sans se rassembler, le FN distiller ses idées nauséabondes ». La circulation est fortement perturbée et les trams de la ligne C sont bloqués. Une situation qui perdurera jusqu’à la dispersion du regroupement. Réalisation : Véronique Magnin et JK Production Le service de presse du FN, au courant en amont de cette manifestation, réagira très vite en publiant un communiqué dénonçant l’attitude de SOS Racisme Isère. M. Le Pen s’insurge en ces termes : « L’annonce d’une manifestation destinée à troubler le bon déroulement des vœux que j’organise aujourd’hui à Grenoble témoigne, une fois de plus, du mépris de la démocratie manifesté par ceux qui prétendent justement en défendre les valeurs ! »Une réunion sous haute protection
Côté sécurité, rien n’est laissé au hasard. Il faut montrer patte blanche pour accéder au meeting. Un cordon d’une trentaine de CRS et de policiers verrouille le passage entre les manifestants et l’entrée de l’hôtel. Une fois le barrage passé encore faut-il pouvoir entrer dans le hall où veillent des vigiles. Seules les personnes s’étant inscrites auparavant peuvent pénétrer dans les lieux. Les noms sont vérifiés. De quoi se prémunir d’éventuels incidents entre manifestants et participants, en évitant des intrusions et autres provocations. Pour parer à toute éventualité, d’autres cars de CRS stationnent dans les rues alentours. En attendant la fin de la conférence de presse en passe de débuter, les militants de tous âges, venus nombreux, s’installent et remplissent peu à peu la salle. Les têtes de listes FN de l’Isère prennent place sur l’estrade. Sur les murs, en nombre, des affiches représentant Jean-Marie Le Pen où l’on peut lire “Contre l’arnaque européenne” donnent le ton. La salle s’échauffe, les militants attendent le chef charismatique. La conférence de presse peut débuter. « Ça, c’est le travail de Monsieur Valls ! » De l’extérieur parviennent les slogans des manifestants ponctués de quelques détonations de pétards. « On se croirait à Dien Bien Phu ! » se moque Jean-Marie Le Pen. Puis, citant un document de l’Observatoire national de la délinquance, il énumère une longue série de chiffres. L’objectif : démontrer selon lui que les faits de délinquance sont en augmentation constante* depuis 2002 (Ndlr : date du début de l’étude). Puis il enchaîne sur le classement annuel mondial de l’insécurité établi par The Economist : « sur 162 pays, la France se classe 36ème en 2011, 40ème en 2012 et 53ème en 2013 ». Et de s’en prendre au ministre de l’Intérieur, « parce que ça c’est le travail de Monsieur Valls ! ». Pour Jean-Marie Le Pen, c’est très clair : c’est bien lui qui est responsable de ces mauvais chiffres, bien qu’il ne soit aux manettes que depuis 2012. Et de poursuivre, faisant allusion à l’affaire Dieudonné : « Monsieur Valls n’est pas chargé en France de la police de la pensée . Il est chargé de résoudre les problèmes de sécurité des Français ». Avant d’ironiser : « grâce à Monsieur Valls, plus personne n’ignorera en France qu’il y a un auteur satirique qui s’appelle Dieudonné ! ». Puis de conclure : « les dérives de la liberté me semblent moins graves que les dérives de la contrainte et de la censure ». Au passage, le président d’honneur du FN égratigne la justice à travers le syndicat de la magistrature : « il y a quand même 30 % des juges qui sont d’extrême gauche ! » s’exclamera-t-il. Rebondissant sur la rumeur de liaison entre le président Hollande et la comédienne Julie Gayet, il évoque le statut de première dame « voire de deuxième dame » (sic !). Et d’affirmer : « je pense que le président devrait avoir une épouse […] le ménage qu’il présente aux yeux des Français n’est pas orthodoxe ». Le thème des scrutins municipaux et européens, objet de sa venue ne sera survolé qu’en fin de conférence. Interrogé sur sa confiance en Mireille d’Ornano, candidate aux municipales, il confie : « j’ai beaucoup de sympathie pour la candidate de Grenoble. […] Je suis assez impressionné par sa montée en force dans les sondages. Je crois qu’elle fera un très bon score. » Très peu de questions suivront, du fait du faible nombre de journalistes présents. Réalisation : Véronique Magnin et JK Production Orientation “locale, européenne et patriote” La salle de réunion est maintenant pleine à craquer. Les slogans du dehors ne parviennent plus jusque-là. Quant aux opposants, ils sont ostensiblement ignorés. Alors que Jean-Marie Le Pen s’installe sur l’estrade, salué par les applaudissement des militants acquis à sa cause, la sono diffuse le chœur des Esclaves, extrait de l’opéra Nabucco de Guiseppe Verdi. Une mise en scène majestueuse pour l’entrée en scène de l’ancien leader. Derrière lui, s’alignent les principales têtes de liste FN de l’Isère. En sa qualité d’hôte, Mireille d’Ornano ouvre le meeting. Surfant sur les sondages plutôt favorables au FN, elle évoquera la préparation des prochaines échéances électorales, notamment à travers la consultation des électeurs grenoblois. Via « un questionnaire ciblé » dira-t-elle « mais nous assumons cette orientation locale, européenne et patriote ». Il sera aussi question du bilan de la politique gouvernementale concernant l’immigration. La candidate critique « la vraie fausse bonne idée » de Matignon « consistant à commander un rapport sur la refondation des politiques d’intégration ». Et d’avertir : « la conséquence sera la mise en place d’une société communautaire » . Pour terminer, Mireille d’Ornano réaffirme les « principes d’identité culturelle et cultuelle décomplexés » qui restent à ses yeux « la seule force qui nous reste face à cette stratégie de conquête ». Entendez : l’immigration massive. Réalisation : Véronique Magnin et JK Production C’est au tour de Jean-Marie Le Pen de prendre la parole. Il reprendra pour les militants, pendant plus d’une heure, les points d’actualité déjà évoqués durant la conférence de presse, en s’étendant un peu plus sur l’Europe. Son parti étant en tête pour les élections européennes selon un récent sondage (Ifop/Nouvel Observateur), il compte bien en profiter pour asseoir le projet de grand parti eurosceptique européen. Une intervention saluée par un tonnerre d’applaudissements, tandis que résonnent à nouveau les chœurs de Nabucco. Les militants se précipitent vers l’estrade pour la traditionnelle séance de photographies et posent avec le chef historique. Quant aux jeunes têtes de liste de l’agglomération, ils profitent de cette exposition médiatique pour présenter les grandes lignes de leur programme. Réalisation : Véronique Magnin et JK Production L’attachement au vieux guide est palpable. Tous partagent ensuite galettes des rois et verres de cidre. Dehors, les opposants ont fini par se disperser dans le calme et la circulation a repris sur le boulevard Foch. Joël KermabonLes signataires de l’appel au rassemblement contre Jean-Marie Le Pen
Le collectif Lucide (Alternatifs, Alternative Libertaire, CIIP, ADDIRP38, GU, JC, Mouvement de la Paix, NPA, Osez le Féminisme, PAG38, PG, RLF Isère, Solidaires, SOS Racisme, UD CGT, UNL, Militants citoyens), l’association Culturelle Amazigh, l’association des Libres Penseurs, MJS, Unef, Comité de soutien aux réfugiés algériens, Comité Traite négrière/Esclavage, Fase, Iran solidarités, LDH (Isère)- Gauche unitaire, LIFPL, PAS 38, PCOF Solidaires, UD CGT.Retour