DÉCRYPTAGE – Le débat organisé le 10 décembre dernier au Verre à Soi a été l’occasion d’échanger plus largement sur les enjeux de ce vaste projet, en présence de différents invités. En particulier, sur les aspects économiques, avec de nettes divergences entre les intervenants.
« Il ne faut pas céder à la tentation du luxe ! » Pour Pierre Jaussaud, directeur du bureau d’études EFCâbles, c’est clair : l’ardoise finale dépendra ce que l’on mettra dans le projet. « Avec une gare tous les 600 mètres en mono-câble, le coût du kilomètre revient à 7,5 millions d’euros, matériel installé ». A noter : si le prix est deux fois plus cher avec un téléphérique débrayable 3S, le coût d’entretien s’avère en revanche un peu moins important avec cette technologie plus performante en terme de débit et nécessitant moins de pylônes. Pour François Nougier, représentant d’Europe Écologie-les Verts résidant à Lans-en-Vercors, au contraire, le coût doit intégrer le prix du parking — s’il doit y en avoir un — et des liaisons internes au plateau. Et celui-ci de mettre en garde les élus contre la tentation de la minimisation des frais qui ne peut que braquer les contribuables et nourrir les oppositions. « Il faut arrêter de dire que le projet ne coûtera que 53 millions d’euros. Ce n’est pas vrai ! » Une conception partagée par Yannick Boulard, maire de Fontaine, qui table, lui, sur un coût de 80 millions d’euros. « 80 millions d’euros, ce n’est pas rien, mais au final, cela ne représente qu’une année d’investissement de la Métro. C’est aussi le prix du Stade des Alpes », a‑t-il signalé, un brin provocateur. Une somme qui n’intègre toutefois pas le coût des navettes sur le plateau qui reste encore à chiffrer. « Mais elle ne prend pas non plus en compte les économies qui seraient réalisées avec la réduction du nombre de cars subventionnés par le département. » Réduction, par ailleurs, vivement dénoncée par l’association d’opposants au téléphérique Vercors à cœur, qui souligne que faute de fréquence suffisante de cars, certains habitants du plateau seraient obligés de reprendre leur voiture. Trop tôt pour parler du prix du ticket Et le prix du ticket dans tout ça ? 6 euros avec des systèmes de tarification sociale et solidaire a avancé Michel Gilbert, chargé de mission sur le transport par câble à la direction de la mobilité et des transports de l’agglomération grenobloise, « même s’il est trop tôt pour le dire ». Un prix qui dépendra de l’entreprise qui gérera cette installation, selon François Nougier. Et Pierre Jaussaud de rappeler que le département finançait 90 % du coût du ticket de bus. Le prix affiché ne signifie donc pas grand chose. Les vraies questions qui se posent, selon François Nougier, sont celles du montage juridique et de qui va gérer cette installation. « En fonction de ça, soit le prix du ticket sera attractif, soit il sera exorbitant. On parle de partenariats public privé (PPP), de société d’économie mixte (Sem)… Il y a là un point crucial sur lequel il va falloir se positionner clairement à un moment donné. » Pour Michel Gilbert, une structure porteuse, comme une société publique locale (SPL), pourrait, par exemple, porter le projet. Relance de l’économie locale Coûteux, ce projet de câble pourrait toutefois favoriser le développement économique. Comme à Bolzano, en Italie, où le nouveau téléphérique a permis de relancer l’économie locale, la ville étant devenue « une curiosité touristique » de l’avis de Yannick Boulard. Et Michel Gilbert de souligner qu’un an après la mise en service d’un nouveau téléphérique, les hôteliers et restaurateurs du plateau avaient réalisé une augmentation de plus de 30% de leur chiffre d’affaires. Ce dernier a d’ailleurs fait un parallèle avec le téléphérique la Bastille, site le plus visité de l’Isère, avec pas moins de mille visiteurs par jour sur l’année. De son côté, Yannick Boulard attend également des bénéfices dans Fontaine, notamment dans la zone industrielle des Vouillands « une des toutes premières zones industrielles du département, aujourd’hui vieillissantes. » Une question de choix politiques Pour François Nougier, les communes rurales proches de l’agglo ont un réel défi à mener au cours des vingt prochaines années : « soit elles continuent à vivre, soit elles deviennent des cités dortoirs, comme Saint-Nizier ». L’écologiste considère d’ailleurs que le câble peut jouer dans les deux sens, en fonction des choix politiques qui seront faits au niveau de chaque commune et qu’il faut avancer sur l’aspect social du projet au-delà de l’aspect technique. « Les vitesses de développement de ces deux facettes du projet sont complètement différentes en haut et en bas. Il faut laisser le temps à chacun de pouvoir s’accorder. » Et celui-ci d’insister sur la nécessité de se pencher sur toutes les pistes : le tourisme d’affaire, aujourd’hui totalement ignoré sur le plateau, pourrait par exemple jouer un rôle central. Autre enjeu pour le plateau souligné par Michel Gilbert : sortir du tourisme hivernal, centré sur le ski de piste, et évoluer vers un tourisme des quatre saisons avec des activités multiples. « On imagine très bien que les gens puissent monter faire du vélo de route, du VTT sur le plateau, ou du tourisme de randonnée. » Ou comment faire rimer économique et écologique. Muriel Beaudoing et Paul TurenneDécouvrez l’intégralité du dossier spécial téléphérique : Téléphérique du Vercors : où en est-on ? → Reportage vidéo – Le câble du Vercors en débat → Focus – Transport par câble : le retard français → Décryptage – Les enjeux économiques du câble du Vercors → Décryptage – Téléphérique rime-t-il avec écologique ?→ Rétrospective –