Climato-scep­tiques ou négateurs ?

Climato-scep­tiques ou négateurs ?

 
Une étude d’opinion est passée presque inaperçue en août. Elle a été effectuée à la demande du Commissariat général au développement durable (CGDD), dont le rôle au sein du ministère de l’Ecologie est de promouvoir le développement durable dans les politiques publiques et dans les actions de tous les acteurs socio-économiques.
 
Cette photographie de l’opinion publique tend à démontrer que plus d’un Français sur trois refuse d’attribuer aux activités humaines l’actuel dérèglement climatique dont les conséquences pourtant dramatiques touchent aujourd’hui des milliers d’humains, mais il est vrai pour le moment essentiellement loin de France.
 
 
Le moins que l’on puisse dire est que le sort des habitants des îles Kiribati, qui ont alerté pendant la pause estivale l’opinion mondiale sur leur situation devenue critique, ne nous bouleverse pas. Mais parions qu’il en sera autrement lorsqu’une partie des habitants de nos îles bretonnes et vendéennes devront, face à la montée inéluctable des eaux, rejoindre le continent pour devenir à leur tour des réfugiés climatiques.

 
 
Multiplication des phénomènes extrêmes
 
Et l’échéance n’est plus très lointaine, si l’on met en perspective les effets de la tempête Xynthia et sa cohorte de drames et de malheureux qui ont vu le ciel et la mer leur tomber sur la tête ; phénomène sans doute exceptionnel mais étroitement lié au dérèglement actuel. La multiplication de ces phénomènes extrêmes, quantifiés par les statistiques des compagnies d’assurance et de réassurance qui couvrent le risque « catastrophe naturelle », ne peut être sérieusement contestée.
 
Avec son agglomération de près d’un demi-million d’habitants, appliquons ce pourcentage à notre région grenobloise et nous arrivons au chiffre impressionnant de 175 000 personnes qui nieraient le rôle de la race humaine dans les bouleversements que notre planète connaît depuis la révolution industrielle qui a démarré au 18ième siècle.

 
Les scientifiques ont donné à ce phénomène le nom un peu barbare d’anthropocène*. En résumé, l'impact sur l’environnement planétaire des modifications, des prélèvements et des rejets humains l'emporterait sur les facteurs et fluctuations naturels, en particulier au niveau du climat et des grands équilibres de la biosphère. Notre espèce désormais dominante modifierait l’équilibre naturel qui a favorisé son émergence… pour conduire à sa propre perte ?
 
Adepte de science-fiction, il m’a fallu reconnaître que le futur de la Terre décrit dans les dernières productions que sont Elysium, After Earth, Cloud Atlas ou Oblivion, pour ne citer qu’elles, ne ressemble pas à un tableau idyllique : à les regarder, notre monde deviendra inhabitable et les survivants seront confrontés à des conditions de vie apocalyptiques, quand les plus chanceux (ou les plus riches) auront pu le fuir et se mettre à l’abri. Si ces auteurs ont le même sens de prémonition qu’un Jules Verne, on peut légitimement s’inquiéter.

 
 
« Après moi le déluge » ?  
 
Mais revenons au questionnement initial : un tiers de nos congénères grenoblois seraient donc adeptes, sans le savoir, de cette fameuse phrase attribuée à Louis XV « après moi le déluge » ? Doit-on s’en désoler, s’en emparer et lutter avec opiniâtreté contre ce refus de l’évidence ?
 
A ce stade, une autre réflexion vient se superposer. Elle s’impose à l’écologiste convaincu, à l’engagé au service de la protection de notre environnement local, en recherche permanente de sens et d’efficacité dans son combat quotidien. N’y-a-t-il pas une faille grandissante dans le message dit « écolo » ? La vérité scientifique sur laquelle il s’appuie, qui devrait emporter l’adhésion du plus grand nombre tant elle semble claire et évidente, aboutit paradoxalement à l’effet inverse de celui recherché.
 
Il semble que son caractère anxiogène soit une des clefs de compréhension à mettre au débit de ce paradoxe. Le syndrome du Titanic, qui avait permis à Nicolas Hulot de devenir avec sa fondation un des acteurs majeurs du Grenelle de l’Environnement, ne fait plus recette.
 
La structure sociologique de ces climato-sceptiques, telle qu’elle est dévoilée par les auteurs de l’étude du CGDD, nous apporte une autre clef qui devrait interpeller le politique : la plupart des climato-sceptiques sont majoritairement, soit des personnes âgées, soit des personnes non diplômées, les plus fragiles en période de crise économique, mais dont le poids électoral est déterminant quand on connaît l’écart infime qui sépare depuis des années les candidats aux élections majeures en France.
 
Avec pour conséquence un rejet dans les mêmes proportions de solutions pourtant simples et qui devraient être consensuelles, comme l’abandon du nucléaire (évident après les catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima) au profit des énergies renouvelables les moins impactantes (éolien et photovoltaïque), la taxation du diesel (dont on a découvert les impacts redoutables sur la santé humaine) ou la lutte à prioriser contre tous nos gaspillages énergétiques, d’espaces ou de ressources naturels.

 
 
Convaincre ses voisins ? 
 
Dès lors, une des questions redondantes qui s’impose à moi, en perpétuelle recherche de sens et d’efficacité maximum de mon action dans le temps limité et précieux de chaque jour, est la suivante : en cette rentrée agitée et déjà pré-électorale, dois-je m’employer et utiliser une partie de mon temps militant déjà bien restreint à convaincre cette part importante de mes « voisins » et surtout futurs électeurs qu’ils font fausse route ? Ou considérer qu’à l’image de la dérive des continents ou de la théorie de l’évolution des espèces, la vérité sur le rôle de l’homme dans le changement climatique s’imposera d’elle-même et, avec elle, les décisions qui aujourd’hui tardent tant à se mettre en œuvre ?
 
Une chose est certaine, je ne suis aujourd’hui qu’un des 7 milliards d’habitants qui peuplent à cet instant notre planète miracle et, à ce titre, j'ai parfaitement conscience de mes limites. Mais j’ai aussi la chance d’habiter une région du monde où la famine et la guerre ne sévissent plus (et depuis peu ! Que sont ces 50 ans à l’échelle du temps ?).
 
D’où ce sentiment aigu que, profitant de cet acquis inestimable et sensible à l’appel de Pierre Rabhi, il est de ma et de notre responsabilité de mettre en œuvre, partout où nous vivons et au plus vite, toutes les initiatives individuelles et collectives qui iront dans le sens du changement de direction de notre société vers la transition écologique, véritable source de progrès et de sens.
 
Je profiterai donc de ce blog pour vous faire part d’initiatives dont je suis le plus souvent le témoin privilégié et qui ici, dans notre département très inventif en la matière, participent à cette transition. Le prochain thème que j’aborderai avec vous sera le gaspillage alimentaire.
 
 
Francis Meneu
 
 
* « Voyage dans l’anthropocène – cette nouvelle ère dont nous sommes les héros » de Claude Lorius et Laurent Carpentier – Editions Actes Sud
 
 

F. Meneu

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