REPORTAGE – Inscriptions prises d’assaut, activités périscolaires saturées… A Voiron, une semaine après la rentrée des classes, la réforme des rythmes scolaires avance à tâtons. La cinquantaine d’activités et la centaine d’intervenants mobilisés par la ville seront-ils suffisants pour répondre à la demande des élèves et des parents ? L’apprentissage se poursuit…
A Voiron qui, comme 46 des 444 communes de l’Isère, a fait le choix d’appliquer dès 2013 la réforme des rythmes scolaires, l’heure est aux apprentissages. Une semaine après la rentrée des classes, on s’organise toujours pour que les élèves, maternelles et élémentaires, scolarisés dans les neuf écoles publiques, trouvent une place parmi la cinquantaine d’activités périscolaires mises en place par la ville*.
La réforme, conduite tambour battant pour être appliquée en un temps quasi-record (cinq mois dont deux d’été), avance à tâtons. Malgré la multiplication des réunions préalables, la coordination entre l’Education nationale, la Ville et les parents d’élèves semble un exercice pour le moins difficile…
La course aux inscriptions
Les services de la ville ont travaillé d’arrache-pied pour mobiliser une centaine d’intervenants, animateurs de la MJC, enseignants, éducateurs sportifs, associations, agents municipaux et embaucher trois contrats d’avenir ainsi que dix animateurs qualifiés. Un bon point.
Le mauvais point, lui, est tombé le jour de la rentrée, quand ont été placardées, sans crier gare, les feuilles d’inscription aux activités périscolaires. La course aux inscriptions a alors commencé, avec plus ou moins de bonheur. Et les activités ont été prises d’assaut dans les écoles, comme à la Brunerie, Jean de La Fontaine ou à Criel. Dans cette dernière, les feuilles ont au final tout bonnement été arrachées…
« Certains enfants étaient inscrits tous les jours ! s’indigne une maman. D’autres n’ont aucune place car les parents n’ont pas eu le temps d’inscrire leur enfant ! » Pas assez d’activités ? Défaut d’organisation ? Manque d’explications ? « Un couac, il en fallait bien un » concède Anne Favier, adjointe déléguée à l’éducation et à l’enfance à la ville de Voiron.
Une semaine après la rentrée des classes, à l’école de Criel, on efface tout et on recommence. N’empêche… Les questions demeurent. Tous les enfants auront-ils une place parmi la vingtaine d’activités proposées sur ce groupe scolaire où la fronde a été particulièrement vive ? Ne faudra-t-il pas limiter le nombre d’activités dans la semaine pour que chaque enfant y trouve son compte ? « On voit et on ajuste, répond Anne Favier. Il n’y a pas de règles ».
« C’est un choix politique »
Réforme précipitée ? C’était déjà le leitmotiv de nombreux parents d’élèves comme des enseignants et des élus de l’opposition municipale avant l’été. L’adjointe se défend d’être allée trop vite. La ville s’était fixée un calendrier, elle l’a tenu, quitte à y passer les vacances d’été. « L’enfance et l’éducation sont la priorité du mandat, argue Anne Favier. On avait déjà travaillé sur le projet éducatif local (activités périscolaires mises en place sur la base du volontariat, NDLR). La réforme vient parfaire tout ça ».
Et puis, il y a la carotte financière : 50 euros d’aide de l’Etat par enfant pour les communes basculant en 2013. A quoi s’ajoute l’aide de la CAF, 0,49 euro/heure par enfant présent. Au final, il restera à la charge de la ville 45 000 euros à payer en 2013 et 78 000 euros en 2014. « On a évalué à 200 000 euros le coût de la réforme sur une année », calcule Anne Favier.
En passant de 400 000 à 600 000 euros, le budget des écoles fait un bond de 50 %. Qui va payer, alors que la municipalité s’est engagée à ne pas « impacter le budget des familles », le tarif pour les activités périscolaires restant le même que celui de la garderie, entre 0,54 € et 1,16 € par jour et par enfant en fonction du quotient familial** ? D’autres activités, éducatives, culturelles ou sportives pourraient en faire les frais.
« C’est une demi-mesure qui va coûter cher »
Mais pour l’adjointe, c’est un « choix politique », une décision mûrement réfléchie et une solide conviction qui n’est pas passée sans faire de vagues. « Cette réforme, c’est une action collective et c’est aussi du compromis ». Dès le départ, la mairie avait écarté toute possibilité de reporter la réforme à 2014. Pour lancer la discussion, on peut trouver mieux… La pilule avalée auprès des parents et des enseignants, l’élue a elle aussi dû revoir quelques-unes de ses positions, comme l’idée d’une pause de midi allongée à 2h45, suivant en cela les préconisations des chronobiologistes.
« Avec une pause de deux heures, on est davantage dans un rythme social que dans un rythme qui respecte la physiologie des enfants mais bon… ». Au final, chaque jour, les élèves ont trois-quart d’heure de cours en moins, et classe le mercredi matin. « C’est une mini-réforme, dénonce une enseignante. Soit on allégeait véritablement la journée de l’enfant, soit on ne faisait rien, mais là, c’est une demi-mesure qui va coûter cher… »
« Il n’y a pas que les enseignants pour éduquer »
Un pas est fait. Reste à ancrer le dispositif pour finir de convaincre, et travailler aux côtés des enseignants. « Etre dans la complémentarité », appuie l’élue socialiste. La partie n’est pas facile. Depuis 2010, Voiron fait partie du réseau français des villes éducatrices et travaille sur la question des activités périscolaires, notamment au travers du projet éducatif local, sans être véritablement parvenue à convaincre le monde enseignant.
« Réfléchir sur le temps de l’enfant est une bonne chose mais il faut réfléchir ensemble », poursuit Anne Favier. C’est la première fois qu’un gouvernement dit : « il n’y a pas que les enseignants pour éduquer. Aujourd’hui, il est permis de travailler ensemble. On s’en saisit… ou pas ».
En Isère, un élève sur quatre expérimente ce nouveau rythme des 4,5 jours de classe hebdomadaires. Les autres devraient suivre à la rentrée 2014. Non sans craintes, et notamment de manquer d’animateurs dans les communes qui feront partie de la seconde vague. La mutualisation des moyens sera-t-elle la solution ? Certains l’expérimentent déjà, comme à Pommiers la Placette et Voreppe.
« Il faut déconstruire cette réforme pour avoir de nouvelles idées, poursuit Anne Favier, vice-présidente de la communauté d’agglomération du Pays voironnais. Si on part de ce que l’on a, on ne fait rien ». La première étape de la réforme ne fait que commencer, faisant presque oublier le gros morceau : le raccourcissement des vacances d’été…
Patricia Cerinsek
* Les élèves, en maternelle et cours élémentaire, ont désormais classe les lundis, mardis, jeudis et vendredis de 8h30 à 11h45 et de 13h45 à 15h45, et le mercredi de 8h30 à 11h30. Les activités périscolaires, gérées et financées par la ville, prennent le relais de 16h à 17h.
** Les activités périscolaires sont gratuites pour les familles les plus en difficulté.
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