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Guetta : retour sur un concert polémique

Guetta : retour sur un concert polémique

DECRYPTAGE – Le 28 juin der­nier, le célèbre DJ David Guetta réunis­sait 20 000 per­sonnes à l’oc­ca­sion d’un concert géant au Stade des Alpes. Un nombre de spec­ta­teurs que l’on n’a­vait plus vu à Grenoble depuis le concert de Johnny Halliday, en 2009. Au même moment, envi­ron 700 per­sonnes défi­laient dans les rues de Grenoble pour deman­der, entre autres, un rééqui­li­brage des res­sources publiques allouées à la culture. Une polé­mique qui a donné lieu à quelques contre­vé­ri­tés. Mise au point.

Manifestants remontés contre les "subventions" accordées à David Guetta pour sa venue à Grenoble. © Véronique Serre

Manifestants remon­tés contre les « sub­ven­tions » accor­dées à David Guetta pour sa venue à Grenoble.
© Véronique Serre

« Pensez glo­bal, écou­tez local », « Les teuf­feurs sont aussi des élec­teurs », « Le local plu­tôt que le com­mer­cial », ou bien encore « On veut pas des mil­lions, juste de la consi­dé­ra­tion »… Voilà quelques-uns des slo­gans que l’on pou­vait lire ou entendre lors de la parade « Guetta Pan », le ven­dredi 28 juin à Grenoble. Les par­ti­ci­pants de cette mani­fes­ta­tion fes­tive et apo­li­tique enten­daient ainsi dénon­cer la fai­blesse des aides des col­lec­ti­vi­tés locales accor­dées à la scène élec­tro­nique grenobloise.
Ce jour-là, David Guetta se pro­dui­sait au Stade des Alpes pour un concert géant devant 20 000 per­sonnes. Un chiffre impres­sion­nant… Tout comme celui qui a cir­culé au sujet de la sub­ven­tion qui aurait été allouée à la star : 200 000, voire 250 000 euros. De quoi mettre le feu aux poudres, quelques mois après l’é­pi­sode mar­seillais. Pour rap­pel, David Guetta avait dû se résoudre à dépla­cer sa pres­ta­tion ini­tia­le­ment pré­vue au parc Borély, à la salle du Dôme, suite à la polé­mique concer­nant une sub­ven­tion de 400 000 euros accor­dée par la mai­rie de Marseille. (lire l’ar­ticle sur mar­sactu)
A Grenoble, les « anti-Guetta » n’ont pas ménagé leur peine pour ten­ter de faire entendre leurs voix. Construction de chars pour la parade du 28 juin, péti­tion dénon­çant la sub­ven­tion sup­po­sée, groupe Facebook « pour trou­ver ensemble des idées d’ac­tions pour empê­cher la venue de David Guetta à Grenoble au Stade des Alpes sur le fond de finan­ce­ment artis­tique de la ville »… Quitte par­fois à se mélan­ger un peu les pin­ceaux sur les aides accordées.
Coproduction 100% privée
David Joly, directeur général du Stade des Alpes de Grenoble. © Muriel Beaudoing

David Joly, direc­teur géné­ral du Stade des Alpes de Grenoble.
© Muriel Beaudoing

Ainsi, contrai­re­ment à ce qui a pu être dit, Grenoble-Alpes Métropole (Métro) n’a pas direc­te­ment versé d’argent aux orga­ni­sa­teurs du concert. Elle a, en revanche, voté une aide glo­bale au ges­tion­naire Carilis, lors­qu’il a repris la délé­ga­tion de ser­vice public du stade en novembre 2012 (cf. enca­dré « Double contri­bu­tion de la Métro pour le Stade des Alpes », ci-dessous).
« Le concert de David Guetta est une copro­duc­tion 100% pri­vée entre Carilis et la société Rémi Perrier Organisation (RPO) », confirme David Joly, nou­veau direc­teur géné­ral du Stade des Alpes, âgé d’à peine 34 ans. Carilis et RPO auraient ainsi versé 250 000 euros à David Guetta. Un mon­tant non confirmé par les prin­ci­paux inté­res­sés, sou­mis à une clause de confidentialité.
La ville de Grenoble, quant à elle, le réaf­firme clai­re­ment : elle n’a pas par­ti­cipé au finan­ce­ment du concert de David Guetta. « Nous avons en revanche demandé au pro­duc­teur de mon­ter une pre­mière par­tie élec­tro locale, que nous avons par­rai­née à hau­teur de 10 000 euros. Par ailleurs, nous avons pro­fité de la pré­sence de 20 000 per­sonnes pour com­mu­ni­quer sur notre pro­gram­ma­tion esti­vale, via des achats d’es­paces publi­ci­taires sur les écrans géants du stade des Alpes, à hau­teur de 4 000 euros. » Enfin, en ce qui concerne l’as­sis­tance tech­nique four­nie, en par­ti­cu­lier avec le déploie­ment de la police muni­ci­pale, elle ne dif­fè­re­rait en rien de celle mise en place lors d’é­vé­ne­ments de même ampleur.
Malaise de la scène locale
20 000 personnes se sont pressées au Stade des Alpes de Grenoble pour écouter David Guetta. DR

20 000 per­sonnes se sont pres­sées au Stade des Alpes de Grenoble pour écou­ter David Guetta.
DR

Cette affaire aura en tout cas per­mis de révé­ler le malaise de la scène alter­na­tive locale, notam­ment en matière de musiques élec­tro­niques. Car aux yeux des mani­fes­tants, deux uni­vers s’op­posent : d’un côté des célé­bri­tés, tels le DJ d’Ibiza, payées à prix d’or. De l’autre, une scène locale peu sub­ven­tion­née, avec de moins en moins de salles à sa dis­po­si­tion pour s’exprimer.
Un membre de Musact à Grenoble, asso­cia­tion de musique élec­tro­nique figu­rant parmi les orga­ni­sa­teurs de la parade Guetta Pan, dénonce ainsi : « On est là depuis dix ans, on fait de 5 à 10 000 spec­ta­teurs chaque année, on est engagé, mili­tant ; on fait dix à vingt dates par an, le public est au ren­dez vous. Ca fait deux ans qu’on demande 10 000 euros pour renou­ve­ler notre matos son, lumière et déco­ra­tion ; on fait les dos­siers, on sup­plie, et rien ! Pire que ça, il arrive qu’on nous mette des bâtons dans les roues. »
Outre la baisse, voire la sup­pres­sion de sub­ven­tions, vitales pour ces petites asso­cia­tions, ces der­nières dénoncent notam­ment les inter­dic­tions de soi­rées et la fer­me­ture avan­cée de la salle de spec­tacle l’Ampérage, à 1h du matin au lieu de 5h aupa­ra­vant. Sans comp­ter les lieux de la ville deve­nus inac­ces­sibles pour ces artistes. Comme en atteste la fin des fes­ti­vals Lost In Bass Hill et Lumières sur la Bastille.
Appel lancé à la scène alternative
Vue d'artiste de la futur salle de musiques amplifiées La Belle Electrique, à Grenoble. DR

Vue d’ar­tiste de la futur salle de musiques ampli­fiées La Belle Electrique, à Grenoble.
DR

Quant à l’ar­ri­vée pro­chaine de La Belle Electrique, futur salle de musiques ampli­fiées à Bouchayer Viallet, elle ne chan­ge­rait pas grand chose, à en croire Musact. « Si cette salle est néces­saire, elle ne pour­rait, à elle seule, faire vivre les musiques actuelles à Grenoble. Le pro­ces­sus d’é­mer­gence d’ar­tistes néces­site de nom­breux bars et cafés concert (…), puis cinq à six salles de 200 à 500 places pour pro­fes­sion­na­li­ser les groupes, avant d’ar­ri­ver dans des salles plus grosses. » Et de conclure sur la néces­sité de dis­po­ser de davan­tage de salles « pour que tous les acteurs cultu­rels puissent s’ex­pri­mer » et « pour que le public dans toute sa diver­sité soit com­blé ».
« Ce qui est remis en cause à tra­vers cette mani­fes­ta­tion, c’est la poli­tique cultu­relle », observe de son côté le nou­veau direc­teur géné­ral du Stade des Alpes, David Joly. « Certaines asso­cia­tions et évé­ne­ments disent à avoir du mal à exis­ter ». Et celui-ci d’en pro­fi­ter pour lan­cer un mes­sage à la scène alter­na­tive : « Venez nous ren­con­trer pour voir dans quelle mesure nous pou­vons mettre à dis­po­si­tion le stade pour vos évé­ne­ments, en tenant compte des contraintes de coûts d’ex­ploi­ta­tion. Le stade doit être un lieu de vie pour tout le monde. Il faut voir ensemble ce que l’on peut faire. » Pas cer­tain que l’in­vi­ta­tion suf­fise à désa­mor­cer la grogne.
Paul Turenne et Muriel Beaudoing
Double contri­bu­tion de la Métro pour le Stade des Alpes
La contri­bu­tion publique ver­sée par la Métro au ges­tion­naire du Stade des Alpes com­prend, d’une part, une com­pen­sa­tion annuelle cal­cu­lée en fonc­tion du niveau d’un éven­tuel club résident :
- Si le club résident, comme le GF 38 ou le FCG, est en ligue 1, la Métro ne paie rien.
- S’il est en ligue 2 ou pro D2, elle ver­sera 455 000 euros la pre­mière année, 450 000 euros la deuxième et 350 000 euros la troi­sième année.
- S’il n’y a aucun club, elle ver­sera 1 100 000 euros la pre­mière année, puis 900 000 euros la deuxième et 700 000 euros la troi­sième année.
D’autre part, la Métro verse chaque année des sub­ven­tions d’ex­ploi­ta­tion jus­ti­fiées par les contraintes de ser­vice public qu’elle impose au ges­tion­naire. Ainsi, au cours d’une pre­mière phase qui durera jus­qu’en 2015, elle ver­sera 800 000 euros, puis 650 000 jus­qu’à juin 2018, enfin 450 000 de juillet 2018 à octobre 2020.
Le contrat pré­voit, par ailleurs, que la Métro touche des contre­par­ties de la part du délégataire.
Une clause de par­tage des béné­fices pré­voit ainsi que, si Carilis réa­lise un excé­dent brut d’ex­ploi­ta­tion de plus de 400 000 euros, il reverse une cer­taine somme (non communiquée).
L’autre contre­par­tie est une rede­vance d’oc­cu­pa­tion doma­niale, avec une part fixe de 100 000 euros et une part variable de 3% du chiffre d’affaires.
Revivez la parade Guetta Pan en images, grâce aux pho­tos de Véronique Serre :

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