Dans la jungle des antennes

Dans la jungle des antennes

DECRYPTAGE – La 2 G et la 3 G hier, la 4 G aujourd’­hui, la 5 G demain… Le réseau de télé­pho­nie mobile se déve­loppe. Les antennes-relais avec. Mais faute de régle­men­ta­tion, face à des études médi­cales contra­dic­toires, l’in­quié­tude gagne du ter­rain et les pro­cé­dures se mul­ti­plient dans le bas­sin grenoblois.
Antennes-relais dans la ZAC Beauvert à Grenoble. © Nils Louna

Antenne-relais dans la ZAC Beauvert à Grenoble. © Nils Louna

A Grenoble, une antenne-relais cris­tal­lise la grogne. Dans la ZAC Beauvert, l’as­so­cia­tion Robin des Toits appe­lée par des rive­rains inquiets de voir appa­raître maux de têtes, insom­nies et ver­tiges, a mesuré la puis­sance émise par l’an­tenne d’Orange : 13 volts par mètre (V/m). La mesure fait bon­dir le délé­gué régio­nal de l’as­so­cia­tion qui, depuis des années, se bat pour faire recon­naître la noci­vité des ondes et abais­ser les seuils régle­men­taires. « On veut une régle­men­ta­tion en France, résume Jean Rinaldi. Il n’en existe aucune aujourd’­hui. Les opé­ra­teurs de télé­pho­nie mobile font ce qu’ils veulent quand ils veulent ! »
En France, c’est un décret de mai 2002 qui régle­mente la puis­sance émet­trice des antennes-relais, entre 41 et 61 V/m (1). Des chiffres obso­lètes, loin, très loin des recom­man­da­tions du Conseil de l’Europe qui, dans sa réso­lu­tion 1815, recom­mande, mais n’im­pose pas, d’a­bais­ser le seuil d’ex­po­si­tion à 0,6 V/m.
Dans le bas­sin gre­no­blois, les réac­tions sont de plus en plus nom­breuses et les col­lec­tifs se mul­ti­plient, récla­mant le démon­tage d’an­tennes ou s’op­po­sant à l’ins­tal­la­tion de nou­velles. A Grenoble, mais aussi au Versoud, à Crolles, à Corenc, l’in­quié­tude gagne la popu­la­tion. A Sassenage, les habi­tants ont obtenu gain de cause : Bouygues ne s’ins­tal­lera pas sur les ter­rains du cimen­tier Vicat. Une bataille gagnée, mais com­bien d’autres der­rière à mener ?
Des études contestées
© Nils Louna

© Nils Louna

« Des implan­ta­tions d’an­tennes-relais, il y en a à tour de bras à l’heure actuelle », relève Jacqueline Collard, pré­si­dente de l’an­tenne gre­no­bloise de l’as­so­cia­tion Santé Environnement Rhône-Alpes (SERA). « Il n’y a pas d’ap­pli­ca­tion de la règle d’in­for­ma­tion de la popu­la­tion. Alors les gens s’in­quiètent d’au­tant plus. » Quant aux malades, ils portent aujourd’­hui un nom : les « électro-sensibles ».
Combien sont-ils à Grenoble ? Robin des Toits évoque le chiffre de trente cas « très graves », mais qu’en est-il réel­le­ment ? Quel est l’im­pact de ces radio-fré­quences sur le corps humain ? Aujourd’hui encore, mal­gré la mul­ti­pli­ca­tion des études et des rap­ports (2), l’im­pact de ces ondes et leur niveau de nui­sance res­tent très contes­tés. En atten­dant d’y voir plus clair, pour beau­coup, le prin­cipe de pré­cau­tion s’im­pose. Ou devrait s’imposer…
Pour les col­lec­ti­vi­tés locales, et en pre­mier les maires, la marge de manœuvre est étroite. A Grenoble comme à Echirolles, la mai­rie s’est oppo­sée à toute ins­tal­la­tion d’an­tennes-relais sur le domaine public, mais ailleurs ? Sur le toit des HLM, celui des copro­prié­tés ? « On sert de média­teur », résume Gildas Laeron, conseiller muni­ci­pal chargé à la ville de Grenoble des tech­no­lo­gies de l’in­for­ma­tion et de la com­mu­ni­ca­tion. « On demande au besoin des mesures com­plé­men­taires aux opé­ra­teurs. » Des mesures com­plé­men­taires effec­tuées par des bureaux d’é­tudes agréés par le Comité fran­çais d’ac­cré­di­ta­tion (COFRAC), eux-mêmes contes­tés par les associations…
12 à 15 000 euros par an
© Nils Louna

© Nils Louna

Des seuils régle­men­taires dépas­sés, pas d’o­bli­ga­tion d’in­for­ma­tion… Face à l’i­ner­tie des pou­voirs publics, les antennes se mul­ti­plient et la contes­ta­tion s’or­ga­nise. Alors, les opé­ra­teurs ont appris à négo­cier, « 12 à 15 000 euros par an de dédom­ma­ge­ment en échange de l’ins­tal­la­tion d’une antenne », affirme Jean Rinaldi. Ils ont aussi appris à conci­lier et à s’as­seoir autour d’une table, comme à Echirolles. « Ils savent jouer sur la confu­sion : les gens croient que les antennes-relais, c’est la télévision. »
Un décryp­tage s’im­pose, même si le com­bat acharné de Robin des Toits a per­mis de lever bien des zones d’ombre. « Les gens s’in­quiètent, mais il faut qu’ils soient cohé­rents avec eux-mêmes, conti­nue Jacqueline Collard. Si on ne veut pas d’an­tennes-relais, il faut accep­ter de ne pas pou­voir télé­pho­ner au deuxième sous-sol d’un parking ! »
Toujours plus de tech­no­lo­gie, une tech­no­lo­gie tou­jours plus puis­sante : tout cela a un prix. Lequel ? Celui de la santé, et notam­ment des plus jeunes ? « La pro­blé­ma­tique sur l’en­semble de l’Isère, c’est la mise en place d’an­tennes wi-fi dans les lieux où ce n’est pas néces­saire, notam­ment en milieu sco­laire », sou­ligne la pré­si­dente de SERA. « En France, on donne des tablettes numé­riques à tour de bras ! »
Mesure du niveau d'ondes électromagnétiques. © Nils Louna

Mesure du niveau d’ondes élec­tro­ma­gné­tiques. © Nils Louna

Alors aux oubliettes la tech­no­lo­gie sans fil ? Les asso­cia­tions Robin des Toits et SERA réclament seule­ment que soient révi­sées les valeurs régle­men­taires et que soient posés des garde-fous. Pour ten­ter de faire contre-poids à un mar­ché très flo­ris­sant. Le 30 jan­vier der­nier, Fleur Pellerin, ministre de l’Economie numé­rique, décla­rait : « la dan­ge­ro­sité des ondes radio-élec­triques n’est pas scien­ti­fi­que­ment étayée » fai­sant remar­quer que la 4G « repré­sente un inves­tis­se­ment de 3 mil­liards d’eu­ros sur cinq ans et des dizaines de mil­liers d’emplois ».
Patricia Cerinsek
(1) 41 V/m pour la télé­pho­nie mobile 2G de type GSM 900, 58 V/m pour la 2G de type GSM 1800 et 61 V/m pour la 3G de type UMTS.
(2) Le rap­port Bio-Initiative, com­pi­la­tion d’é­tudes menées par des cher­cheurs indé­pen­dants, parle de « risque bio­lo­gique clai­re­ment éta­bli, même à faible expo­si­tion avec des effets sur la sté­ri­lité et sur la bar­rière hémato-encé­pha­lique et un risque accru de can­cer du cer­veau ». Le Centre inter­na­tio­nal de recherche sur le can­cer (CIRC), orga­nisme créé par l’OMS, consi­dère que les champs élec­tro-magné­tiques liés à l’u­sage du télé­phone mobile, sont « can­cé­ri­gènes pos­sibles pour l’homme ». Laquelle OMS estime qu’il n’a « jamais été éta­bli que le télé­phone por­table puisse être à l’o­ri­gine d’un effet nocif pour la santé »…

Patricia Cerinsek

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