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Craintes chez Caterpillar

Craintes chez Caterpillar


SOCIAL – L’annonce inat­ten­due, en mars 2013, d’un plan de départs volon­taires de 200 postes a ravivé les craintes des sala­riés du site Caterpillar de Grenoble-Echirolles, encore mar­qués par la sup­pres­sion de 600 postes en 2009. Présenté par la direc­tion comme une mesure néces­saire de com­pé­ti­ti­vité, ce plan pour­rait être évité aux yeux des syn­di­cats qui y voient les consé­quences d’une mau­vaise gestion.

« Les sala­riés n’en sont pas remis. L’annonce d’un plan de départs volon­taires a réac­tivé chez eux le sou­ve­nir des 600 postes sup­pri­més en 2009 » explique Pierre Piccarreta, repré­sen­tant CGT du per­son­nel de l’u­sine Caterpillar de Grenoble. Dans la ligne de mire : 200 sala­riés, prin­ci­pa­le­ment des tech­ni­ciens et employés admi­nis­tra­tifs, appe­lés « les indi­rects ». « Ce plan de départ répond à un pro­blème struc­tu­rel », jus­ti­fie Roger Poinard, res­pon­sable des rela­tions sociales de Caterpillar France. « Nous avons lancé un plan de moder­ni­sa­tion de l’ou­til indus­triel de plus de 50 mil­lions de dol­lars sur l’an­née 2011. Il a fait gagner notre outil indus­triel en effi­cience, qua­lité, sécu­rité, mais n’a pas per­mis de réduire suf­fi­sam­ment à lui seul nos coûts de pro­duc­tion qui res­tent trop éle­vés par rap­ports aux stan­dards du mar­ché. Pour nous, ce plan est donc impé­ra­tif pour amé­lio­rer dura­ble­ment notre compétitivité. »
Face à cette situa­tion, la direc­tion pro­pose une solu­tion en deux volets jugés com­plé­men­taires. « Le pre­mier volet, qui repré­sente envi­ron 90 % des éco­no­mies à réa­li­ser, consiste à opti­mi­ser nos pro­cé­dés de pro­duc­tion, la concep­tion de nos machines, l’ap­pro­vi­sion­ne­ment des pièces et les flux logis­tiques. Le deuxième volet qui repré­sente les 10 % res­tants porte sur le redi­men­sion­ne­ment des fonc­tions sup­ports. » A savoir, près de 200 postes clai­re­ment iden­ti­fiés chez Caterpillar France pour des départs volontaires.
Le trau­ma­tisme de 2009
Si l’am­biance est lourde chez le géant des engins de tra­vaux publics, c’est que 2009 a laissé des traces. Comme un trau­ma­tisme. Cette année-là, le géant amé­ri­cain avait été frappé de plein fouet par la crise et confronté à une bru­tale chute de ses com­mandes. D’où l’an­nonce de 600 sup­pres­sions d’emplois en début d’an­née. Face au refus de négo­cier de la direc­tion, le conflit s’é­tait durci, avec des mani­fes­ta­tions régu­lières dans Grenoble, des feux de pneus devant l’u­sine et même une course pour­suite dans les bureaux sui­vie d’une occu­pa­tion des lieux. La crise avait atteint son point d’orgue avec la séques­tra­tion fin mars de cinq cadres par les salariés.
« Il n’y a aucune simi­li­tude avec la situa­tion de 2009 », assure de son côté Roger Poinard. « A l’é­poque, on avait dû faire face à un pro­blème conjonc­tu­rel, à savoir, la chute de près de 80 % des volumes de pro­duc­tion et il y avait eu des départs contraints. Là, nous devons faire face à un pro­blème struc­tu­rel de com­pé­ti­ti­vité et allons tout faire pour y répondre sans départs contraints. On se laisse jus­qu’à fin 2014. Nous sommes confiants car nous met­tons en place un maxi­mum de mesures inci­ta­tives pour encou­ra­ger la mobilité ».
Des argu­ments qui ne suf­fisent pas à ras­su­rer les repré­sen­tants syn­di­caux. « S’ils ne réus­sissent pas à ce que 200 per­sonnes partent, quel est le plan B ? » s’in­quiète Pierre Piccarreta, avant d’a­jou­ter : « nous crai­gnons qu’en 2014 l’en­tre­prise fasse un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) mais avec des départs contraints ».
Une restruc­tu­ra­tion « évitable » ?
Ces 200 départs sont cen­sés aug­men­ter la pro­duc­ti­vité du site, selon le rap­port du cabi­net Booz man­daté par Caterpillar. Ils repré­sen­te­raient, selon les syn­di­cats, 1,4 % des 17 % de gains de com­pé­ti­ti­vité visés par la direc­tion du groupe. Des chiffres confi­den­tiels qui ne nous ont pas été confir­més par Caterpillar France. Cette restruc­tu­ra­tion serait en tout cas « évi­table » selon Alain Dejoux, délé­gué syn­di­cal CFDT : « La direc­tion pour­rait réduire les indi­rects sur trois ou quatre ans sans faire ce plan, juste avec les départs à la retraite et les départs natu­rels ». Ce que réfute Roger Poinard. « En terme de com­pé­ti­ti­vité, si l’on a des coûts de pro­duc­tion trop éle­vés par rap­port à nos concur­rents, on se doit de les réduire dans les meilleurs délais. D’autant que ce pro­blème n’est pas nou­veau. Cela avait été annoncé en comité d’en­tre­prise (CE) fin 2012. » Quant au reste des éco­no­mies envi­sa­gées, Pierre Piccarreta y voit de pos­sibles délo­ca­li­sa­tions. « Certaines pièces de moteur pour­raient être construites ailleurs ».
Impossible en tout cas de savoir d’où vient la déci­sion. Relève-t-elle de la stra­té­gie groupe ou de Caterpillar France ? « C’est une déci­sion de mar­ché qui s’im­pose d’elle-même », répond Roger Poinard. « On a le sen­ti­ment que ça vient de la direc­tion du groupe » affirme tou­te­fois Alain Dejoux, qui en veut pour preuve la sup­pres­sion, dans le même temps, de 1400 emplois en Belgique et la fer­me­ture pré­vue de l’u­sine de Toronto, au Canada. « Nous crai­gnons que le siège veuille fer­mer le site de Grenoble », pour­suit Pierre Piccarreta. « Quand on ferme une entre­prise, on agit de cette façon en rédui­sant les effec­tifs. Comme ça, s’il y a une fer­me­ture de site, ça passe mieux. Nous avons quand même perdu un tiers des effec­tifs en quatre ans ! »
Derrière ce plan de départs volon­taires, c’est donc bien la ques­tion de l’a­ve­nir de Caterpillar à Grenoble qui est sou­le­vée par le syn­di­ca­liste. Un ques­tion­ne­ment ren­forcé par le manque res­senti d’in­ves­tis­se­ments sur le site gre­no­blois par rap­port à celui d’Échirolles, dont deux lignes de mon­tages ont été tota­le­ment moder­ni­sées. Alors, faut-il voir der­rière ces départs volon­taires le pré­sage d’une fer­me­ture ? « C’est l’in­verse ! » affirme Roger Poinard. « C’est jus­te­ment en tra­vaillant sur la com­pé­ti­ti­vité du site qu’on va pou­voir pré­pa­rer l’a­ve­nir et pré­ser­ver les emplois. »
Départs à la retraite et mobilité
Pour par­ve­nir à ces 200 départs, le plan pré­senté par la direc­tion com­porte trois mesures : départs à la retraite anti­ci­pés, mobi­lité interne et mobi­lité externe. Si le prin­cipe des mesures de départs à la retraite est plu­tôt bien perçu des sala­riés, les condi­tions actuel­le­ment pro­po­sées, à savoir 60 % du revenu net sur 36 mois avec une prime inci­ta­tive, posent pro­blème. « Les pre­mières réac­tions ne sont pas favo­rables, les sommes pro­po­sées n’é­tant pas assez attrac­tives » juge Pierre Piccarreta. « Cela dit, ça peut encore évo­luer avec les négo­cia­tions en cours. »
La CGT, bien qu’en accord avec les mesures d’âge, sou­haite d’a­bord véri­fier que celles-ci ne dés­équi­librent pas l’en­tre­prise. D’où une demande de contre-exper­tise au cabi­net Secafi, spé­cia­lisé dans le conseil aux comi­tés d’en­tre­prise. « Ils pour­raient très bien gar­der le per­son­nel, mais l’en­tre­prise est prête à payer pour dégrais­ser. Pour ceux qui ont déjà tous leurs droits à une retraite com­plète, il va y avoir des départs. Pour les sala­riés en pré-retraite, c’est plus com­pli­qué. Le plan de por­tage court jus­qu’en 2017. C’est donc qu’il y a une pré­vi­sion d’ac­ti­vité mau­vaise jusque là ; sinon, ils auraient attendu les départs « natu­rels »… Ou alors ils ont d’autres idées der­rière la tête » souffle Alain Dejoux, inquiet.
Une deuxième solu­tion pro­po­sée consiste à ouvrir à davan­tage de sala­riés ce plan de départ volon­taire, au départ conçu pour les seuls « indi­rects ». De quoi don­ner la pos­si­bi­lité aux employés tra­vaillant sur la chaîne de mon­tage d’en pro­fi­ter, si leur poste est repris par un « indi­rect ». « C’est une rétro­gra­da­tion pour les postes indi­rects, le plus sou­vent réser­vés aux plus anciens, à des postes directs, sur la chaîne de mon­tage » dénonce Pierre Piccarreta qui y voit une mesure « mau­vaise pour l’es­time de soi ». « On demande donc une com­pen­sa­tion, ainsi que la pos­si­bi­lité de gar­der son salaire intact et une cer­taine sécu­rité de l’emploi ».
Dernière solu­tion : la mobi­lité externe, qui consiste pour le sala­rié à trou­ver un CDI ailleurs, à se recon­ver­tir sur la base d’un pro­jet pré­cis ou à créer son entre­prise. « Ceux qui choi­si­raient cette option tou­che­raient une indem­nité égale à 8 mois de salaire, plus une indem­nité de licen­cie­ment, mais trou­ver un CDI aujourd’­hui, ce n’est pas facile » rap­pelle le délé­gué CFDT. Avant d’a­jou­ter : « L’ambiance est morose. Autour, ça va mal, il n’y a pas de tra­vail… » Dans le cadre de l’ac­cord de méthode signé par la CGT, FO et la CFTC le 18 avril der­nier, un avis du CE devrait être rendu aux alen­tours du 25 juin. Date à laquelle la période de mobi­lité pourra s’ouvrir.
Mauvaise ges­tion ?
Pour l’heure, le plan de la direc­tion ne fait pas l’u­na­ni­mité auprès des syn­di­cats qui y voient le résul­tat d’une mau­vaise ges­tion. « Depuis sep­tembre 2012, on est au chô­mage par­tiel et tour­nant, alors qu’on avait énor­mé­ment pro­duit la pre­mière par­tie de l’an­née avec des heures sup­plé­men­taires et des CDD embau­chés… » témoigne Alain Dejoux. « D’un point de vue opé­ra­tion­nel, 2012 a été une année très réus­sie avec des ventes records mal­gré un contexte éco­no­mique dif­fi­cile », a d’ailleurs com­menté en début d’an­née Doug Oberhelman, le pdg de Caterpillar Inc. Une année record même, un chiffre d’af­faires de 65,875 mil­liards de dol­lars en hausse de près de 10 % par rap­port à 2011.
Et les pers­pec­tives pour l’an­née 2013 donnent un niveau de pro­duc­tion à peu près équi­valent à celui de 2012. « C’est comme en 2008 » rap­pelle Alain Dejoux. L’entreprise avait alors annoncé des résul­tats records… et un Plan de Sauvegarde de l’Emploi à la fin de l’an­née. Une incom­pré­hen­sion ren­for­cée par le fait que même après 2009, l’en­tre­prise a conti­nué à recru­ter dans le sec­teur indi­rect, celui dans lequel elle essaye aujourd’­hui de « dégrais­ser » explique Pierre Piccarreta.
Les syn­di­cats s’in­ter­rogent par ailleurs sur les véri­tables rai­sons de ce plan. D’aucuns y voient un moyen de pres­sion pour rené­go­cier une annua­li­sa­tion du temps de tra­vail, que Caterpillar France n’a pu mettre en œuvre en 2009. Autre rai­son évo­quée : la pré­pa­ra­tion de la rené­go­cia­tion du contrat de façon­nage signé tous les trois ans entre Caterpillar France et Caterpillar Suisse, éma­na­tion directe de Caterpillar Inc en Europe. Une rené­go­cia­tion qui pour­rait don­ner lieu à quelques ajus­te­ments ou pres­sions de la direc­tion inter­na­tio­nale du groupe.
Muriel Beaudoing et Lucas Piessat
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CAT EN BREF 
Le groupe Caterpillar Inc :
Création en 1925
Siège social : Peoria, dans l’Illinois aux Etats-Unis
Effectifs : 125 341 sala­riés dans le monde
65,875 mil­liards de dol­lars de chiffre d’affaires en 2012, en crois­sance de près de 10% par rap­port à 2011
La filiale Caterpillar France :
Implantation à Grenoble, en Isère, en 1961
Effectifs : près de 2 000 per­sonnes, dans ses usines de Grenoble et d’Echirolles
Deuxième unité de pro­duc­tion de machines du groupe en Europe : trac­teurs et char­geuses sur chaînes, pelles hydrau­liques sur pneus, trains de rou­le­ment et composants.
Caterpillar France exporte plus de 93 % de ses pro­duits dans le monde entier.

MB

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