Sonde spatiale Rosetta. © Esa

Rosetta a la comète Churi en ligne de mire

Rosetta a la comète Churi en ligne de mire

FOCUS – Dix ans après son lan­ce­ment de Kourou en Guyane fran­çaise, la sonde Rosetta est désor­mais en orbite autour de la comète 67P / Churyumov-Gerasimenko, dite Churi. Alors que la date d’at­ter­ris­sage de son module Philae approche à grand pas, l’é­quipe de cher­cheurs de l’Institut de pla­né­to­lo­gie et d’as­tro­phy­sique de Grenoble (Ipag) a récem­ment par­ti­cipé au choix du site prin­ci­pal et secon­daire. Explications.

Si tout se déroule comme prévu, Philae quit­tera bien­tôt la sonde Rosetta pour aller se poser sur la comète “Churi”, à la vitesse d’un mètre par seconde. Une manœuvre extrê­me­ment périlleuse pour ce petit module d’environ 100 kg – essen­tiel­le­ment com­posé de fibre de car­bone –, conte­nant dix appa­reils scien­ti­fiques très sophis­ti­qués. Et pour cause, la phase d’atterrissage s’ef­fec­tue par gra­vi­ta­tion passive.
Philae Détails des instruments embarqués ©CNES Rosetta

Philae : détails des ins­tru­ments embar­qués – © Cnes

Or, la petite taille de la comète génère une gra­vi­ta­tion très faible, envi­ron 1/1000 de la pesan­teur ter­restre, qui serait inca­pable de rete­nir le module si celui-ci rebon­dis­sait. Pour évi­ter ce scé­na­rio catas­trophe, les ingé­nieurs ont équipé l’atterrisseur d’un pro­pul­seur à gaz qui devrait le pla­quer au sol, tan­dis que deux har­pons lui per­met­tront de s’y arri­mer fortement.
Mais pour que l’atterrissage ait un maxi­mum de chances de réus­sir et pour qu’ultérieurement tous les ins­tru­ments embar­qués puissent fonc­tion­ner cor­rec­te­ment, la posi­tion géo­gra­phique sur Churi, la nature et la confor­ma­tion du site d’atterrissage sont des para­mètres de toute pre­mière importance. 

Sélection dras­tique

Largage de Philae Vue d'artiste-© ESA Rosetta

Largage de Philae – Vue d’ar­tiste – © Esa

Pour rap­pel, dix sites (dénom­més A,B C… J) avaient été ini­tia­le­ment sélec­tion­nés sur la comète Churi comme étant poten­tiel­le­ment accep­tables, notam­ment du point de vue topo­lo­gique, pour un atter­ris­sage cor­rect du module Philae.
Puis, au fur et à mesure que Rosetta s’approchait de la comète et fai­sait par­ve­nir aux scien­ti­fiques des images de plus en plus pré­cises de sa sur­face, ainsi que de nou­velles don­nées scien­ti­fiques, un cer­tain nombre de sites se sont révé­lés inadéquats.
D’où la réunion scien­ti­fique inter­na­tio­nale qui s’est tenue à Toulouse, les 13 et 14 sep­tembre der­niers, pour sélec­tion­ner deux sites : un prin­ci­pal et un secon­daire, capables d’accueillir Philae dans les meilleures condi­tions. Notons que les deux res­pon­sables gre­no­blois de l’instrument Consert, Wlodek Kofman et Alain Herique – avec les­quels Place Gre’net suit régu­liè­re­ment le dérou­le­ment de l’expérience Rosetta depuis plu­sieurs mois –, étaient pré­sents à cette impor­tante réunion.

Choix stra­té­giques

De mul­tiples para­mètres sont entrés en consi­dé­ra­tion dans le choix de ces sites. Le pre­mier d’entre eux concer­nait la pos­si­bi­lité d’identifier une tra­jec­toire sûre entre l’orbiteur et le site d’atterrissage pour le déploie­ment de Philae. Le site devait, d’autre part, com­por­ter le relief le moins acci­denté pos­sible à la sur­face, avec peu de rochers. Pour ce faire, les cher­cheurs ont pu s’ap­puyer sur la topo­gra­phie de la comète défi­nie avec une remar­quable pré­ci­sion, notam­ment grâce aux images en 3D four­nies par la camera Osiris.
Phila sur Churi Vue d'artiste©ESA Rosetta

Phila sur Churi-Vue d’ar­tiste – © Esa

Autre don­née essen­tielle prise en compte : le rap­port entre les périodes de jour et les périodes de nuit. Philae, une fois au sol, devra en effet cap­ter l’énergie solaire grâce à ses pan­neaux pour tirer l’énergie néces­saire à son fonc­tion­ne­ment et à celui des divers appa­reils qui le composent.
Cette alter­nance entre lumière et obs­cu­rité, due au fait que Churi tourne sur elle-même avec une période d’environ 12 heures, varie bien évi­dem­ment d’un endroit à l’autre de la comète. Il fal­lait donc que le site retenu soit opti­mal de ce point de vue.
Enfin der­nier point, et non le moindre, l’endroit ou Philae se posera doit per­mettre une bonne com­mu­ni­ca­tion entre l’orbiteur et l’atterrisseur pour opti­mi­ser son fonc­tion­ne­ment propre, comme le réglage de ses pan­neaux solaires et sur­tout celui des ins­tru­ments de mesure qui sont à bord. Un der­nier para­mètre abso­lu­ment incon­tour­nable pour le fonc­tion­ne­ment du radar Consert conçu par l’équipe gre­no­bloise de l’Ipag. A Toulouse, celle-ci a ainsi fait valoir cet argu­ment avec une grande insis­tance pour défendre sa pré­fé­rence concer­nant le choix du site principal.

“J” : le meilleur compromis

Bien évi­dem­ment, aucun des sites ana­ly­sés ne répon­dait de façon opti­male à l’ensemble des cri­tères défi­nis par les scien­ti­fiques. C’est fina­le­ment le site “J”, situé sur le petit lobe de Churi qui est apparu comme le meilleur com­pro­mis. Notamment parce que la grande majo­rité des pentes pré­sentes sur ce site n’excède pas 30° par rap­port à la ver­ti­cale locale, rédui­sant ainsi nota­ble­ment les risques que Philae se ren­verse après avoir tou­ché le sol.
Le site J © ESA

Le site J. © Esa

Si tout se déroule comme prévu, le module devrait être lar­gué le 11 novembre. D’ici là, de nou­velles don­nées per­met­tront d’affiner consi­dé­ra­ble­ment la connais­sance des deux sites sélec­tion­nés. Si le site J reste et de loin le grand favori, il n’est pas exclu que des évé­ne­ments, peu pré­vi­sibles – liés notam­ment à l’activation de la comète à cause de son réchauf­fe­ment –, imposent au der­nier moment de se replier sur le site secondaire.
Rendez-vous très pro­chai­ne­ment pour conti­nuer de suivre l’une des plus fan­tas­tiques aven­tures de l’his­toire de la conquête spatiale !
Patrick Seyer

Patrick Seyer

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