DÉCRYPTAGE – Cette année, la Métro intègre plusieurs villes et 35 000 nouveaux habitants. Et l’an prochain, elle prendra une nouvelle forme : celle de métropole. Mais quelles sont l’organisation et les compétences de cette structure de coopération entre villes de l’agglomération grenobloise ? Quel impact aura sa transformation en métropole prévue pour le 1er janvier 2015 ?
La Métro n’en finit pas de grandir. Hier composée de 28 communes, la communauté d’agglomération Alpes-Métropole, dite « Métro », a franchi ce 1er janvier un nouveau cap. Grâce à la fusion avec deux autres communautés de communes (celle du Balcon sud de Chartreuse et celle du Sud grenoblois), elle compte désormais 49 communes, dont 21 nouvelles et 440 000 habitants, dont 35 000 habitants nouveaux venus. Si le territoire couvert augmente de 60%, la population intégrée est relativement faible par rapport aux habitants qui en faisaient déjà partie. Un phénomène qui s’explique par la faible densité de population au sein des nouveaux territoires intégrés, plus ruraux et montagnards que les anciens. Pour Pierre Tonneau, directeur général des services à la Métro, il y a un « point d’équilibre à trouver » entre tous les territoires suite à cet agrandissement. « Il faut que les nouveaux territoires se sentent concernés et que l’on prenne en compte leurs spécificités », ajoute-t-il. Avec cette fusion, la Métro n’en devient pas moins la onzième agglomération de France en terme de population.142 élus… et 40 vice-présidents
La nouvelle structure intercommunale naissant entre deux échéances électorales, le nouveau conseil communautaire maintient les élus de la Métro, du Balcon sud de Chartreuse et du Sud grenoblois jusqu’aux élections municipales. D’où le nouveau conseil communautaire composé de 142 élus et de pas moins de 40 vice-présidents. Suite à son renouvellement en mars prochain, il est toutefois prévu que le nombre d’élus descende à 124 et celui de vice-présidents à 15. Pas de quoi faire cependant oublier le choix d’un empilement d’élus, aussi court soit-il, dénoncé par l’opposition. Ni l’indemnité de 1558 euros pour chaque vice-président. Face aux charges qui pèsent sur les contribuables, la fédération de l’Isère de l’UMP juge ainsi sur son site : « évidemment la Métro n’avait pas besoin de 40 vice-présidents et ces élus socialistes qui profitent de la courte période entre le 1er janvier et le 30 avril pour s’attribuer 6400 euros chacun font preuve d’une indécence coupable comme l’a dénoncé Jean-Claude Peyrin, président de l’UMP38 ». De son côté, Gilles Kuntz, conseiller municipal et d’agglomération à Grenoble adhérents aux Alternatifs, explique ce nombre par l’échéance électorale à venir : « Certains préparent les élections de renouvellement de la Métro après les élections municipales et veulent s’attirer les votes d’un certain nombre d’élus ». Celui-ci en appelle d’ailleurs au préfet, mettant en avant une anomalie : « Le préfet devrait intervenir via le contrôle de légalité, parce que quand on voit les délégations, il y en a qui sont quasiment identiques ». L’élu écologiste critique aussi le faible nombre de femmes vice-présidentes (4 sur 40). « On peut craindre que la parité ne soit pas respectée pour le prochain exécutif, ajoute-t-il. Car même s’il y a des listes qui alternent homme et femme, au niveau de l’exécutif, il n’y a aucune règle édictée ». Cependant, 2014 marquera aussi un progrès en terme de lisibilité : les citoyens pourront voir qui sur les listes présentées par les différents partis siégera ou non au conseil communautaire.Une transformation en métropole très proche
Depuis 2000, l’objectif de la Métro est de renforcer la coopération entre les différentes communes qui la composent. Travailler ensemble, sur des projets communs, pour être plus efficace et à un moindre coût. Dès lors, celle-ci dispose de prérogatives conférées par la loi. Elle a un rôle étendu, de ses compétences phares – comme le développement économique, la politique de la ville, du logement et de l’aménagement du territoire – jusqu’à des compétences plus spécifiques (réserves foncières, déchets infectieux, pistes cyclables, espaces naturels de loisirs…), en passant par sa responsabilité en matière de stationnement et de voirie, d’assainissement et de protection de l’environnement. Des compétences qui vont aller en augmentant, avec le passage prochain au statut de métropole. Ce rapprochement entre les trois communautés de communes n’est pas dû au hasard. L’État a en effet cherché à les rapprocher, en vue de la constitution d’une métropole étendue sur l’agglomération grenobloise. Avec l’objectif d’accroître encore la coopération intercommunale. Surtout, il pousse à la création de métropoles, « source d’attractivité, de localisation d’investissements », selon les mots du président de la République, lors de sa conférence de presse du 14 janvier. L’État impose donc le statut de métropole par la « loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles », dite Mapam, pour les communautés formant « un ensemble de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine, au sens de l’Institut national de la statistique et des études économiques, de plus de 650 000 habitants ». La loi fixe au 1er janvier 2015 ce passage obligatoire en métropole. Avec ses 440 000 habitants, la Métro deviendra métropole. Telle d’autres agglomérations, comme Toulouse, Bordeaux, Lille, Nantes, Strasbourg, Rennes et Rouen.Des compétences élargies
Autre changement : cette métropole disposera de compétences plus élargies que celles dont bénéficie actuellement la Métro. A savoir en particulier l’aménagement économique, social et culturel, de l’espace métropolitain, la politique locale de l’habitat, celle de la ville et la protection de l’environnement. Michel Destot, qui a longuement soutenu le projet de loi de Marylise Lebranchu, s’est ainsi réjoui de l’éventail des compétences de la future structure : « Grâce à cette loi, la métropole grenobloise pourra continuer à rayonner et à se développer, forte de nouvelles compétences en matière d’action sociale, de dynamique économique, de protection de l’environnement, d’habitat, d’aménagement du territoire… ». Une métropole qui permettra selon le maire « des politiques publiques déterminantes en matière d’attractivité, de croissance durable et solidaire et donc d’emploi pour nos concitoyens ». Et celui-ci de miser sur l’arrivée d’ « un rayonnement encore amplifié en France, en Europe et dans le monde dont chacun pourra bénéficier en termes d’emploi et de solidarité ». Une aubaine, si on l’en croit, pour ces territoires. C’est « un souci de simplification » qui légitime, selon Pierre Tonneau, l’avènement de la métropole grenobloise. Celle-ci deviendra « un lieu unique pour prendre des décisions politiques fortes ». En témoigne, par exemple, la mise en commun des compétences en matières d’eau et d’énergie qui seront gérées par la future Métro. L’arrivée d’une nouvelle structure ne signifie pas, pour autant, la disparition du niveau communal. Le directeur général des services affirme même la nécessité d’un travail commun : « La métropole ne pourra pas tout faire toute seule. Et pour les habitants, le niveau de proximité est la commune. Il faudra donc coordonner l’action des deux structures et voir quel rôle peut jouer la commune demain ». A noter enfin : parmi les huit métropoles à l’organisation et aux compétences similaires qui seront créées à la même date, l’agglomération grenobloise est la seule qui n’est pas une capitale régionale. Un atout de taille, qui, en en faisant l’égale des sept autres métropoles, lui confère « une reconnaissance et une visibilité certaine », selon Pierre Tonneau. De quoi mettre en commun des forces face au géant du Grand Lyon. A l’heure où François Hollande cherche à réduire le nombre de régions, la métropole deviendra ainsi peut-être une structure primordiale de la carte administrative. Guillaume RantetQui pour prendre la tête de la future métropole ?
A défaut de promettre la naissance d’un géant administratif, tant les compétences d’intervention des différentes collectivités restent prégnantes dans ces domaines, ce statut laisse entrevoir l’arrivée d’un géant politique. A peine créée, la deuxième plus grande métropole en Rhône-Alpes suscite des convoitises. Si Michel Destot a été un temps attiré par la présidence de la métropole, avant de devoir y renoncer en raison du mode de scrutin, Marc Baïetto, président de la communauté d’agglomération grenobloise, a fait entendre son ambition de prendre la tête de la nouvelle structure, le 6 janvier dernier, sur les ondes de France Bleu Isère. Une présidence qui deviendra peut-être importante politiquement, d’autant plus que l’élection des conseillers métropolitains se fera au suffrage universel direct à partir de 2020. Une aubaine pour certains élus locaux.