PORTRAIT INTERACTIF – Grenoble s’impose de plus en plus comme une ville à prendre pour les écologistes. Bénéficiant d’une base électorale crédible, amplifiée par une union élargie à gauche, ils estiment avoir déniché le candidat idéal pour les conduire à la victoire. Par son profil, sa méthode et son tempérament, Eric Piolle, « l’ingénieur solidaire » est devenu la pierre angulaire de ce « rassemblement citoyen de la gauche et des écologistes ».
Les municipales : un scrutin de listes mais un bulletin de cœur. Plus qu’une équipe, c’est surtout le nom d’un maire qui sera glissé dans l’urne les 23 et 30 mars prochains. Place Gre’net vous fait découvrir un candidat chaque dimanche jusqu’au premier tour. Son parcours politique, mais aussi ses attaches personnelles et son tempérament pour faire votre choix avec conscience et conviction.
Rue Lafayette. Immanquable, la « maison du rassemblement » est la seule éclairée en cette soirée d’hiver. Artère piétonne empruntée, double vitrine, le local est accrocheur, à l’image de la stratégie de campagne. À l’intérieur, les équipes se préparent. Une première part pour le porte-à-porte quotidien, une seconde s’en va, seau en main et affiches sous le bras pour le collage, « sur les panneaux d’affichage public » leur rappelle-t-on après un accroc de campagne immodérément relayé. Le « champion », comme le surnomment certains militants, arrive tout juste sur son vélo. Chemise blanche, veste sombre et jean : son uniforme de campagne. Il distille déjà quelques recommandations à ses équipes. « Je n’ai jamais connu une campagne aussi structurée », nous confie un jeune militant écologiste. Eric Piolle développe. « Ce que je recherche, c’est l’efficacité avec les méthodes du management humaniste, et non pas comportementaliste. Nous avons instauré une structure coopérative, opérationnelle et efficace où chacun trouve sa place avec plaisir, pour donner le meilleur de soi ». Jusqu’à maintenant, la mécanique fonctionne. Sa stratégie de campagne aussi. Être à l’initiative. Provoquer l’occupation médiatique. Logements, services publics, carte scolaire… son équipe lance tour à tour les thèmes et oblige ses rivaux à répondre, maintenant ainsi l’attention sur ses thèmes de prédilection.Passez votre souris sur l’image et cliquez sur les vignettes pour les animer. Photo : Nils Louna / Interactivité : Victor Guilbert © placegrenet.fr
Candidat insaisissable
Entré en politique en 2010, alors qu’Europe-Ecologie-Les-Verts s’ouvrait à la société civile, il est élu conseiller régional six mois plus tard et devient co-président du deuxième groupe politique de la région comptant 37 élus. Il découvre alors « des parcours riches et diversifiés », mais aussi « la mesquinerie et les informations cachées ». « Ça fait partie du contexte. Il faut trouver comment tracer le chemin sans s’enliser dans les sables mouvants », décrypte-t-il. « Sa personnalité et son parcours détonnent pour un écologiste », juge un conseiller régional socialiste qui souligne sa rudesse dans les négociations : « trop à prendre ou à laisser ». Ingénieur de formation, cadre-dirigeant chez Hewlett-Packard jusqu’en 2011, il fût licencié pour avoir refusé un plan de délocalisation touchant les sites d’Europe de l’Est. Un fait d’arme qui a fini de convaincre les dirigeants locaux du parti de gauche « qu’il était légitime pour conduire la liste d’union », confie l’un d’entre-eux. Face aux remous sur les plans commerciaux et syndicaux, la délocalisation sera finalement annulée. Pas le licenciement. Un souvenir « à la fois douloureux et plein de succès, car je n’ai pas mené cette action pour rien », commente Eric Piolle, qui a depuis créé son activité professionnelle au sein d’une société coopérative d’entrepreneurs. Il accompagne aujourd’hui des projets industriels et dispense des formations académiques en écoles de commerce et d’ingénieurs. Ex-cadre dirigeant mais promoteur de la diminution du temps de travail aux côtés de Pierre Larrouturou et du Collectif Roosevelt ; issu d’une grande firme privée mais partisan de la municipalisation des services essentiels ; militant des droits de l’Homme avec le Réseau éducation sans frontière ; « c’est un candidat insaisissable, partout à la fois et cohérent dans tous ses engagements », analyse l’un de ses proches.Passez votre souris sur l’image et cliquez sur les vignettes pour les animer. Photo : Nils Louna / Interactivité : Victor Guilbert © placegrenet.fr
La culture de la gagne
Quadra très sportif, à l’hygiène de vie irréprochable, opposant farouche au double mandat et seul candidat à dévoiler son patrimoine, « il incarne le renouveau qu’il propose », décrit Pierre Meriaux, son acolyte des bancs de la région Rhône-Alpes. Eric Piolle reste malgré tout le capitaine d’une équipe hétéroclite issue de quatre composantes politiques aux doxas exigeantes et aux leaders parfois intransigeants. Un conseiller régional socialiste « imagine mal comment il pourra s’entendre avec sa numéro deux », Elisa Martin du parti de gauche, également conseillère régionale. Leurs adversaires pressentent déjà le moment où il perdra le contrôle sur un équipier jouant un peu trop personnel. Pierre Meriaux a confiance en « son sens aigu de la synthèse », qu’il a pu éprouver quand Eric Piolle présidait le groupe écologiste de la région, avant de laisser le poste pour se consacrer pleinement à sa campagne grenobloise. Il a rapidement vu en lui « le candidat idéal par rapport à la sociologie grenobloise ». Accompagné de Maryvonne Boileau, candidate écologiste aux municipales de 2009 et également conseillère régionale, ils lui ont soumis cette hypothèse fin 2012. Il s’interroge alors en deux points. « Est-ce que je me sens capable d’être maire et est ce que je le ferais avec plaisir ? ». La réponse est oui. Doublement oui. « Depuis, je développe ma préparation et celle des équipes pour construire une nouvelle majorité pour Grenoble. Être les meneurs et plus, la corde de rappel de partenaires naturellement déviants ». Pas de figuration. Dans chacun de ses discours et chacune de ses communications de campagne, il s’identifie en futur maire de la ville. Une posture « sinon arrogante, au moins peu modeste », que raillent ses adversaires. Le scrutin sera le seul arbitre.Victor Guilbert