REPORTAGE. Peu le savent, Grenoble dispose depuis 2009 d’une équipe de bike polo. Ce sport né dix ans plus tôt à Seattle reste encore confidentiel mais connaît un vrai engouement. Les joueurs se retrouvent trois fois par semaine sur l’anneau de vitesse du parc Paul Mistral pour échanger coups de maillets sur le terrain. Rencontre une semaine avant le tournoi organisé ce dimanche 20 octobre à Grenoble.
Il est 17h30 quand les joueurs de Grenoble se mettent en jambe dans l’anneau de vitesse du parc Paul Mistral. Ils sont 12 ou 13 à pratiquer sous le ciel gris et bas. Mais sur le terrain, les roues aux rayons décorés de protection multicolores, les chaînes bleutées et les guidons colorés font oublier la grisaille de ce mois d’octobre. La tour Perret, toute proche, semble surveiller ces sportifs qui blaguent, crient et rient à gorge déployée.
Comme lors de tous les entraînements, chaque partie débute par un curieux lancé de maillets sur le terrain. « Les six dont les maillets tombent les premiers ont le droit de jouer » explique Damien. « Les plus lents ne jouent pas » plaisante-t-il en jetant le sien le premier.
Quant aux règles du jeu, elles sont simples. Les joueurs équipés d’un maillet doivent, comme au polo, envoyer la balle dans les buts adverses. Il est interdit de mettre le pied à terre. Les contacts entre vélos et joueurs sont en revanche autorisés, à condition de rester modérés. Deux équipes de trois joueurs s’affrontent durant dix minutes ou moins, si cinq points ont dores et déjà été marqués.
Cette jeune discipline sportive vient de Seattle, aux Etats-Unis, où elle a été créée dans les années 2000 par des livreurs en vélos cherchant à se détendre après une dure journée à sillonner les rues. Quiconque sait faire du vélo et tenir un maillet peut y jouer.
« Il faut être très rapide »
Ce jour-là, beaucoup de nouveaux pratiquants apprennent les subtilités de ce sport de contact. « Ce jeu nécessite une bonne vision de jeu, d’être rapide » explique l’un des joueurs débutants. « Mais le plus difficile, c’est que tu es obligé d’avancer dans un sens, comme au hockey : tu ne peux pas faire un changement de direction trop rapide ». Les chutes sont habituelles et, sur ce sol abrasif, le sang coule. Tout le monde va alors aux nouvelles : « On n’est pas là pour se faire mal » rappelle Damien.
La sueur dégouline déjà sous les casques de protection et la fatigue, après dix minutes de match, se fait ressentir. Mais l’enthousiasme est toujours là : « Ça canarde dans tous les sens ! » s’écrit l’un des joueurs. Sur les côtés, l’ambiance est amicale, détendue. Certains boivent des bières, d’autres fument des cigarettes… « Je ne sais pas si c’est très bon pour l’image du sport » s’interroge alors Sam, non sans humour.
« Je me suis lancé dans l’arène »
Malgré cette ambiance dilettante, ce sport est exigeant et les blessures vite arrivées. D’un seul coup, le maillet d’un des participants frôle le casque d’un adversaire. L’avertissement fuse, sans animosité : « Tu es un peu juste Miguel ! ».
L’intéressé s’excuse. Cela ne se reproduira plus. Le fair-play est au cœur de la discipline et lors des entraînements, l’auto-arbitrage est la norme.
La discipline intrigue les passants, des familles et des jeunes en survêtement qui s’arrêtent. Un lycéen en BMX s’approche : « C’est vraiment super ce truc. Ça s’appelle comment ? » C’est d’ailleurs de cette manière que Julien, lycéen en bac pro communication graphique, a découvert le bike polo. « Je passais en vélo dans le parc quand j’ai vu les gars s’entraîner. Je suis revenu plusieurs fois, j’ai fait connaissance. Puis je me suis lancé dans l’arène ».
« On pédale vite dans la semoule »
Julien a récupéré un vieux vélo, puis échangé et racheté des pièces pour se faire une monture appropriée. Les vélos des participants, souvent issus des assemblages de pièces éparses, sont exclusivement dédiés à cette pratique. Le terrain de bike polo faisant 40 mètres sur 20, les mouvements des joueurs sont en effet très rapides, ce qui nécessite de petites vitesses afin d’être réactif. Faire de la route avec ne serait pas aisé car « on pédale vite dans la semoule sur les longues distances » analyse Damien.
Sur le terrain, de véritables arlequins mécaniques dérapent et s’entrechoquent. Les freins crissent sur les roues, qui s’abîment vite et dont le coût est souvent exorbitant. Les crevaisons sont d’ailleurs monnaie courante. Certains joueurs utilisent donc une protection pour protéger les rayons. Cela ne plaît toutefois pas tellement à Damien, l’un des fondateurs du Grenoble Bike Polo : « Les protections sont un peu lourdes et offrent une grosse prise au vent. »
Pas de terrain pour l’hiver
Damien a commencé en 2009. Il vient de la communauté pignons-fixe, ces vélos sans freins et sans vitesses. Il a découvert le bike polo par le biais de forums sur Internet. Ils étaient cinq ou six au départ. Certains sont partis, d’autres arrivés « par vague ». Damien a vu évoluer ce sport, avec le passage des pignons-fixe aux roues libres. Mais une chose n’a pas changé : il se confronte tous les ans au statut de ce sport outsider.
Le principal problème, récurrent depuis la formation du groupe, est de trouver un stade pour l’hiver. « Même s’il ne fait pas tout le temps mauvais, on est obligé de s’arrêter à cause du changement d’heure. Il ne faut pas oublier qu’on est une des plus petites associations de la ville. On ne pèse pas lourd » convient-il, lucide. Même si Grenoble a son champion, Will, devenu numéro un mondial en 2012.
L’hiver, sur les trois entraînements hebdomadaires, seul celui du dimanche matin est maintenu. Le rythme est forcément cassé. Damien relativise : « Personne n’a de terrain pour l’hiver, sauf à Rouen. On se voit mal débarquer dans un gymnase et annoncer qu’on va détruire le revêtement. L’idéal serait une zone désaffectée, mais bon… A Paris, ils n’ont rien : ils mettent toute l’année des planches sur les Invalides ! »
Texte et photos : Jean-Baptiste Auduc
Prochain rendez-vous :
La ligue Alpine de Bike Polo vient à Grenoble ce dimanche 20 octobre au parc Paul Mistral pour un tournoi. A cette occasion, des équipes venues de toute la région Rhône-alpes s’affronteront durant une journée pour remporter la coupe dans leur ville.