DÉCOUVERTE – Une équipe de scientifiques grenoblois a récemment découvert une molécule synthétique, le tramadol, à l’état naturel et en grandes quantités dans les racines d’un arbre africain. Une première mondiale aux retombées prometteuses.
Michel de Waard, directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Une équipe également composée du professeur de pharmacochimie moléculaire Ahcène Boumendjel de l’Université Joseph Fourier (UJF) et de Germain Sotoing Taiwe, docteur en physiologie animale. Ce dernier, à l’époque doctorant à l’université de Yaoundé (Cameroun), avait eu connaissance des utilisations de cette plante et souhaitait étudier ses effets analgésiques. En six mois seulement, l’équipe est parvenue à isoler une molécule réduisant significativement la douleur lors des tests de modèles animaux.
« J’avais l’espoir qu’il s’agirait d’une molécule innovante que nous pourrions mettre sur le marché pour le traitement de la douleur et il s’est avéré que cette molécule était le tramadol, un médicament vendu en pharmacie depuis 40 ans » se souvient Michel de Waard. Sa déception a cependant été de courte durée, tant cette découverte s’est révélée importante.
C’est en effet la première fois que des scientifiques retrouvent une molécule de synthèse présente à l’état naturel à de telles concentrations. « Avec 20 grammes de cette plante, on obtient une pilule de tramadol », précise le directeur de recherche à l’Inserm.
La découverte a ainsi fait l’objet d’une publication, le 6 septembre dernier, dans la revue scientifique Angewandte Chemie, spécialisée dans la chimie. L’illustre revue Nature a également consacré un article aux travaux de Michel de Waard et à son équipe, le 18 septembre, témoignant ainsi de l’importance de la découverte.
Des perspectives commerciales et scientifiques importantes
Utilisé par la médecine traditionnelle pour traiter un grand nombre de maux, en particulier la fièvre, le paludisme et l’épilepsie, le pêcher africain n’a sûrement pas livré tous ses secrets. C’est d’ailleurs sur d’attendues propriétés anti-épileptiques que l’équipe grenobloise va axer ses recherches.
De plus, le Nauclea Latifolia se décline en une dizaine d’espèces différentes partout en Afrique subsaharienne. Au cours des prochaines années, les scientifiques vont donc chercher à déterminer si ces autres variétés produisent des molécules à l’effet analgésique plus prononcé que le tramadol.
Les possibles applications économiques de cette découverte ne sont cependant pas encore à l’ordre du jour. « Une clientèle adepte de produits naturels existe, mais cultiver une molécule revient souvent plus cher que la synthétiser en laboratoire », rappelle Michel de Waard. Si un brevet sur le procédé d’extraction a d’ores et déjà été déposé, il reste donc malgré tout beaucoup de zones d’incertitudes.
Le directeur de recherche s’interroge : « Est-ce que l’on peut cultiver la plante ? Et est-ce qu’elle va produire du tramadol si on la plante dans une autre terre ? ». Une partie des réponses seront sûrement apportées par les prochaines publications scientifiques. Le Nauclea Latifolia pourrait ainsi réserver encore bien des surprises…
Valentin Dizier
Utilisé dans la médecine traditionnelle camerounaise, le Nauclea Latifolia ou pêcher africain est depuis trois ans l’objet de toutes les attentions de l’équipe de blog Atoutcerveau, lieu pluridisciplinaire et connecté aux recherches actuelles sur le cerveau.Qu’est-ce que le tramadol ? Mis au point dans les années 1970 par des chercheurs allemands, le tramadol est un dérivé de la morphine. Particulièrement apprécié par les médecins pour son effet d’accoutumance relativement faible, la molécule sert principalement à calmer la douleur. Cependant, comme tout opiacé, le tramadol peut être utilisé à des fins dites « récréatives » puisque certains effets secondaires comme l’effet stimulant et les hallucinations se rapprochent de ceux de l’héroïne. A lire également sur Echosciences : - Le
2 réflexions sur « Nauclea Latifolia, l’arbre antidouleur »
Ou pourrais je en trouver ?
Ça a été découvert par un Camerounai