FOCUS – Cet été, la station de Superdévoluy, dans les Hautes-Alpes, mise sur l’originalité. Afin de promouvoir son patrimoine naturel, elle propose une nouvelle activité : la via souterrata. Depuis le 1er juillet, la grotte des Trous de la Tune a ainsi ouvert ses portes au public pour lui offrir un itinéraire de via ferrata souterraine… en accès libre et gratuit. Une première en Europe.
Renommé en hiver pour ses pistes de ski, et fréquenté en été pour ses sommets et paysages, le massif du Dévoluy cache dans son sous-sol un véritable labyrinthe de grottes, anfractuosités et tunnels. Et, parmi les 400 cavités qui le percent de toutes parts, les Trous de la Tune se prêtent particulièrement à la découverte des richesses souterraines de cette région montagneuse.
Déjà site d’exploration privilégié par les spéléologues, ce gouffre situé aux alentours de la station de Superdévoluy ambitionne d’accueillir, cet été, un public plus large, amoureux de la montagne et néophytes confondus. Et cela, grâce à l’ouverture de la nouvelle via souterrata.
Une première en Europe, selon la commune de Dévoluy
Les Trous de la Tune sont en effet l’une des rares grottes aménagées en via ferrata sous terre. Son originalité ? En plus de proposer un itinéraire non éclairé, « elle [la grotte] est la seule en accès libre et gratuit, contrairement à d’autres cavités déjà existantes en France et en Europe, privées et payantes. Par exemple, celle du parc de la Moulière à Caille, sur la Côte d’Azur », explique Pierrick Aubert, responsable de la communication à l’office de tourisme de Dévoluy.
Et de préciser : « Les personnes moins expérimentées peuvent éventuellement payer un guide professionnel si elles souhaitent avoir une expérience encadrée et complète, mais pour ceux qui ont déjà le matériel de la via ferrata, le parcours se fait en totale autonomie. »
L’occasion, donc, pour tout un chacun de s’aventurer dans les méandres souterrains du massif du Dévoluy sans avoir besoin de posséder des talents de grimpeurs ou de spéléologues. À conditions toutefois d’être équipé d’un casque avec une lampe frontale, d’un baudrier et d’une longe (système d’assurage spécifique consistant en deux mousquetons de sécurité et un absorbeur de chocs). Et bien sûr, comme le rappelle Pierrick Aubert, que ces personnes « se sentent à l’aise et n’aient pas peur d’aller sous terre ».
L’objectif : « faciliter l’accès à la spéléologie »
Initié en 2014 par le Comité départemental de spéléologie des Hautes-Alpes (CDS05), le projet a été ensuite porté et financé par la commune de Dévoluy. Une fois terminés les travaux pour l’aménagement, la via souterrata a enfin vu le jour le 1er juillet dernier.
L’objectif, en plus de valoriser la richesse géologique du territoire, est de « faciliter l’accès à la spéléologie […], une activité qui n’est pas donnée à tout le monde. Cette expérience permet en effet à tous âges d’accueil de venir se promener sous terre, de s’initier à la spéléologie avec des petites descentes dans des puits et avec les consécutives remontées. Mais tout cela se fait “manière via ferrata”, c’est-à-dire en étant accroché à une ligne de vie du début jusqu’à la fin », explique Alexandre Chaput, président du CDS05.
Le parcours n’est pas techniquement exigeant, assure-t-il. « Il a été coté assez difficile [AD+] parce que l’environnement est bien différent de ce que l’on peut trouver en altitude. Le seul frein est que les personnes restent sous terre, à une température moyenne de 10 degrés, dans l’humidité et le noir pendant une heure. »
« Une expérience ludique, accessible à tous »
Après environ quinze minutes de marche sur un sentier balisé conduisant à l’entrée du gouffre, l’aventure se déroule dans les profondeurs du “chourum” (“grotte” en patois local) des Trous de la Tune. Un parcours souterrain de 300 mètres qui commence par une descente dans un puits de 6 mètres de profondeur et se poursuit dans une série de petites salles, cavités verticales et étroitures.
Au-delà d’une passerelle et d’un pont de singe suspendus au-dessous du vide, le reste de l’itinéraire consiste en une traversée sans grandes difficultés. Les seuls obstacles : quelques passages trop étroits, où il est inévitable de se frotter contre la paroi… et la boue parfois très glissante. « Une expérience ludique, accessible à tous », résume Alexandre Chaput.
Des plaques en métal, parsemées tout au long du parcours, visent en outre à expliquer au public la situation géologique de la grotte, en mettant en évidence les phénomènes de formation et d’érosion des roches calcaires. L’occasion d’associer activité sportive et découverte de la nature.
Concernant la petite faune, la spécificité des Trous de la Tune serait la Meta Menardi, « une particulière espèce d’araignée », précise le président du Comité départemental de spéléologie des Hautes-Alpes. Dans d’autres cavités du massif, en revanche, il est possible de trouver des chauves-souris ou des crevettes, lorsque l’endroit est plus humide. »
Quelles conséquences sur l’environnement ?
Pour protéger cet espace souterrain, la commune de Dévoluy a mis en place une démarche de sensibilisation générale. Trois panneaux d’explication ont été ainsi installés au départ du sentier, de même qu’à l’entrée de la grotte, afin de renseigner le public sur les enjeux écologiques. Mais aussi de lui rappeler les principes fondamentaux du respect de l’environnement.
Mais avec la fréquentation accrue de la grotte, le tas de déchets et de détritus ne risque-t-il pas d’augmenter ?
Alexandre Chaput se veut rassurant : « Nous ne pensons pas qu’il y aura de pollution dans ce milieu puisqu’il va être fréquenté par des personnes capables de se déplacer à l’intérieur d’une cavité. Certes, il peut arriver que des morceaux de semelles, des chaussures ou du matériel tombent par terre, ce qui est tout à fait normal lorsqu’on fait de la spéléo[logie]… »
Et d’ajouter : « C’est l’un des rares parcours ouverts au public et nous [le Comité départemental de spéléologie des Hautes-Alpes, ndlr] estimons qu’il est préférable de lui donner la possibilité de faire cette expérience sous terre en le sensibilisant à l‘environnement, plutôt que de fermer les accès. »
La commune de Dévoluy envisage en effet de laisser la via souterrata ouverte même en hiver, si les conditions météorologiques le permettent. Les excursionnistes et les skieurs qui se rendront à la station de Superdévoluy pourront, à leur tour, goûter aux joies de la spéléologie.
Giovanna Crippa