FOCUS – Après plusieurs mois de travaux, les immeubles 40 et 50 de la Galerie Arlequin ont été inaugurés en décembre dernier. Mais les résidents qui ont vécu, in situ, cette remise en état de fond en comble demandent aux bailleurs SDH (40) et Actis (50) un dédommagement financier au titre des préjudices matériel et moral subis. Faute de réponse satisfaisante, ils pourraient porter l’affaire devant les tribunaux.
Menés sous la houlette des groupes Eiffage pour le 40 et Bouygues pour le 50 de la galerie de l’Arlequin à la Villeneuve, les travaux réalisés ont été colossaux : rénovation des logements, isolation des façades, installation de nouveaux escaliers, réhabilitation des halls d’entrée, etc.
Bailleurs et élus semblaient ravis du résultat lors de l’inauguration le 8 décembre dernier et ces derniers l’ont réaffirmé à l’occasion du conseil municipal le 19 décembre dernier. Étonnamment, les locataires font part de leur mécontentement. Pourquoi, donc ? Par exemple, les finitions ne sont pas tout à fait au rendez-vous et la sécurité des portes d’entrée laisse encore à désirer… Voilà qui devrait toutefois pouvoir s’arranger.
En revanche, ils ne digèrent vraiment pas « l’enfer », selon leur expression, qu’ils ont vécu durant les travaux. Leur exaspération n’a fait que croître ces dernières semaines. Car Actis (bailleur du 50) tout comme la SDH (bailleur du 40) refusent de répondre favorablement à leurs doléances.
« Ils nous ont pris en otages »
À les en croire, les 77 locataires restés dans les immeubles en travaux en ont bavé… Bruits, poussières, va-et-vient intempestifs des sous-traitants dans les logements, parties communes sales, ascenseurs hors service… Leur quotidien n’aurait pas été une sinécure pendant trois ans.
Les derniers temps, les ouvriers ont même travaillé les week-end, ne laissant aucun répit aux locataires.
Quelle drôle d’idée aussi que de rester dans un logement en pareille situation ? Apparemment, les habitants n’imaginaient pas ce qui les attendait. En revanche, ils considèrent que les bailleurs – SDH et Actis – en savaient bien plus qu’eux sur la lourdeur des travaux, et auraient dû par conséquent les reloger préventivement.
Mohammed, habitant du 50 ne mâche pas ses mots : « Actis nous a trahis. Ils nous ont pris en otages. Les travaux ont été un véritable fiasco. »
Échec des négociations et de la médiation
Plusieurs fois, les locataires ont pris leur plume et rencontré des responsables des deux bailleurs concernés… Il y a même eu une amorce de solution trouvée avec Actis. Mais la direction et son président Eric Piolle, maire de Grenoble, ont fait volte-face et sont apparemment revenus sur ces négociations.
Le ton n’a ensuite fait que s’envenimer. Dans une lettre adressée au président d’Actis, le style est cinglant : « Actis a traité ses locataires avec un mépris et un manque de respect évidents, faisant passer les avantages qu’il escompte retirer des travaux avant les obligations les plus élémentaires qui sont les siennes en tant que bailleur. »
Les voisins du 40 ont, eux, tiré la sonnette d’alarme bien en amont.
En février 2016, la Confédération syndicale des familles (CSF) intervenant en soutien auprès de l’association des habitants du 30/40 a demandé une médiation auprès de la SDH, faute de réponses apportées aux problèmes. « Oui, on a eu le malheur de leur demander une médiation ! », regrette, après coup, Ariane Béranger, présidente de l’association. Car le temps que la SDH trouve le prestataire ad hoc, cette médiation est arrivée à la fin de l’année et la mission du cabinet s’est transformée en enquête de satisfaction…
Les bailleurs estiment avoir fait le nécessaire
« Tout ce que nous voulons, c’est que les bailleurs reconnaissent que ce que nous avons subi n’est pas acceptable », explique France, locataire du 40. Sauf que la SDH autant qu’Actis refusent de répondre aux doléances formulées par les habitants, en relativisant l’impact des travaux sur leur vie quotidienne. Et en soulignant le gain sur leur qualité de vie au final…
« Durant toute la période du chantier, rappelle, par ailleurs dans un courrier, la directrice de clientèle de la SDH, un renforcement de l’équipe de proximité a été mis en place, des logements meublés ont été mis à disposition et une interlocutrice au sein d’Eiffage a également fait le relais [avec les habitants, ndlr] pendant toute la durée des travaux. »
Stéphane Duport Rosand, directeur général d’Actis, soutient pour sa part dans un autre courrier, qu”« il a été précisé que les locataires, dont le logement n’était pas lourdement impacté par les travaux, pourraient également solliciter une mutation, dans la mesure où ils avaient déposé une demande au Pôle Habitat social. Cela a été le cas pour certains habitants. »
Faux, selon Khaled, habitant du 50 qui affirme qu”« Actis s’est ravisé, et a laissé les locataires en plan ! »
La SDH et Actis refusent les 1 000 euros de dédommagement par locataire
A force de courriers, de rencontres et de pétitions, les bailleurs ont fini par proposer une remise sur les charges de nettoyage et d’ascenseurs. C’est bien la moindre des choses selon les habitants, pour qui ce « geste commercial » reste toutefois insuffisant.
Ils continuent ainsi de réclamer 1 000 euros par logement en dédommagement. Demande à laquelle la SDH et Actis demeurent fermement opposés. Par crainte de créer un précédent, peut-être ?
Actis s’est tout de même résigné à faire un geste supplémentaire, en accordant 1000 euros… aux locataires qui décideraient d’entreprendre des travaux. Une proposition irrecevable pour les résidents qui exigent le versement de la somme sans condition.
A réception d’une pétition des locataires, la SDH a par ailleurs elle aussi lâché du lest, et accepté de revenir sur l’augmentation prévue des loyers du 40. Au lieu de 10 %, elle ne sera que de 7 % pour les habitants actuels. Les loyers seront en revanche rehaussés de 12 % pour les nouveaux arrivants. Car la SDH ne cache pas son intention d’attirer des ménages plus aisés dans ses appartements fraîchement refaits à neuf. « On voudrait chasser les classes populaires de l’Arlequin que l’on ne s’y prendrait pas mieux ! », commentent certains habitants… visiblement peu sensibles à l’argument de la mixité sociale.
Tous les moyens pour obtenir leur 1 000 euros pour préjudice morale et matériel ayant été épuisés, une démarche en justice n’est désormais pas exclue. « Si on doit aller en justice, on peut également demander davantage », menacent les intéressés.
Séverine Cattiaux