FOCUS – Chaque année en Isère, des festivals de musique jalonnent le printemps et la saison estivale de leurs concerts, en proposant au public différentes esthétiques. Aux poids lourds que sont les festivals Jazz à Vienne, Cabaret frappé et Berlioz vient s’ajouter une dizaine de festivals qui, bien que plus modestes ont su, au fil du temps, consolider leur formules respectives et fidéliser leur public. Tour d’horizon éclectique.
« Le département de l’Isère est un département très riche en matière culturelle mais aussi en matière de festivals », tient à rappeler Patrick Curtaud, vice-président du département de l’Isère en charge de la culture.
C’est un fait, notre département est plutôt bien loti avec les deux poids lourds de renommée internationale que sont les festival Jazz à Vienne et le festival Berlioz à la Côte-Saint-André. Cependant, tous les ans, en sus du Cabaret frappé, une dizaine d’autres festivals ont su créer et fidéliser leur public du printemps jusqu’à la fin de la saison estivale.
Si nombre d’entre eux sont centrés sur l’agglomération grenobloise, d’autres en franchissent les frontières, investissant le Grésivaudan, les terres du pays voironnais ou encore le massif de la Chartreuse. La plupart sont de grosses machines bien huilées plutôt rock culture : la fête du Travailleur Alpin, Magicbus, Le Grand Son [ex-Rencontres Brel, ndlr], le festival Col des 1 000…
Ajoutez à cela le psychédélique festival “trance » Hadra qui, bien qu’exilé hors des frontières du département à Vieure dans l’Allier, a conservé son siège grenoblois.
Le blues ne fait toutefois pas figure de parent pauvre avec Grésiblues et ses soirées de concerts gratuits répartis dans six communes du Grésivaudan. Une vallée où les mélomanes épris de musique classique ne le disputeront pas aux amateurs de blues puisqu’ils pourront assister aux cinq concerts programmés par le festival de musique de chambre Musique dans le Grésivaudan.
« Magicbus est un festival qui, depuis trois ans, se porte bien »
Chaque nouvelle édition de l’un ou de l’autre apporte son lot d’ajustements, de nouveautés voire d’innovations. Pour ce qui concerne Magicbus – le festival longtemps “sans domicile fixe” qui a vagabondé du campus à La Bifurk en passant par le stade des Alpes –, son errance s’est achevée il y a deux ans lorsqu’il a pu élire domicile à l’Esplanade où se déroulera à nouveau sa 16e édition.
Grand bien lui en a fait, semble-t-il. « Magicbus est depuis trois ans un festival qui se porte plutôt bien », se félicite Damien Arnaud, coordinateur de l’association Retour de scène – Dynamusic qui organise le festival.
La nouveauté ? On passe cette année de deux à trois jours, avec une première soirée entièrement dédiée à la scène locale. Que l’association connaît bien puisqu’elle édite chaque année La cuvée grenobloise, une compilation permettant de donner un sérieux coup de pouce à des groupes locaux. Damien Arnaud nous explique quels seront les temps forts de Magicbus 2017 mais aussi les contraintes inhérentes à un festival se déroulant en ville.
« C’est difficile de continuer à faire une fête non subventionnée à ce prix-là »
S’il y a un événement qui fait figure de vétéran c’est bien la fête organisée par le journal Le Travailleur Alpin. Là aussi la mécanique est bien rodée puisque la fête, qui existe depuis 1929, réunit chaque année entre 6 000 et 8 000 personnes. Pour autant, pas si facile souligne Pierre Labriet, le directeur du journal éponyme.
« Avec 14 euros pour la soirée et 23 euros pour les deux jours, c’est difficile de continuer à faire une fête non subventionnée à ce prix-là. Mais grâce aux militants et aux bénévoles, on s’en sort », explique-t-il.
Toujours est-il que la programmation musicale de la Fête du travailleur alpin reste fidèle à sa formule, largement éprouvée, mêlant rock, rap ou encore – militantisme oblige – chants de lutte. Pierre Labriet n’est d’ailleurs pas peu fier d’annoncer en ouverture de cette 88e édition – après une parenthèse de quatre années – le retour sur scène de la rappeuse Keny Arkana.
Au titre des animations de cette édition 2017, quelques nouveautés. Notamment des ateliers de graffitis ou encore la réalisation d’une œuvre en direct sur la grande scène pendant les concerts du vendredi 30 juin. Quant à la dimension militante, comme toutes les années, c’est à travers des débats et des solidarités qu’elle pourra s’exprimer pleinement.
Grésiblues, un festival à deux têtes qui attire de plus en plus de jeunes
Grésiblues fête, quant à lui, cette année sa majorité puisqu’il « égrène ses notes bleues » depuis dix-huit ans en Grésivaudan sous l’impulsion des membres de l’association Grésivaudan blues festival que préside Brigitte Nakachdjan. « Grésiblues est un festival de blues entièrement gratuit, cent pour cent en extérieur avec des replis en salle en cas de météo peu clémente et qui trouve toutes ses ressources dans la restauration extérieure et l’organisation de stages », résume fièrement la présidente.
Qui ne manque pas de souligner la prise de risques qu’entraînent ces choix certes assumés mais qui peuvent aussi expliquer « un bilan toujours un peu fragile », reconnaît-elle.
Son originalité ? Outre qu’il soit itinérant, avec sa « caravane » qui s’installe chaque soir dans une commune différente, Grésiblues est un festival à deux têtes : les stages – payants – et les concerts en soirée.
Avant les deux groupes programmés chaque soir, les stagiaires peuvent ainsi participer à des ateliers, des cours, des séances de travail de groupes ou autres master class encadrés par des artistes et musiciens professionnels. Au chapitre des nouveautés de cette année, le coaching de groupes.
Côté concerts, bien sûr, du blues, rien que du blues avec une programmation variée et la volonté de mettre en avant des groupes locaux. « Le blues évolue dans son image, on avait tendance à croire qu’il n’y avait que des vieux qui s’intéressaient au blues, et puis non, ce n’est plus du tout ça », explique enjouée Brigitte Nakachdjan. Pour preuve, les 500 à 1 000 personnes qui assistent aux concerts. Avec un public de plus en plus jeune.
De la musique de chambre au jazz
Si on ne quitte pas le Grésivaudan, changement de genre musical avec le festival de musique de chambre Musiques dans le Grésivaudan. L’une des plus anciennes institutions culturelles de la vallée revendiquant 26 ans d’existence.
« C’est un festival qui réunit tous les ans un public de fidèles mais, cette année, nous voudrions élargir notre public puisque nous avons un public un peu de têtes blanches et nous voudrions faire venir des jeunes », explique Brigitte Bruay-la-Buissière, la présidente de l’association Musiques dans le Grésivaudan.
Cette dernière compte bien sur la programmation concoctée par Laure Colladant, la directrice artistique du festival, pour réussir son pari. La recette ? Proposer au public une palette de concerts allant du classique jusqu’au jazz. Notamment avec une carte blanche donnée à la tête d’affiche qu’est le clarinettiste « mondialement reconnu pour sa polyvalence et sa créativité » Michel Portal, indique la brochure du festival.
Brigitte Marin-Mabossière dresse un rapide panorama des cinq soirées de concerts qui s’étaleront du 28 juin au 6 juillet, là aussi dans des communes différentes chaque soir.
« L’accueil des festivaliers reste une priorité pour nous »
Un festival c’est aussi bien souvent un pari financier puisque sa fréquentation dépend étroitement – pour ceux qui se déroulent en plein air – des caprices de la météo. C’est notamment l’aléa subi en 2016 par le festival Col des 1 000 qui s’était vu contraint d’annuler une de ses soirées pour cause de tempête. L’association a néanmoins pu se maintenir à flot. « Grâce à notre assurance prévue à cet effet, nous avons pu maintenir l’association, et les emplois menacés par cette annulation », explique-t-elle sur son site web. De quoi pouvoir préparer une édition 2017 aux petits oignons.
« Plus que les concerts, l’accueil des festivaliers reste une priorité pour nous », souligne Florine Thevenin, responsable de la communication du festival. De fait, pour cette 20e édition qui aura lieu les 7 et 8 juillet, outre le camping gratuit qui existe depuis 2013 et les navettes, de nombreuses animations seront proposées au public.
Entre autres un espace de détente où l’on pourra se faire masser, une bibliothèque, un atelier de peinture corporelle, un espace jeux, de l’initiation à la danse africaine ou encore un photomaton pour se faire tirer le portrait. Pour les enfants ? Aucun problème, un espace leur sera également réservé. Enfin, ajoutez à cela une animation randonnée pour découvrir tout le patrimoine naturel des environs du festival.
Les Rencontres Brel changent de nom
Toujours en montagne mais, cette fois-ci, à Saint-Pierre-de-Chartreuse, exit les Rencontres Brel et leurs vingt-neuf ans d’existence. Elles ont désormais laissé place au festival Le grand son qui se déroulera du 18 au 22 juillet 2017. Jean-Pierre Godefroy, le président de l’association l’Éphémère qui porte le festival, nous explique les raisons qui ont présidé à ce changement de nom.
Un festival aux dimensions environnementales, sociétales et culturelles
Avec le festival Bien l’bourgeon, le benjamin des festivals présentés, c’est un concept novateur que met en avant l’association Mix’Arts grâce à un projet « aux dimensions environnementales, sociétales et culturelles ». Un événement en deux temps et lieux puisqu’après une première partie sur le campus de Saint-Martin-d’Hères les 9 et 10 mai, une seconde se déroule à Saint-Geoire-en-Valdaine, en plein pays voironnais, du 12 au 14 mai.
« L’idée c’était de proposer un festival qui mêle les disciplines et de mettre en avant des sujets trop souvent mis de côtés », explique Fanchon Pajean, la communicante du festival. En d’autres termes, « sortir des frontières du connu et expérimenter une nouvelle forme d’événement reliant festivités, cultures, sciences et politique ».
Au programme, outre les concerts en soirée, sont proposées des ateliers, animations, discussions, conférences et tables rondes gravitant autour de l’écologie politique, l’agriculture et la spiritualité.
Notamment une conférence animée par le politologue Paul Ariès, « L’histoire politique de l’alimentation », ou encore une conférence gesticulée « La dé-croyance, ou comment je suis devenu athée sans me fâcher avec ma famille ». À ne pas rater, l’organisation insiste, les deux spectacles, samedi 13 mai, du mentaliste belge Kurt Demey considéré comme le meilleur en Europe dans cette discipline.
Joël Kermabon