FOCUS – Le festival Les Arts du récit fête ses trente ans en Isère du 5 au 20 mai 2017. Sa programmation, extrêmement riche, témoigne de la vitalité de la transmission orale dans un monde pourtant dominé par l’écrit. Des comptines pour tout petits aux expérimentations les plus contemporaines, cet événement tente d’embrasser l’éventail des possibilités offertes par les contes, mythes et légendes. Une belle ode aux raconteurs d’histoires et à ceux qui aiment les écouter.
Si vous n’êtes pas féru(e) de littérature orale, peut-être n’avez-vous pas noté que le festival des Arts du récit allait souffler ses trente bougies du 5 au 20 mai 2017. Martine Carpentier, directrice de l’événement depuis trois ans, revient sur sa création.
« La première édition du festival a eu lieu à Saint-Martin‑d’Hères et a été initiée par les actuels fondateurs et membres du CA : des bibliothécaires et des directeurs de MJC sous la houlette d’Henri Touati, qui était le directeur de la MJC sud de Saint-Martin‑d’Hères. Au début, il y avait quatre ou cinq conteurs qui se produisaient dans les bibliothèques et les petites salles de la ville. » L’événement n’a fait que croître ensuite jusqu’à s’étendre à l’ensemble du département isérois – avec 43 communes partenaires – et à inviter une soixantaine de conteurs cette année.
La transmission d’un patrimoine immatériel
Contes, mythes et légendes ont ceci de particulier qu’ils relèvent de la transmission orale. Ce qui les rend tout à la fois intemporels et fragiles par essence puisque non fixés par l’écriture, aujourd’hui dominante dans notre mode de diffusion culturelle.
« On est dans une société de l’écrit. La littérature jeunesse a pris une grande ampleur. Donc la lecture à voix haute est plus importante dans les usages que la parole directe, qui initie des émotions et un rapport au corps très différent pour les tous petits par exemple. On veut aussi permettre aux parents de retrouver le plaisir de la comptine ou du jeu de doigts pour qu’ils puissent retrouver leur propre culture. C’est une manière de redonner de la dignité à ce que leurs parents ou grands-parents leur ont transmis », explique la directrice du festival et du Centre des arts du récit, scène conventionnée créée en 2000 à Saint-Martin‑d’Hères.
Le festival n’est finalement que la « partie visible de l’iceberg », pour reprendre la métaphore utilisée par Martine Carpentier, qui souligne ainsi le travail entrepris à l’année par la structure. Laquelle remplit des missions de soutien à la création, de coproduction, de formation ou d’éducation artistique.
L’ancien et le nouveau
Si les arts du récit sont le fruit d’une tradition ancestrale, ils n’en sont pas moins traversés par différentes expérimentations. Ce dont rend compte la programmation particulièrement foisonnante de cette 30e édition du festival Les Arts du récit.
« On est très attentif aux mouvements que connaissent ces arts en ce moment. Il y a beaucoup d’artistes qui sont dans une démarche collective, de croisement de leurs répertoires. C’est ce qu’on retrouvera dans Figures de proue [samedi 6 mai au musée dauphinois, à 19 h 30, ndlr], qui réunit quatre conteurs d’origines et d’univers très différents : le barde Don Fabulist, Matthieu Epp – qui s’intéresse à la transmission traditionnelle et, en même temps, s’interroge sur des objets contemporains –, Julie Boîte, qui mène un travail poétique sur la folie et l’illusion, et Myriam Pellicane, dont le travail s’inspire des formes de rituels et d’interdits », annonce Martine Carpentier.
À ces rencontres de conteurs répondent des croisements génériques, entre vidéo, musique et conte traditionnel, par exemple. Muriel Bloch, qui fait partie des conteurs reconnus en France, mêle ainsi ces différentes composantes dans Les Contes de l’Abracadabra, qu’elle propose à la Source vendredi 5 mai, à 18 h 30.
La structure du récit traditionnel peut aussi convoquer des thématiques tout à fait réalistes. Aussi, Frédéric Naud, lui aussi très identifié au sein de la scène des conteurs, insuffle-t-il à des histoires extraites du journal interne de l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban-sur-Limagnole en Lozère une dimension tout à la fois surréaliste et tragi-comique (La méningites des poireaux, lundi 15 mai, à 19 h 30, à l’Espace culturel René Proby de Saint-Martin‑d’Hères). On retient également la proposition de Pépito Matéo, Le conteur fait son cinéma, au sein de laquelle on assiste en direct à la conception d’un court métrage (vendredi 19 mai, à 20 heures, à l’Odyssée d’Eybens).
Adèle Duminy
LE RENOUVEAU DU CONTE
« C’est dans les années 1970 qu’on a pu noter en France un véritable regain d’intérêt pour les arts du récit, notamment via de grands conteurs comme Bruno de La Salle ou Muriel Bloch. Ils se sont demandé ce qu’allait devenir la littérature orale. L’idée était de la rendre à nouveau vivante et transmissible.
Tout un panel d’artistes et de chercheurs a pris conscience de cette urgence. Progressivement, depuis ces années-là, il y a eu énormément d’initiatives en France et partout dans le monde qui se sont propagées et qui ont passé les frontières », rappelle la directrice du Centre des arts du récit. Qui tient d’ailleurs beaucoup à ce que la langue française ne soit pas la seule représentée au sein de la programmation du festival.
« La poésie marche dans la rue » se présente ainsi comme un projet européen (samedi 20 mai à la Salle noire, à 21 heures) qui rassemble huit artistes, conteurs, musiciens, slameurs, improvisateurs, performeurs et poètes, issus de quatre pays européens (Espagne, Italie, Portugal, France).
Info pratiques
Festival des Arts du récit
Du 5 au 20 mai en Isère