FOCUS – Depuis fin mars, des étudiants et futurs professeurs de l’École supérieure du professorat et de l’éducation (Espé) de Grenoble sont en grève. Un mouvement soutenu par l’intersyndicale CGT éduc, FO, Snalc, Snes-FSU et Sud éducation. Après avoir mené quelques actions et manifestations pour se faire entendre, les grévistes tenaient une assemblée générale, ce mardi 11 avril. En cause : l’infantilisation et le surmenage.
Mardi 11 avril, à 12 h 30. Pour débuter cette assemblée générale, les professeurs stagiaires grévistes diffusent une bande-son : l’intervention de la directrice de l’Espé, le matin même sur France Bleu. Bettina Debû y relativise l’ampleur du mouvement, rappelant au passage que « les années à élections sont des années à mouvement ». Après cette intervention, les étudiants dans la salle rient et applaudissent, signe de leur désaccord total avec la directrice. Tout de suite après, le micro circule. Chacun a son mot à dire. Et la première chose qu’ils semblent vouloir rectifier, c’est qu’ils n’appartiennent à aucun mouvement politique. Et que l’approche des élections présidentielles n’a aucun rapport avec leurs revendications.
La directrice a également souligné le fait que certains étudiants profitaient de ce mouvement de grève pour ne pas venir en cours. Ce à quoi répond une étudiante dans la salle : « Ce n’est pas qu’on ne va pas en cours, on est en grève ! » Également présents à cette AG, des syndicalistes, notamment de la CGT et de Force ouvrière, qui soutiennent ce mouvement de grève. Eux aussi insistent sur le fait qu’il ne doit y avoir aucune récupération politique du mouvement.
Des cours « inadaptés »
Les professeurs stagiaires sont mécontents, et ils le font donc savoir. Le but de cette assemblée générale ? Se mettre d’accord sur la suite du mouvement. Les revendications sont claires : moins de surveillance, plus d’autonomie et surtout un emploi du temps adapté.
En effet, selon Mylène*, en formation à l’Espé, la quantité de travail ne serait vraiment pas adaptée. Les étudiants stagiaires exercent en effet à mi-temps dans des établissements scolaires. Ainsi, entre les cours qu’ils doivent suivre et ceux qu’ils donnent, la charge de travail semble relativement importante. Et visiblement excessive selon ces étudiants.
En outre, certains cours dit “transversaux” (qui regroupent tous les étudiants de toutes filières confondues de l’Espé) seraient beaucoup trop abstraits et théoriques, et n’auraient donc aucun réel intérêt. Certains étudiants manqueraient même parfois de temps pour s’y rendre.
Le mouvement a toutefois déjà vécu une petite victoire la semaine dernière : les étudiants n’ont plus l’obligation de justifier de leur présence via les fameuses fiches d’émargement. En effet, une des principales revendications était de mettre fin à l’infantilisation liée à ces fiches à faire signer par les étudiants à chacun de leur formateur pour justifier de leur présence en cours. Une formalité fastidieuse selon eux, et qui ne les responsabilisait pas. Cette avancée a été permise par la pétition lancée en décembre par le Snes-FSU, rejoint par FO, qui a été signée par plus de 250 stagiaires, soit les trois-quarts des promotions du second degré de l’Espé de Grenoble.
Des problèmes qui se posent dans toute la France…
Le problème ne se pose pas seulement à Grenoble, à en croire Grégory Corps, membre du Syndicat national des lycées et collèges (Snalc) qui soutient le mouvement de grève. En effet, les programmes ne sont pas les mêmes selon les départements et seraient bien moins cohérents dans certaines villes que dans d’autres. Selon lui, le programme doit être le même nationalement : « former un professeur différemment pour chaque académie, ça n’a aucun sens ». Il juge aussi la formation trop courte (un an après le concours) pour pouvoir s’adapter, dans des conditions souvent difficiles. Finalement, à travers ce mouvement, c’est une remise en question de la profession même. Une profession difficile selon les syndicats, dans laquelle les dépressions seraient fréquentes.
De son côté, Bettina Debû, la directrice de l’Espé, relativise une fois encore la portée de cette mobilisation, qu’elle juge minimale : il y aurait selon elle environ 40 professeurs stagiaires en grève sur les 1 500 inscrits cette année. La directrice reconnaît tout de même que la majorité d’entre eux jugent la charge de travail bien trop importante.
Et trouve elle-même que « le travail est lourd ». Il reflète toutefois à ses yeux la réalité du métier : « Être enseignant représente une grosse charge de travail. » Mais, pour elle aussi, le problème est national. « Il serait souhaitable que la formation soit plus longue », affirme-t-elle.
Les cours transversaux jugés indispensables par la directrice
La directrice marque en revanche un réel désaccord avec les grévistes sur d’autres points. Comme par exemple les cours transversaux, que la directrice juge indispensables et qui permettraient de « transformer les pratiques et de s’appuyer sur les données de la recherche ». C’est pour elle un point dont il faut tenir compte dans un métier en perpétuelle évolution.
En ce qui concerne le sujet de l’infantilisation, là aussi, le désaccord est profond. Les professeurs stagiaires travaillent à mi-temps, vont en cours le reste du temps et sont payés avec de l’argent public.
Bettina Debû explique qu’il est ainsi tout naturel qu’ils justifient de leur présence en cours. Si elle reconnaît des failles dans la formation, elle viendraient selon elle de l’organisation, et surtout pas des enseignements.
Le mouvement est en tout cas maintenu pendant encore plusieurs semaines. Aucune date de fin n’a été fixée. Les syndicats, eux, se donnent pour objectif d’accompagner les stagiaires (aussi bien dans leur mouvement que psychologiquement), mais aussi de gérer la communication autour du mouvement, tout en évitant une récupération politique.
Mélody Chalvin
* Le prénom a été modifié à la demande de la personne.