Conseils citoyens indé­pen­dants : la Ville de Grenoble pro­pose une for­ma­tion certifiante

Conseils citoyens indé­pen­dants : la Ville de Grenoble pro­pose une for­ma­tion certifiante

FOCUS – C’est une demande des CCI eux-mêmes, affirme la muni­ci­pa­lité de Grenoble. Les membres des Conseils citoyens indé­pen­dants se voient pro­po­ser une for­ma­tion par Sciences-Po Grenoble afin de les aider dans leur par­ti­ci­pa­tion à la poli­tique publique. Et peut-être décro­cher un « cer­ti­fi­cat d’ac­tion citoyenne ».

Assises Citoyennes 2014

Assises Citoyennes 2014 © Sylvain Frappat

« L’idée, c’est de sim­pli­fier. Et pour sim­pli­fier, il faut expli­quer la com­plexité ». C’est ainsi que Pascal Clouaire, adjoint de Grenoble en charge de la Démocratie locale, pré­sente la for­ma­tion pro­po­sée aux membres des Conseils citoyens indé­pen­dants (CCI). Un cur­sus assuré par Sciences-Po Grenoble qui peut même débou­cher sur un « cer­ti­fi­cat d’ac­tion citoyenne. »

Cette for­ma­tion, Pascal Clouaire assure que ce sont les CCI eux-mêmes qui en ont fait la demande. « Les habi­tués de la par­ti­ci­pa­tion connaissent très bien le fonc­tion­ne­ment ins­ti­tu­tion­nel, mais les autres arrivent dans des ins­tances que la Ville a voulu indé­pen­dantes, avec une com­plète auto­no­mie d’ac­tion et d’or­ga­ni­sa­tion. Et ils sont per­dus ! »

« Aider les citoyens à jouer un rôle »

Philippe Teillet, direc­teur des Études pour les Masters à Sciences-Po Grenoble et res­pon­sable de cette for­ma­tion, va dans le même sens. « Il y a des gens qui connaissent bien les rouages des villes, des inter­com­mu­na­li­tés, des métro­poles. Et d’autres, plus nom­breux, qui sont loin de tout ça ou qui ont des connais­sances par­tielles. »

« L’idée, conti­nue Philippe Teillet, c’est d’ai­der ces citoyens à jouer un rôle actif en ayant suf­fi­sam­ment d’in­for­ma­tion sur les ins­ti­tu­tions locales et les grands enjeux d’une ville comme Grenoble dans sa Métropole. »

Pascal Clouaire, Adjoint délégué à la Démocratie locale. © Séverine Cattiaux - Place Gre'net

Pascal Clouaire, adjoint délé­gué à la Démocratie locale. © Séverine Cattiaux – Place Gre’net

Et Pascal Clouaire de détailler les ques­tions à se poser. « Qu’est-ce qu’une ville, com­ment ça fonc­tionne ? Comment les déci­sions sont prises ? Quelles sont les com­pé­tences d’une ville par rap­port à une Métropole, ou les com­pé­tences d’une Métropole ? Ou encore, quels sont les liens entre une ville et une asso­cia­tion ? »

De “l’ins­truc­tion civique” à échelle locale néces­saire pour l’ad­joint de Grenoble. « C’est impor­tant de connaître le cir­cuit d’une déci­sion de poli­tique publique, sou­ligne-t-il. On sait quand il faut agir, où et avec qui. Quelle est la place d’un adjoint, d’un maire… À par­tir du moment où je connais les com­pé­tences de la ville, je sais quels sont mes inter­lo­cu­teurs si je veux déve­lop­per un pro­jet dans mon quar­tier. »

Un cer­ti­fi­cat de “bonne citoyenneté” ?

« Les élus sont valo­ri­sés par des indem­ni­tés, mais com­ment valo­ri­ser la par­ti­ci­pa­tion des habi­tants qui vont s’in­ves­tir et pas­ser du temps dans les construc­tions des poli­tiques publiques ? La cer­ti­fi­ca­tion vaut recon­nais­sance du temps passé et des com­pé­tences acquises », assure Pascal Clouaire. Libre ensuite à celui qui aura obtenu son cer­ti­fi­cat de le faire valoir ou non auprès de qui de droit.

Le Postillon se demande si la formation servira à trier les « bons et mauvais citoyens ». © Joël Kermabon - Place Grenet

Le Postillon se demande si la for­ma­tion ser­vira à trier les « bons et mau­vais citoyens ». © Joël Kermabon – Place Grenet

Cette notion de cer­ti­fi­ca­tion n’est pas sans sou­le­ver cer­taines raille­ries, relayées notam­ment par Le Postillon. Avec son style sar­cas­tique, la paru­tion sati­rique s’in­ter­roge sur ce cer­ti­fi­cat : « Peut-être ser­vira-t-il plus tard à trier les bons et mau­vais citoyens, ceux qui ont le droit de ren­trer dans le conseil muni­ci­pal et ceux qui doivent res­ter dehors dans les gaz lacry­mo­gènes ? »

Alors, un cer­ti­fi­cat de bonne ou de mau­vaise citoyen­neté ? La ques­tion fait lit­té­ra­le­ment bon­dir Pascal Clouaire. « C’est n’im­porte quoi ! Le sta­tut de citoyen n’a rien à voir avec le fait de suivre une for­ma­tion. La citoyen­neté c’est une qua­lité qui donne un cer­tain nombre de droits et de devoirs, on est citoyen et voilà. On ne remet pas en cause la Déclaration uni­ver­selle des Droits de l’Homme et du Citoyen. Évitons d’al­ler là-dedans, sur­tout en ce moment ! »

Reste qu’une for­ma­tion peut tou­jours aiguiller les pen­sées dans une direc­tion plu­tôt qu’une autre. Là encore, Pascal Clouaire conteste vigou­reu­se­ment. « La for­ma­tion a pour objec­tif de don­ner des infor­ma­tions, d’ex­pli­quer com­ment fonc­tionnent les choses. En même temps qu’on donne des expli­ca­tions, on donne la cri­tique des expli­ca­tions. Il ne s’a­git pas d’une expé­rience de for­ma­tion de mili­tants, mais de don­ner à com­prendre com­ment fonc­tionne le sys­tème. »

Formation… ou formatage ?

L’adjoint de Grenoble fait avant tout confiance aux membres des CCI eux-mêmes. « Ce sont des per­sonnes qui ont un sens cri­tique plu­tôt aiguisé. La for­ma­tion, c’est aussi un lieu de dis­cus­sion et d’é­change, où cha­cun enri­chit le débat avec son appa­reil cri­tique. C’est un lieu où l’on essaye de dis­tin­guer les faits des opi­nions, de faire la part des choses. » Sans risque de for­ma­tage ? « Ils s’en ren­draient compte ! », assure Pascal Clouaire.

Philippe Teillet, directeur des études Sciences-Po Grenoble © Sciences-Po

Philippe Teillet, direc­teur des études Sciences-Po Grenoble. © Sciences-Po

Philippe Teillet prend un recul d’u­ni­ver­si­taire sur la ques­tion. « On peut vite pas­ser de for­mer à for­ma­ter, c’est pos­sible. Mais ce n’est pas notre but : per­sonne n’a l’in­ten­tion de les for­ma­ter, mais au contraire de leur don­ner la capa­cité d’a­gir. Notre esprit c’est de don­ner des res­sources. J’entends bien que le risque est pos­sible, mais tout le monde est dans ce risque-là. On est plu­tôt à Sciences-Po sur une logique de for­mer un esprit cri­tique, quoi qu’en dise Le Postillon… »

Pourquoi Sciences-Po ?

Pourquoi le choix de Sciences-Po Grenoble ? « Sciences-Po s’est imposé natu­rel­le­ment, explique Pascal Clouaire. C’est l’é­cole qui a toutes les com­pé­tences requises pour réa­li­ser ce type de for­ma­tion, et toute la légi­ti­mité éga­le­ment pour réa­li­ser une cer­ti­fi­ca­tion. Ça nous parais­sait évident de nous adres­ser à Sciences-Po, tout comme on s’a­dresse à l’Institut de géo­gra­phie alpine quand il s’a­git de tra­vailler sur l’ur­ba­nisme… »

Sciences-Po Grenoble © Sciences-Po

Sciences-Po Grenoble. © Sciences-Po

Et l’élu de rap­pe­ler que tra­vailler sys­té­ma­ti­que­ment avec les com­pé­tences uni­ver­si­taires locales fai­sait par­tie des enga­ge­ments de cam­pagne du can­di­dat Piolle en 2014. L’engagement 66 sti­pu­lait en effet « l’in­ser­tion de l’u­ni­ver­sité dans la ville ». Mais Pascal Clouaire appa­raît lui-même dans l’or­ga­ni­gramme de Sciences-Po Grenoble, au titre de « chargé de mis­sion Développement de la péda­go­gie numé­rique ». Jouera-t-il un rôle dans les for­ma­tions des membres des CCI ? Absolument pas, assure-t-il.

« Cela ne fait pas par­tie de mes com­pé­tences. À Sciences-Po, je tra­vaille sur le numé­rique et je suis res­pon­sable du Master Transmedia. Je ras­sure tout le monde : je n’in­ter­viens ni de près, ni de loin dans cette for­ma­tion. Le choix de Sciences-Po Grenoble est logique et légi­time : on ne va pas d’a­dres­ser à Sciences-Po Lyon pour for­mer un cer­tain nombre de per­sonnes qui sont à Grenoble ! »

Un coût de 400 euros par can­di­dats à la certification

Combien de per­sonnes ? Une ving­taine aura par­ti­cipé à la jour­née socle, selon le site de la Ville, quand les 7 CCI de Grenoble comptent entre 10 et 20 membres cha­cune. La for­ma­tion n’a, en effet, rien d’o­bli­ga­toire. Pascal Clouaire estime le coût de cette jour­née de for­ma­tion entre 500 et 1 000 euros, café compris.

Quant au suivi de la for­ma­tion cer­ti­fiante, le chiffre du nombre de par­ti­ci­pants n’est pas encore connu. C’est de lui que va par ailleurs dépendre le coût de cette for­ma­tion. Fixé à 400 euros par per­sonne s’il y a moins de cinq ins­crits, il passe à 300 euros au-des­sus. Une dif­fé­rence qui n’a rien de négli­geable, la Ville pre­nant en charge la quasi-tota­lité des frais engagés.

La formation certifiante comptait parmi les pistes évoquées lors du bilan des CCI un an après leur création. © Séverine Cattiaux - Place Gre'net

La for­ma­tion cer­ti­fiante comp­tait parmi les pistes évo­quées lors du bilan des CCI un an après leur créa­tion. © Séverine Cattiaux – Place Gre’net

80 euros res­tent donc à la charge du par­ti­ci­pant à la for­ma­tion. Mais les CCI peuvent éga­le­ment choi­sir de finan­cer cette part en pre­nant sur leurs fonds propres, pré­cise encore Pascal Clouaire. Qui ajoute que ces for­ma­tions seront assu­rées tous les ans, voire deux fois par an pour la “jour­née socle”, si le besoin se fait sentir.

« On y va de manière ité­ra­tive, conclut l’ad­joint à la Démocratie locale. Nous essayons une pre­mière for­ma­tion socle, nous allons faire la for­ma­tion cer­ti­fiante, puis une éva­lua­tion. Nous allons ajus­ter en per­ma­nence en réa­lité. C’est expé­ri­men­tal. Et je ne suis pas sûr qu’il y ait en France beau­coup de for­ma­tions comme celle-ci ! »

Florent Mathieu

DE LA JOURNÉE SOCLE À L’EXPOSÉ ORAL : PLUSIEURS ÉTAPES DE FORMATION

Concrètement, la for­ma­tion se com­pose en dif­fé­rentes étapes. La pre­mière repo­sait sur une jour­née de for­ma­tion « socle » qui s’est dérou­lée le samedi 7 jan­vier à la Maison des habi­tants Chorier. Une pro­fes­seure de Droit public à Sciences-Po Grenoble y a pré­senté le sys­tème ins­ti­tu­tion­nel local, autour des ques­tions de décen­tra­li­sa­tion, d’in­ter­com­mu­na­li­tés et de démo­cra­tie locale. « Un pro­gramme cocons­truit avec les CCI », assure Pascal Clouaire, qui évoque une « forte demande » autour de ces thématiques.

Mais les membres des CCI qui le dési­rent peuvent aller plus loin. Ainsi, l’é­tape sui­vante réside dans des « modules avan­cés » où seront abor­dées au cours de trois réunions des notions plus pré­cises. Les membres des CCI pour­ront éga­le­ment assis­ter à trois confé­rences orga­ni­sées par Sciences-Po Grenoble, parmi le “cata­logue” de confé­rences qu’elle propose.

Journée de formation socle pour les CCI samedi 7 janvier 2017. © Ville de Grenoble

Journée de for­ma­tion socle pour les CCI samedi 7 jan­vier 2017. © Ville de Grenoble

Enfin, les plus valeu­reux pour­ront s’en­ga­ger dans le « module de valo­ri­sa­tion d’en­ga­ge­ment citoyen ». « Le citoyen va faire le point sur ce qu’il a réa­lisé et les pro­jets qu’il a por­tés, explique Philippe Teillet. Il est accom­pa­gné par un tuteur de Sciences-Po et pré­sente un exposé oral. Cela per­met à la fois d’a­voir un accom­pa­gne­ment sur le fond avec un uni­ver­si­taire ou un cher­cheur, et aussi de don­ner une com­pé­tence à s’ex­pri­mer ora­le­ment. Et cela peut conduire à ce que l’on délivre un cer­ti­fi­cat d’ac­tion citoyenne, qui peut être valo­risé sur un CV pour celui qui en a besoin. » Un cer­ti­fi­cat – et sur­tout pas un diplôme – qui vaut recon­nais­sance des efforts accomplis.

Florent Mathieu

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