FOCUS – Ce 25 janvier 2017, la chambre des notaires de l’Isère présentait les résultats de l’observatoire de l’immobilier. Avec un premier bilan de l’année 2016 sur l’ensemble de la France comme sur la région grenobloise. Les prix demeurent relativement stables en Isère et connaissent une faible baisse dans l’agglomération grenobloise. Le territoire connaît cependant des disparités.
« Cette année, la tendance est clairement à la hausse du volume de transactions », a expliqué le notaire Gabriel Nallet lors de la réunion d’information du 25 janvier sur le premier bilan immobilier de l’année 2016.
Une hausse qui se poursuit après une reprise de l’activité en 2015.
Les raisons ? Les faibles taux sur le marché. « L’argent n’est pas cher et l’épargne mal récompensée. Il est pertinent d’investir dans l’immobilier, une valeur refuge. Cette baisse des taux a dopé le marché et incite à l’investissement. »
Qu’en est-il alors de Grenoble ?
Gabriel Nallet constate une hausse importante des surfaces des logements pour le même investissement. « Grenoble fait partie des villes où le gain en mètres carrés est le plus significatif. Quand il y a des baisses de taux, les acquéreurs en profitent pour acheter plus grand. En dix ans, entre la baisse des prix et la baisse des taux, l’investisseur grenoblois aura gagné 23 m² supplémentaires, à échéance de prêt constante », observe-t-il.
Grenoble devient, par ailleurs, de moins en moins chère en matière de logements. « La ville et son agglomération connaissent un ralentissement qui se poursuit de manière constante depuis six ans. Cette année, sur Grenoble intramuros, il y a une baisse des prix de 1,3 % en ce qui concerne le locatif ancien. »
L’évolution diffère cependant selon les quartiers de la ville. « Berriat enraye une chute constante depuis dix ans. Le quartier a eu les prémices d’une gentrification dans les années 2000 mais il a connu ensuite une baisse significative, au même titre que le quartier de Villeneuve. Cette année, il a atteint la stabilité », observe Gabriel Nallet.
D’autres espaces connaissent toujours des difficultés en matière d’immobilier. « Dans des quartiers de plan Courant [grands ensembles, ndlr] des années 1960, comme le secteur Alliés Alpes, les prix continuent à baisser. Il y a, là, des enjeux de rénovation urbaine majeurs. Les logements ne correspondent plus aux attentes des acheteurs. Ce qui est inquiétant, c’est que la baisse des prix ne suffit pas à rendre de l’attractivité à ces quartiers », précise-t-il.
Et dans l’agglomération ?
Les nouvelles infrastructures n’ont pas toujours eu les effets espérés. « Nous pensions que la ligne E du tram permettrait à des communes comme Saint-Egrève de résister à la baisse des prix. Cependant, dans l’ancien, les prix ont baissé de l’ordre de 3 %, à l’inverse des maisons individuelles. »
Des diminutions plus importantes sont même constatées dans certains espaces. « Les prix à Sassenage ont baissé de près de 8 %, tout comme à Gières. Meylan connaît aussi une baisse de l’ordre de 4 %, mais la ville a toujours eu des prix surévalués quant à la qualité constructive d’un certain nombre d’immeubles. »
Cette baisse des prix médians peut s’expliquer par l’achat de biens de faible surface par des individus investissant pour la première fois dans l’immobilier, des primo-accédants. « Le retour des primo-accédants a un effet sur cette baisse des prix. Beaucoup de gens achètent des appartements à des prix moins élevés. Par conséquent, la médiane des prix diminue », explique Gabriel Nallet. La situation reste globalement stable dans l’agglomération. « Le marché est sain car les acquéreurs ont le temps de la négociation. Ils ont le pouvoir. »
Le Nord-Isère se démarque par une forte attractivité
« Le secteur du Nord-Isère bénéficie toujours du caractère attractif de Lyon. Le phénomène est constant depuis cinq ans. Les prix dans les grandes villes augmentent, contrairement aux villes moins importantes dans lesquelles les prix stagnent ou diminuent. Grenoble n’échappe pas à la règle. Pour 2016, les prix à Lyon connaissent une hausse de 2,5 % », justifie-t-il.
En conséquence, Lyon devient de plus en plus difficile d’accès pour les populations, qui se rabattent alors sur le Nord de l’Isère. « C’est un espace de délestage pour de nombreux travailleurs de l’agglomération lyonnaise et c’est un marché plutôt compétitif en termes de prix », conclut-il.
Quelles conjonctures pour 2017 ?
Première problématique identifiée par Gabriel Nallet : l’influence du système bancaire anglo-saxon, notamment sur les recommandations du Comité de Bâle IV. Ce forum financier, qui édicte des règles prudentielles à l’intention des banques, subirait selon lui « un lobbying assez intense » de la part de certains organismes financiers. Leur discours ? « Les banques seraient, selon eux, trop sujettes à des risques systémiques », explique le notaire. Elles devraient donc avoir plus de fonds propres. Problème soulevé par Gabriel Nallet : elles auraient alors moins de capacité à délivrer des prêts.
Il faudrait par ailleurs, selon le Comité de Bâle qui craint que le risque de remontée des taux soit sous-estimé, systématiser le prêt à taux variables. « Seuls 0,6 % des prêts sont aujourd’hui accordés avec des taux variables en France, contre 90 % aux États-Unis. Si ces recommandations venaient à entrer en application, cela serait un tsunami pour le système de crédit français, s’inquiète le notaire, pour qui cela ne se justifie pas : « Le taux de défaillance des emprunteurs français est de 0,7 %, contre 7 % aux États-Unis. Le système bancaire français a des normes d’excellente qualité. Nous n’avons pas besoin de le révolutionner en systématisant les taux variables. »
Un « rééquilibrage des rapports entre bailleurs et locataires »
Autre difficulté à ses yeux : le manque de flexibilité des bailleurs dans la location pousse ces derniers vers des solutions moins contraignantes. « La baisse des prix s’accompagne d’une baisse globale de la rentabilité des investissements locatifs. Elle pose la question de la pertinence de l’investissement immobilier. Or il y a des taxes foncières élevées (deux mois de loyer à Grenoble) et des normes imposées aux bailleurs ultra-protectrices du locataire. Cela fait perdre de la mobilité à l’investissement locatif », observe Gabriel Nallet.
« Les bailleurs retrouvent de la mobilité et de la souplesse dans des phénomènes du type Airbnb. Ce marché locatif, vivier de logements pour les habitants, va en diminuant. Si on continue à rendre la location si complexe, nous allons finir par manquer de biens. Sans prôner un ultralibéralisme, il faut certainement réfléchir à un rééquilibrage des rapports entre bailleurs et locataires. »
« Il y a un besoin de ce parc locatif privé pour loger les habitants, il faut cesser de le dévoyer vers la location meublée ou le Airbnb à force de lois contraignantes. Aujourd’hui, il n’y a plus suffisamment de logements pour les habitants mais beaucoup pour les touristes », conclut-il.
Corentin Libert
Qu’en est-il de l’immobilier en montagne ?
Les stations de haute montagne s’en sortent plutôt bien. « Pour les deux stations principales de l’Oisans, on observe également une augmentation des volumes, une stabilisation des prix sur les deux Alpes et une hausse de plus de 6 % des prix sur l’Alpe d’Huez (commune la plus chère de l’Isère) résultant du fait que de nombreux programmes d’immobilier neuf et de réhabilitation ont été lancés depuis l’an dernier. L’immobilier neuf tire vers le haut les prix des appartements anciens », explique le notaire Marc Dubois.
« En Belledonne, le marché est relativement étale, à l’exception de Chamrousse qui profite d’une politique volontariste de la commune en matière de rénovation, au même titre que l’Alpe d’Huez », ajoute-t-il.
Une situation cependant différente en moyenne et basse montagne. « Dans le Vercors, notamment à Villard, pas d’augmentation des volumes, une baisse des prix de l’ordre de 5 %. Villard-de-Lans paie le manque de neige de ces dernières années », déplore Marc Dubois.
Par ailleurs, en montagne, les grandes surfaces sont très prisées par les investisseurs. « On observe un phénomène, dans l’immobilier de montagne, les prix au mètre carré des grandes surfaces sont supérieurs à ceux des petites surfaces, tout le contraire de ce que l’on peut trouver en ville », conclut Gabriel Nallet.