2666, de Julien Gosselin. © Simon Gosselin

2666, de Julien Gosselin : une expé­rience théâ­trale hors norme à la MC2

2666, de Julien Gosselin : une expé­rience théâ­trale hors norme à la MC2

FOCUS – Après Les Particules élé­men­taires, de Michel Houellebecq (à la MC2 en mars 2015), le jeune met­teur en scène Julien Gosselin s’attaque à une seconde somme roma­nesque : 2666, du roman­cier chi­lien Roberto Bolaño. Également à la MC2, on pourra voir les samedi 14 et dimanche 15 jan­vier cette incroyable adap­ta­tion scé­nique à l’i­mage du roman fleuve : onze heures trente de repré­sen­ta­tion, entractes com­pris ! Retour sur le pari fou d’un met­teur en scène porté aux nues par la critique.

La scénographie, impressionnante elle aussi, de 2666, de Julien Gosselin. © Simon Gosselin

La scé­no­gra­phie, impres­sion­nante elle aussi, de 2666, de Julien Gosselin. © Simon Gosselin

Les défis théâ­traux n’effraient pas la MC2. La pre­mière scène natio­nale de France a mon­tré, ces deux der­nières sai­sons, une appé­tence par­ti­cu­lière pour les longues durées. Récemment, La Volupté de l’Honneur, de Marie-José Malis a pro­vo­qué la fuite des spec­ta­teurs en salle. Sa durée – trois heures trente – n’était pour­tant pas en cause.

Ça ira (1) fin de Louis de Joël Pommerat (quatre heures trente) ou La Pincesse de Clèves, de Magali Montoya (sept heures) – deux pièces pro­gram­mées la sai­son der­nière – ont rem­porté un vif suc­cès en salle, en dépit de leurs durées hors normes. Pourquoi donc s’arrêter en si bon che­min ? La pièce 2666, de Julien Gosselin – pré­sen­tée samedi 14 et dimanche 15 jan­vier à la MC2 – affiche onze heures trente au comp­teur (entractes com­pris, tout de même). Qui n’a pas entendu par­ler du jeune phé­no­mène Julien Gosselin et de sa com­pa­gnie, Si vous pou­viez lécher mon cœur, a de quoi res­ter pan­tois devant un tel record !

Julien Gosselin : l’homme des défis

2666, somme romanesque avant de devenir théâtrale sous l'impulsion de Julien Gosselin. © Simon Gosselin

2666, somme roma­nesque avant de deve­nir théâ­trale sous l’im­pul­sion de Julien Gosselin. © Simon Gosselin

Difficile de ne pas recou­rir aux chiffres quand on parle de ce jeune met­teur en scène (29 ans), déjà consi­déré par la cri­tique comme la relève dans le domaine de l’écriture théâtrale.

Mille trois cents, c’est le nombre de pages que ren­ferme la somme lit­té­raire 2666, écrite par l’auteur chi­lien Roberto Bolaño (1953−2003).

Ce roman fleuve, paru de manière post­hume, a été envi­sagé par les com­men­ta­teurs – vision­naires ? – comme le grand roman monde du XXIe siècle. « Plus j’avançais dans la lec­ture, plus je me disais que c’était abso­lu­ment impos­sible à faire. Et plus c’était impos­sible, plus c’était exci­tant », explique Julien Gosselin. Qui n’en est pas à son coup d’essai en matière de somme roma­nesque inadap­table à la scène.

La MC2 accueillait déjà, en mars 2015, Les Particules élé­men­taires (trois heures cin­quante, une brou­tille), adap­tée du roman homo­nyme de Michel Houellebecq. La com­pa­gnie était alors par­ve­nue, à force de fougue, à trans­po­ser sur le pla­teau les fils roma­nesques de cet ouvrage à l’ambition proche de celle de l’auteur chi­lien : embras­ser le monde, dans ses mou­ve­ments les plus retors.

Un défi aussi pour le spectateur

2666, de Julien Gosselin. © Simon Gosselin

2666, de Julien Gosselin. © Simon Gosselin

Alors que Julien Gosselin tra­vaillait sa créa­tion à la FabricA d’Avignon, où la pièce serait mon­trée pour la pre­mière fois en juillet 2016, il dévoi­lait déjà son ambi­tion : « On tra­vaille à la manière de trans­po­ser les pro­ces­sus nar­ra­tifs, extrê­me­ment com­plexes, au théâtre. On essaie d’en faire une œuvre claire dont on peut suivre l’histoire. Et en même temps, on veut pro­po­ser au spec­ta­teur un défi dans son expé­rience de spec­ta­teur. » Si nous n’avons pas pu voir la pièce, les échos de sa récep­tion – plus qu’enthousiastes – nous sont for­cé­ment parvenus.

En cause, la démarche très nova­trice du jeune met­teur en scène et de sa com­pa­gnie, dont l’écriture théâ­trale s’abreuve de tous les lan­gages du temps. La vidéo – réa­li­sée et pro­je­tée en direct –, la musique live – ultra-pré­sente –, le sens du rythme et du récit qui n’a rien à envier aux séries les plus ambi­tieuses. Tout cela était déjà pré­sent dans la pré­cé­dente créa­tion et s’affirme avec plus de force encore, si l’on en croit la cri­tique et les retours una­nimes du public.

Une his­toire de la violence

Autre clé du suc­cès sans doute ? Le récit, arach­néen, que ren­ferme l’œuvre du Chilien, qui ten­tait, d’après Julien Gosselin, de répondre à une ques­tion de taille : « Est-ce que la lit­té­ra­ture est plus forte que la vio­lence ? »

2666, de Julien Gosselin. © Simon Gosselin

2666, de Julien Gosselin. © Simon Gosselin

2666 com­porte deux fils nar­ra­tifs cen­traux, dont on peut ima­gi­ner les échos loin­tains. D’un côté, une petite bande d’universitaires se met en quête d’un mys­té­rieux auteur alle­mand, né dans les années 1920, dont elle admire le talent. De l’autre, la ville fic­tion­nelle – mais très proche de la ter­rible Ciudad Juárez – de Sainta Teresa est le théâtre d’une série de meurtres de jeunes ouvrières. Là aussi, une enquête se met en branle. La vio­lence et la cruauté contem­po­raine de cette ville, à la fron­tière du Mexique et des États-Unis, ren­contre celle, pas­sée, de la Seconde Guerre mondiale.

« Je veux que 2666 soit pour le spec­ta­teur ce qu’il est pour le lec­teur, énorme, infini, jouis­sif, pénible par­fois. Je veux le conce­voir comme une expé­rience totale, une tra­ver­sée com­mune entre les acteurs et le public, en en gar­dant sa force et sa com­plexité. Il y aura entre dix et quinze inter­prètes au pla­teau qui seront, comme c’est tou­jours le cas dans notre tra­vail, tour à tour musi­ciens, per­for­mers, nar­ra­teurs quand il le fau­dra, ou per­son­nages. Je veux réunir tous les outils néces­saires à la ten­ta­tive de somme théâ­trale que nous fai­sons, dans la scé­no­gra­phie, dans la lumière, le son ou la vidéo », annon­çait Julien Gosselin dans sa note d’intention.

Le pari est-il réussi ? Nous le véri­fie­rons à la MC2 pen­dant l’une des longues – et gageons, intenses – jour­nées pen­dant les­quelles se jouera cette somme théâtrale.

Adèle Duminy

INFOS PRATIQUES

MC2 : Grenoble

2666, de Julien Gosselin

Samedi 14 jan­vier 11 heures
Dim 15 jan­vier 11 heures

Grand théâtre
Durée : onze heures trente(entractes compris)

Partie 1 : une heure trente
Entracte : une heure
Partie 2 : une heure dix
Entracte : trente minutes
Partie 3 : une heure qua­rante cinq
Entracte : une heure
Partie 4 : deux heures
Entracte : trente minutes
Partie 5 : une heure quarante

Tarif plein : 27 euros ; tarif réduit : 24 euros
Carte MC2 : 19 euros – carte MC2 + 13 euros
Dernière minute : carte MC2 + 9 euros

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