Une cinquantaine de postiers se sont rassemblés ce 8 décembre devant la direction de La Poste à Grenoble pour dénoncer la souffrance au travail des agents.

La Poste : les agents en grève mobi­li­sés contre la souf­france au travail

La Poste : les agents en grève mobi­li­sés contre la souf­france au travail

DÉCRYPTAGE – Plusieurs dizaines de pos­tiers de l’Isère se sont ras­sem­blés ce jeudi 8 décembre devant la direc­tion de la poste Grenoble Chavant à l’ap­pel de l’in­ter­syn­di­cale CGT, Sud-PTT et Unsa. Les agents appe­lés à une jour­née d’ac­tions et de grève sur tout le ter­ri­toire enten­daient pro­tes­ter contre les réor­ga­ni­sa­tions des ser­vices de La Poste, res­pon­sables, selon les syn­di­cats, d’une « grande souf­france au tra­vail » et de « condi­tions de tra­vail dégra­dées ».

Prise de parole au cours du rassemblement. © Joël Kermabon - Place Gre'net

Prise de parole au cours du ras­sem­ble­ment. © Joël Kermabon – Place Gre’net

Suite à un mot d’ordre de grève natio­nale lancé par l’in­ter­syn­di­cale CGT, Sud-PTT et Unsa, près d’une cin­quan­taine de sala­riés et de repré­sen­tants syn­di­caux de La Poste se sont ras­sem­blés, ce jeudi 8 décembre à 10 heures, devant le siège de la direc­tion dépar­te­men­tale de Grenoble Chavant. Les rai­sons de cette grève ?

Les pos­tiers s’in­quiètent des consé­quences de la réor­ga­ni­sa­tions des ser­vices et métiers de La Poste entraî­nant des sup­pres­sions de postes et de gui­chets, des burn out voire des sui­cides et sur­tout de la souf­france au travail.

Une situa­tion « à la France Télécom »

Afin de deve­nir le pre­mier opé­ra­teur de ser­vices à la per­sonne, La Poste s’est enga­gée dans un vaste pro­gramme de réor­ga­ni­sa­tions de ses dif­fé­rentes branches qu’elle mène à « marche for­cée » affirme l’in­ter­syn­di­cale. Une réforme qui s’ac­com­pagne d’une refonte des métiers des agents – notam­ment avec le pro­jet le pro­jet La Poste 2020 –, de sup­pres­sions d’emplois mas­sives, le tout géné­rant, selon les syn­di­cats, « une insé­cu­rité per­ma­nente ».

Enseigne de La Poste à Grenoble © Joël Kermabon - Place Gre'net

© Joël Kermabon – Place Gre’net

De quoi démul­ti­plier les situa­tions à risques psy­cho­so­ciaux, ce dont s’a­larment par ailleurs des experts indé­pen­dants des comi­tés d’hygiène, de sécu­rité et des condi­tions de tra­vail (CHSCT). Ces der­niers n’hé­sitent pas à évo­quer une situa­tion « à la France Télécom » tan­dis que Sud-PTT qui parle de « nau­frage annoncé » pré­cise qu’elle touche en prio­rité la branche ser­vices, cour­rier, colis. Sans pour autant mettre sous le tapis le malaise pla­nant dans les centres finan­ciers de la Banque Postale ou dans la branche « réseau ».

« Sur le réseau de la Banque Postale, les gens tombent comme des mouches avec des objec­tifs inte­nables. Résultat : le burn out ! », relate Isabelle Framinet, secré­taire dépar­te­men­tale Unsa Isère, Savoie et Haute-Savoie. Pour cette der­nière, il est plus que temps que les diri­geants de l’en­tre­prise prennent des dis­po­si­tions pour « amé­lio­rer les condi­tions de tra­vail en don­nant un coup d’ar­rêt aux réor­ga­ni­sa­tions et aux pres­sions com­mer­ciales et mana­gé­riales inces­santes ».

Un avis lar­ge­ment par­tagé par Isabelle Beddelem, délé­guée syn­di­cale Sud-PTT qui nous fait part, quant à elle, des dif­fi­cul­tés que ren­contrent les fac­teurs et fac­trices au quo­ti­dien dans leurs tournées.

Recrudescence de « pétages de plomb »

Répression syn­di­cale, des­truc­tions mas­sives d’emplois, fer­me­tures de bureaux, souf­france au tra­vail, baisse de la qua­lité de ser­vice… La liste que dresse François Marchive, délé­gué syn­di­cal Sud PTT Isère – Savoie pour dénon­cer les condi­tions de tra­vail à La Poste est sans com­plai­sance. « Nous sommes en pleine crise sociale dans l’en­tre­prise. Cela se tra­duit par un cer­tains nombres de réor­ga­ni­sa­tions qui pro­duisent un mal-être géné­ra­lisé », explique François Marchive.

De gauche à droite : François Marchive, Régis Blanchot et Nicolas Bouhdjar. © Joël Kermabon - Place Gre'net

De gauche à droite : François Marchive, Régis Blanchot et Nicolas Bouhdjar. © Joël Kermabon – Place Gre’net

Un mal-être concré­tisé, selon le syn­di­ca­liste, par la recru­des­cence des « pétages de plomb », des dépres­sions, des burn out, des acci­dents, des démissions…

Autant de drames humains pou­vant conduire les plus fra­giles d’entre-eux jus­qu’à la der­nière extré­mité.

« Sans par­ler de choses quo­ti­diennes, cela sur­vient beau­coup trop sou­vent ce qui, syn­di­ca­le­ment, nous pose pro­blème et sont lourdes à gérer », s’in­quiète-t-il encore.

« Il y a un élé­ment qui est criant, c’est le taux d’ab­sen­téisme pour mala­die qui est à plus de 6 %, alors que la moyenne fran­çaise est de 4,5 %. C’est un taux qui est anor­ma­le­ment élevé et qui démontre qu’il y a un véri­table malaise », explique, quant à lui, Régis Blanchot qui repré­sente Sud-PTT au Conseil d’ad­mi­nis­tra­tion de La Poste.

Pour Jean-Michel Lacoustille, secré­taire géné­ral CGT-FAPT la racine du pro­blème, c’est le manque d’effectifs.

Une négo­cia­tion natio­nale sur les métiers et les condi­tions de travail

Bien que ne remet­tant pas en cause la muta­tion en cours, La Poste n’est cepen­dant pas res­tée com­plè­te­ment insen­sible à ce malaise – par ailleurs lar­ge­ment relayé par les médias, ceci expli­quant peut-être cela. Elle a ainsi lancé, le 26 octobre, une négo­cia­tion natio­nale s’ap­puyant sur trois séances plé­nières sur les métiers et les condi­tions de tra­vail des fac­teurs et des enca­drants de la branche ser­vices, cour­rier et colis.

Une négo­cia­tion qui a très vite tourné court, puisque les syn­di­cats Sud-PTT, Unsa et CGT ont « cla­qué la porte » dès la deuxième séance, le 21 novembre. Quid des motifs ? Les orga­ni­sa­tions syn­di­cales dénoncent « une annonce faite dans la pré­ci­pi­ta­tion » consis­tant « en un exer­cice d’auto-satisfaction qui ne dit pas un mot de la crise sociale et sani­taire vécue par les agents ».

François Marchive revient sur cette volte-face syndicale.


Reportage Joël Kermabon

Le sou­tien des usagers

Les pos­tiers peuvent aussi comp­ter sur le sou­tien des usa­gers qui s’é­meuvent de voir petit à petit dis­pa­raître le der­nier maillon du lien social que repré­sentent les gui­chets ou les pré­po­sés au cour­rier. Un phé­no­mène qui frappe par­ti­cu­liè­re­ment les per­sonnes iso­lées, notam­ment dans les cam­pagnes. Denis, membre d’un col­lec­tif regrou­pant des citoyens, des syn­di­cats et des par­tis poli­tiques qui, en 2009, avait lutté contre la pri­va­ti­sa­tion de La Poste revient sur ces enjeux.

© Joël Kermabon - Place Gre'net

© Joël Kermabon – Place Gre’net

« La Poste fait le for­cing pour essayer de trans­for­mer les bureaux de poste en par­te­na­riats avec les muni­ci­pa­li­tés sous la forme d’a­gences pos­tales com­mu­nales ou avec des com­mer­çants. Nous essayons de mobi­li­ser les usa­gers pour leur expli­quer les consé­quences que tout cela va avoir sur le ser­vice public », explique-t-il. Et d’a­jou­ter, inquiet :« Sur les 17 000 points du réseau de La Poste que tota­li­sait la France il n’en sub­siste plus que 9 500 ! ». Des chiffres à rap­pro­cher des 7 000 postes à temps plein ou équi­valent qui se sont éva­po­rés en 2015.

Recrutement de 500 fac­teurs en CDI

Depuis la réunion plé­nière du 21 novembre déser­tée par la CGT, Sud-PTT et l’Unsa, La Poste est reve­nue devant les orga­ni­sa­tions syn­di­cales ce 7 décembre, soit la veille du mou­ve­ment social, avec une nou­velle ver­sion du pro­jet d’accord.

© Sud-PTT

© Sud-PTT

Une nou­velle mou­ture qui, l’en­tre­prise l’af­firme, « prend en compte de nom­breuses demandes expri­mées depuis la réunion plé­nière du 21 novembre et les dif­fé­rentes ren­contres conduites avec les syn­di­cats CGT, CFDT, FO, CFTC, CGC, Unsa ». Et d’an­non­cer, « en gage de sa déter­mi­na­tion », le recru­te­ment de 500 fac­teurs en CDI d’ici la fin 2016.

Au nombre des avan­cées de ce nou­veau pro­jet, « des com­ble­ments immé­diats de postes dans les éta­blis­se­ments qui en ont besoin » et une « méthode d’évaluation de la charge de tra­vail qui asso­cie davan­tage les fac­teurs ». Sur le plan finan­cier, c’est un inves­tis­se­ment « de 6 mil­lions d’euros qui sera consenti sur 1 000 opé­ra­tions de réno­va­tion des locaux professionnels ». 

Une for­ma­tion mana­gé­riale cen­trée sur la qua­lité de vie au travail

Quant à la pré­ven­tion des risques psy­cho­so­ciaux, il est prévu « un ren­for­ce­ment de l’en­ca­dre­ment de proxi­mité » ainsi qu’une for­ma­tion mana­gé­riale « cen­trée sur la qua­lité de vie au tra­vail ». Le tout cou­plé à « une éva­lua­tion des risques pro­fes­sion­nels qui donne une place accrue à l’évaluation des risques psy­cho­so­ciaux, et conduit à un plan d’action adapté dans chaque éta­blis­se­ment ».

© Joël Kermabon - Place Gre'net

© Joël Kermabon – Place Gre’net

Enfin, pour ce qui concerne l’é­vo­lu­tion pro­fes­sion­nelle, de nou­velles pos­si­bi­li­tés de car­rière seront crées notam­ment avec « des fonc­tions de fac­teurs poly­va­lents et de fac­teurs de ser­vices experts ».

Ou encore la « créa­tion d’une école du métier de fac­teur pour des par­cours adap­tés à chaque moment de la vie pro­fes­sion­nelle », pro­met l’en­tre­prise. Forte de ces bonnes réso­lu­tions, La Poste tente de réaf­fir­mer sa voca­tion de ser­vice public. « Les fac­teurs sont et res­te­ront les acteurs de proxi­mité et de confiance au contact de tous les fran­çais, par­tout sur le ter­ri­toire, tous les jours », conclut le communiqué.

Autant dire que ces pro­po­si­tions ont reçu, en ce matin de grève, un accueil plu­tôt mitigé de la part de l’in­ter­syn­di­cale qui n’en démord pas et réitère ses griefs. « Tout ça c’est sur l’or­ga­ni­sa­tion mais sur la souf­france des gens que dalle, l’hu­main on n’en parle pas ! »

Joël Kermabon

LA GRÈVE EN BREF

En Isère, la par­ti­ci­pa­tion au mou­ve­ment de grève a repré­senté 5,38 % des effec­tifs (chiffre à 16 heures). La dis­tri­bu­tion du cour­rier a été légè­re­ment per­tur­bée, prin­ci­pa­le­ment sur le sec­teur d’Échirolles, où cer­taines tour­nées n’ont pu être assurées.

Sur les 138 bureaux de poste isé­rois, les bureaux sui­vants étaient fer­més ce jeudi : Uriage, Gières, Grenoble Île Verte, Saint-Étienne-de-Crossey, Saint-Pierre-de-Chartreuse, Entre-Deux-Guiers, Tencin, Pont-Evêque et Septème.

Les boîtes aux lettres de rue, quant à elles, ont été nor­ma­le­ment relevées.

Joël Kermabon

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