REPORTAGE – Forte mobilisation des électeurs de droite, du centre et aussi de gauche, dans le centre-ville de Grenoble, pour ce premier tour de la primaire ouverte de la droite et du centre. Alors que les électeurs avaient le choix entre sept candidats, deux blocs ont eu tendance à se dégager : les « pour » et les « contre » Nicolas Sarkozy.
Ce dimanche 20 novembre, au bureau de vote installé dans l’école du Jardin de ville, les électeurs ont afflué à bonne cadence, pour participer au 1er tour de la primaire ouverte de la droite et du centre.
Pour tenir ce lieu de vote, l’un des 15 en place sur Grenoble, ils étaient six assesseurs, sept à certains moments de la journée. « Il fallait au moins cela, car il y a eu beaucoup d’électeurs. 500 votants ce matin et le rythme se maintient », constatait vers 15 heures Nathalie Béranger. La militante LR supervisait les opérations électorales du bureau de Jardin de ville, par ailleurs celui où Alain Carignon, ex-maire UMP de Grenoble, s’est rendu pour voter vers 16 h 45.
Sept candidats en lice pour ce premier tour, mais trois noms reviennent en boucle chez les électeurs interrogés : Nicolas Sarkozy, François Fillon, Alain Juppé. Soit le même trio gagnant que celui sur lequel parie Nathalie Béranger, par ailleurs conseillère municipale d’opposition à Grenoble et conseillère régionale LR. « Mais je ne me risquerais toutefois pas à me prononcer sur l’ordre d’arrivée ! », précisait-elle, prudente. Outre ce trio de tête possible, se dessinait encore plus nettement le clivage entre les « pour » et les « contre » Nicolas Sarkozy.
« Sarkozy, c’est le plus compétent »
La présidente du bureau de vote de l’école du Jardin de ville ne s’en cache pas. Nathalie Béranger a choisi Nicolas Sarkozy.
« Je me suis décidée assez tard, car tous vont dans la même direction, et heureusement d’ailleurs ! Mais Nicolas Sarkozy est un candidat de qualité, qui a de l’énergie et du courage. Il en faut en politique. Et puis, il est soutenu aussi par François Baroin, un homme politique que j’apprécie et, bien sûr, Laurent Wauquiez, président de la Région. »
Dans le camp de Nicolas Sarkozy, cette jeune active de 32 ans, habituée à voter à droite… Pour ce premier tour, elle a choisi sans hésiter : « Sarkozy, car c’est le plus compétent. Je n’ai surtout pas envie de Juppé. Je me demande qui va bien voter pour lui… car autour de moi j’ai beaucoup de connaissances qui votent soit Fillon, soit Sarkozy ».
Cette gestionnaire d’une caisse de retraite de 62 ans a aussi sans hésitation voté Nicolas Sarkozy : « pour son programme […] Le programme de Fillon est un peu plus hard. Il demande beaucoup de choses aux gens qui travaillent. »
« J’ai voté Sarkozy parce qu’il est accessible et sur le terrain, comme Eric Piolle »
Assis sur un banc, devant l’école, un électeur de la primaire ouverte s’est posé un instant pour « observer les gens qui viennent voter ». « Il y a du monde », remarque-t-il.
Ce patron de 54 ans, à la tête d’une brasserie grenobloise, a lui aussi voté Nicolas Sarkozy, car « il a fait des choses durant son mandat de président, comme les réductions des impôts, et supprimer les droits de successions… »
Il concède toutefois : « Ceci dit, j’ai trouvé Fillon assez bon vers la fin… Par contre, Juppé est très mauvais, c’est du Hollande à 200 % ». Le patron n’est tout de même pas tendre à l’égard des hommes politiques en général : « Ce qui est dommage, c’est que pour gagner des électeurs, ils disent pas mal de conneries… » De façon surprenante, le gérant ne vote pas toujours à droite. A Grenoble, il a même voté pour Eric Piolle, maire écologiste. « Je vote pour des personnalités. Et Piolle est accessible et sur le terrain, comme Sarkozy… »
« Fillon, c’est le moins pire… »
Un couple, la quarantaine bien tassée, est venu avec sa petite fille. Ils enfourchent tous trois leur vélo. Ils viennent de voter. Leur candidat ? « Fillon ! Par conviction et pour sa personnalité. Nous votons à droite d’habitude aussi… », répond vivement la dame. Son mari ajoute : « L’âge de Fillon a aussi été un argument. Juppé est trop âgé ! Cinq ans plus tôt, j’aurais peut-être hésité ! », lance-t-il, en riant.
Ce retraité de 65 ans est lui aussi venu en vélo jusqu’au bureau de vote. Cet ancien cadre dans le social est un électeur pour le moins singulier. Partisan du FN aux municipales, il déclare voter Fillon par affinité : « Je suis filloniste de longue date ».
Moins emballé par Fillon, ce couple de retraités âgés de 75 ans, qui « vote régulièrement à droite », a pourtant choisi l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy.
« C’est la première fois qu’on s’intéresse autant à la politique !, tient à préciser la dame. On a voté Fillon, parce ce que c’est le moins pire… On avait voté Sarkozy quand il a été élu président. Quant à Juppé, on ne le sent pas trop… Mais les débats de la primaire ne nous ont pas enthousiasmés. Est-ce qu’on est en train de suivre le même chemin que les USA ? » Et de lâcher le fond de sa pensée : « C’est Le Pen qui nous inquiète. Pas pour nous, mais pour les futures générations… »
Juppé et Fillon « pour faire barrage »
Ils sont enfin un certain nombre d’électeurs de gauche à s’être déplacés dans le but de faire barrage à Nicolas Sarkozy, ce dimanche. L’investissement de deux euros – tarif dont tout électeur a dû s’acquitter pour voter à la primaire – en vaut donc la chandelle ? A l’évidence oui. Pour eux, c’est tout sauf… Nicolas Sarkozy. Enfin, pas question non plus de voter à la légère. Le vote a même été plutôt mûrement réfléchi chez les électeurs de gauche…
Par exemple, cette électrice de gauche, 45 ans, s’est décidée pour François Fillon. Parce que « c’est celui qui me semble le plus cohérent, moins dans les affaires et qui dans les débats n’a pas fait d’erreur grossière », explique-t-elle.
N’a‑t-elle pas été gênée tout de même de signer la charte qui l’engage à « soutenir publiquement le candidat à la présidence de la République désigné à l’issue de la primaire et à prendre part à sa campagne » ? Aucunement apparemment… « Cette charte est juste de la manipulation. Alors, on la signe et puis voilà ! », lance-t-elle.
« Je suis venu pour voter contre Sarkozy » affirme pour sa part ce kiné de 36 ans bien décidé. « Je suis de gauche, tendance Martine Aubry », précise-t-il. A Grenoble, aux derniers élections ? Il a voté Eric Piolle. « J’ai choisi Fillon, parce qu’il est plus honnête que les autres… Mais ça fait mal de signer la charte », concède-t-il.
Pour ce couple de retraités et de gauche, c’est Alain Juppé le meilleur rempart contre Sarkozy. Un vote toutefois ambivalent qui frise l’adhésion… Tout au moins pour monsieur : « Oui, je pense que Juppé a les compétences intellectuelles et morales… Avec l’âge on devient moins sectaire », tente-t-il de justifier, sous le regard désapprobateur de son épouse.
« On ne veut pas revoir Sarkozy ! »
Même combat, ce dimanche, pour ce « couple mixte »… Elle est médecin. Lui est enseignant. Elle vote d’habitude à gauche « mais depuis un moment, le cœur n’y est plus », précise-t-elle. Quant à lui, il a voté à droite. Une fois n’est pas coutume, tous les deux seront en phase aujourd’hui. Ils ont choisi « Alain Juppé ». La raison ? « On ne veut pas revoir Sarkozy ! »
Séverine Cattiaux