REPORTAGE VIDÉO – Le Front national a annulé son rassemblement anti-migrants prévu ce vendredi 4 novembre. Ce qui n’a pas empêché le maintien d’une contre-manifestation organisée en riposte par leurs défenseurs. Plusieurs centaines d’étudiants, citoyens, militants et élus – tous solidaires avec les migrants – se sont ainsi réunis en fin de rassemblement devant la mairie de Saint-Martin‑d’Hères.
D’un côté, le parti du Front national hostile à l’accueil des migrants de Calais en Isère ; de l’autre, des militants antifascistes et antiracistes et le Parti communiste de Saint-Martin-d’Hères, pour qui accueillir les migrants est une évidence…
La rencontre frontale entre ces deux camps était annoncée, ce vendredi 4 novembre, pour 18 h 30, devant la mairie de Saint-Martin‑d’Hères. Mais le choc des opposants n’a pas eu lieu… Vers 17 heures, Jean-Loup, militant de Solidarités étudiant-e‑s, a fait circuler la nouvelle devant la bibliothèque universitaire du campus de Saint-Martin-d’Hères où les militants pro-migrants étaient massés : « Le FN a annulé et nous on est autorisés. »
L’annonce est confirmée quelques minutes plus tard au micro. Le Front national a fait savoir dans un communiqué qu’il annulait, en effet, son rassemblement « compte tenu de deux manifestations de l’ultragauche » et devant « le peu de garanties de sécurité pour [ses] militants ».
Retour en images sur ces événements :
Réalisation : Joël Kermabon
« On est tous humain, on a tous droit à l’éducation, à la santé, à un logement »
Le FN a donc jeté l’éponge. Ce qui n’était pas pour déplaire aux militants en faveur d’un accueil digne pour les migrants de Calais en Isère et, en l’occurrence, sur le campus universitaire de Saint-Martin-d’Hères… Les pro-migrants affichaient en outre des mines réjouies parce qu’ils étaient nombreux pour un vendredi en fin d’après-midi. « Alors qu’en plus notre contre-manif s’est organisée à l’arraché en quelques jours, pendant les vacances, au gré aussi des ordres et contre-ordres de la préfecture », indiquait une militante.
Le cortège de plusieurs centaines de militants décide donc, comme prévu, de se rendre devant la mairie de Saint-Martin-d’Hères. « Qu’il y ait une manif FN ou qu’elle soit annulée, c’est important de soutenir les migrants, de les accueillir au mieux sur le site du campus universitaire », déclare un chercheur du campus, résumant là le sentiment général des militants.
Des signes de franc soutien, les migrants de Calais et d’ailleurs n’en reçoivent, après tout, pas tous les jours. Quand ce n’est pas le contraire… Leur accueil suscite parfois de la peur, voire de la violence ou de la haine. A Saint-Hilaire-du-Rosier, des coups de feu ont ainsi été tirés, début octobre, sur les volets roulants et les fenêtres du lieu d’accueil prévu pour les accueillir.
Une étudiante dans la manif pousse ce cri d’indignation : « Je trouve que ce n’est pas normal que des gens fassent une manif [celle par exemple que le FN a annulée, ndlr] contre des gens qui fuient la guerre et la misère […] On est tous humain, on a tous droit à l’éducation, à la santé, à un logement. Il n’y a pas si longtemps, nos parents, grands-parents ont été concernés par les déplacements. »
« L’argumentaire du FN repose uniquement sur la peur des immigrés »
Dans le rassemblement solidaire avec les migrants de Calais, une kyrielle d’organisations de gauche et d’extrême gauche : les syndicats CGT, FSU, Solidarités étudiant-e‑s, Unef l’Union nationale lycéenne, les partis politiques Lutte ouvrière, le PCF, les Jeunes écologistes… et des associations comme Réseau de lutte contre le fascisme, Ras L’Front, La Patate chaude, Nuit debout Grenoble.
En dehors de quelques anarchistes, qui ne pourront s’empêcher de taguer des abris bus sur leur passage, le long cortège déambule tranquillement, en scandant quelques slogans anti-FN, quelque peu éculés, du type : « F comme Fasciste, N comme Nazi. A bas, A bas, le Front national ». Jean-Loup, militant à Solidaires étudiant-e‑s, pousse un peu plus loin l’analyse : « L’argumentaire du FN repose uniquement sur la peur des immigrés, qui seraient des terroristes… On ne peut pas laisser s’installer de telles idées […] Non, ce n’est pas aux réfugiés de payer ce que font les États. »
Sur la même longueur d’onde, ce senior adhérent de Lutte ouvrière poursuit : « Ce qui fait fuir les migrants ? Ce sont les politiques de guerre et de pillage de ces pays, et toutes les interventions d’Hollande… Moins d’une centaine de migrants de Calais à accueillir en Isère ! On ne peut pas parler d’envahissement ! On a accueilli dans notre pays les boats people, les pieds noirs… Ils étaient bien plus nombreux […] »
Pour cette bibliothécaire du campus, syndiquée à la FSU, le FN est à côté de la plaque : « Les discours racistes, haineux contre les migrants détournent des vraies questions sociales, économiques, de la nécessité de répartir les richesses. » Et de questionner : « Alors, les marchandises circulent librement à travers le monde, mais pas les gens ? »
« Nous allons rencontrer les migrants sur leur lieu de vie »
Sur le campus de Saint-Martin-d’Hères, les migrants de Calais sont installés dans la tour Arpège. 52 ne sont là que depuis jeudi 3 novembre, tandis que 25 sont arrivés la semaine dernière.
Lucie est étudiante et membre du Réseau éducation sans frontières. Le réseau, déjà très actif sur le campus pour aider les étudiants étrangers à régulariser leur situation, à suivre les cours, etc., va aussi apporter son soutien aux nouveaux arrivants. « Nous avons lundi à 17 heures une réunion à Eve pour voir comment on peut répondre aux besoins des migrants, notamment en cours de français, accès aux soins, etc. » Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues.
Dans la manifestation, il y a justement Patricia L’écolier, coprésidente de l’Association de parrainage républicain des demandeurs d’asile et de protection, qui défile au côté de Monique Vuaillat, du collectif Migrants en Isère. Celles-ci taclent d’abord le FN, qui a renoncé à sa manif – « un aveu de faiblesse » – et réaffirment leur ferme intention d’aider les nouveaux arrivants à s’intégrer ici : « Nous allons rencontrer les migrants sur leur lieu de vie et peut-être leur trouver des parrains ou marraines. »
« Il y a beaucoup d’humanisme partout en France »
Vers 18 heures, le défilé arrive à destination : la mairie de Saint-Martin-d’Hères. D’autres militants y sont déjà. Un aréopage d’élus est également sur place, arborant pour la plupart une écharpe tricolore. Parmi eux, le maire de Saint-Martin-d’Hères, David Queiros, ses conseillers et… de très nombreux conseillers de la Métropole grenobloise, ainsi que son président, Christophe Ferrari. Ils sortent tout juste d’un conseil métropolitain. « Nous sommes venus à l’appel lancé par le maire de Fontaine, Jean-Paul Trovero, en fin de conseil, pour venir soutenir le maire de Saint-Martin-d’Hères et les migrants », indique Hakim Sabri, conseiller métropolitain et adjoint à Grenoble.
Plusieurs prises de paroles se succèdent avant la dissipation de la foule. Notons l’intervention symbolique de Lise Dumasy, présidente de l’Université Grenoble-Alpes, où sont accueillis les migrants, et celle de l’infatigable Jo Briant, cofondateur du Centre d’information inter peuples. Il ponctuera avec ces quelques mots : « Nous devons accueillir les migrants d’aujourd’hui, comme nous devons lutter pour la régularisation des sans-papiers et de tous les migrants qui sont en France depuis trois, quatre ans, voire plus. »
Considérant le nombre de personnes qui se sont déplacées en solidarité avec les migrants, un militant de Ras l’Front commente : « L’extrême droite fait beaucoup de bruit, mais on n’est pas du tout surpris qu’ils aient annulé… Et en réalité, sur le terrain, il y a beaucoup d’humanisme, partout en France. »
Séverine Cattiaux et Joël Kermabon