FOCUS – Environ 250 policiers et sympathisants se sont rassemblés devant le palais de justice de Grenoble ce mercredi 26 octobre avant de se rendre en cortège place de Verdun. Une « marche de la colère policière et citoyenne », indépendante de tout mot d’ordre syndical, à laquelle les policiers avaient convié la population. Au nombre des revendications : l’affectation de moyens supplémentaires, la révision des règles régissant la légitime défense et des peines plus sévères à l’encontre des délinquants.
En tête du cortège qui s’ébranle devant le palais de justice de Grenoble – le lieu n’a pas été choisi au hasard –, des véhicules de police, tous gyrophares allumés. Un peu plus loin, suivent près de 250 personnes dont une majorité de policiers en tenue ou en civil mais reconnaissables à leurs brassards fluo réglementaires, débarrassés pour l’occasion de leur numéro de matricule.
Outre l’appel aux citoyens à venir les soutenir, les policiers de la base, initiateurs de cette « marche de la colère policière et citoyenne », ont également convié d’autres corps de métiers proches du leur à les rejoindre : policiers municipaux, sapeurs-pompiers, gendarmes, gardiens de prison… Si quelques-uns sont présents dans la manifestation, ils sont en civil car aucun de ces uniformes n’est visible dans les rangs des participants.
Les syndicats débordés par leur base
Depuis le 8 octobre, date à laquelle quatre fonctionnaires de police ont été attaqués au moyen de cocktails Molotov à Viry-Châtillon, dans l’Essonne, la fronde initiée par les policiers en colère ne faiblit pas. Initialement encadrés par les syndicats, qui ont vite été débordés par leur base, des rassemblements spontanés se sont multipliés depuis près de deux semaines un peu partout en France.
Aucune banderole ou pancarte revendicative donc, dans cette manifestation silencieuse exprimant le colère policière. Si celle-ci est soutenue par des syndicats, ces derniers restent sur une prudente réserve.
La marche est en tout cas une manière de remettre la pression puisque le chef de l’État qui recevait les syndicats de police, ce mercredi 26 octobre à 18 heures, devait annoncer un ensemble de mesures à l’issue de la réunion (cf. encadré).
De fait, le mouvement serait soutenu par 91 % des Français, selon un sondage commandé par le site Atlantico… même si le nombre de « citoyens lambda », très peu représentés lors de cette marche, contraste fortement avec ce chiffre impressionnant. Pourtant, les policiers l’affirment, ils souhaitent ardemment leur soutien. « Il faut qu’ils sachent dans quelles conditions nous travaillons et qu’ils comprennent que tout ce qu’ils subissent c’est parce que nous ne pouvons pas travailler correctement », explique un représentant de l’ordre.
« La population augmente, les faits augmentent mais les effectifs diminuent ! »
« Cela fait vingt-et-un ans que je suis à Grenoble. La situation a commencé à se dégrader quand nous sommes devenus l’enjeu de politiques à des fins électorales, où la police est devenu un objet de statistiques. Ajoutez à cela la baisse des effectifs. Nous avons perdu 120 fonctionnaires de police à Grenoble en vingt ans ! », explique le porte-parole des policiers.
C’est là que le bât blesse, selon le fonctionnaire. « La population augmente, les faits augmentent mais notre effectif, lui, il diminue ! », déplore-t-il, avant d’ajouter : « Nous ne pouvons pas agir, nous ne pouvons que réagir ponctuellement. »
Ce que craint le policier ? Le phénomène de mimétisme, voire une forme de surenchère bravache qui pourrait s’installer dans les quartiers dits sensibles, qualifiés de « zones de non droit ». « Il ne faut pas croire qu’à Grenoble il ne pourrait pas se passer les mêmes choses qu’à Viry-Chatillon. Nous pourrions voir des collègues blessés de la même façon », s’inquiète-t-il.
Des collègues qui n’ont pas peur, selon le fonctionnaire, mais à la condition « de pouvoir aller au combat et non pas en étant dans l’inaction de la surveillance d’une caméra ». Et de terminer sur un constat amer : « Nous n’agissons plus depuis bien des années. »
Et au-delà des constats ?
Au-delà des constats, que demandent les policiers ? Entre autres revendications, l’allègement de leur charge de travail. « Nous aimerions que les procédures soient allégées, de manière à avoir du temps pour se consacrer au cœur de ce qui fait notre métier, l’investigation », expose notamment une policière.
Et pour ne pas avoir l’impression de remplir le tonneau des Danaïdes, « il faudrait également que les peines prononcées soient plus lourdes, de manière à ce qu’elles puissent impacter la récidive », ajoute-t-elle.
Autre point d’achoppement, les gardes statiques, mangeuses de ressources qui pourraient être mieux utilisées, et devraient, quant à elles, être confiées à des sociétés de sécurité privées, estime la fonctionnaire de police.
« Ce que nous attendons ce sont des avancées significatives. Des promesses, nous en avons eues beaucoup. Nous attendons aujourd’hui que des moyens soient affectés à nos collègues de terrain, de manière à ce qu’ils ne soient plus aussi exposés et qu’ils aient les moyens de se défendre », plaide la jeune femme. Notamment en cause, la modification de la loi sur la légitime défense des policiers que ces derniers jugent trop restrictive.
Le cortège s’est disloqué, sous une pluie battante, devant la préfecture de l’Isère où, après avoir entonné la Marseillaise, les policiers ont reçu quelques mots d’apaisement de la part d’Alexander Grimaud, le directeur de cabinet du préfet. « Vos difficultés sont connues et on y veille au quotidien », leur a‑t-il assuré.
Joël Kermabon
UNE ENVELOPPE DE 250 MILLIONS D’EUROS
Le gouvernement a annoncé, ce mercredi 26 octobre, à l’issue d’une réunion entre François Hollande et les syndicats de police à l’Élysée, un train de mesures destinées à améliorer leurs moyens matériels et, plus largement, à la satisfaction de leurs principales revendications.
C’est ainsi que l’exécutif a annoncé, « dans l’exacte conscience de l’urgence », le déblocage de 250 millions d’euros.
Une somme qui sera affectée en partie à la livraison de 21 700 gilets pare-balles, de 4 700 boucliers balistiques capables d’arrêter les munitions des Kalachnikov et 440 fusils G36.
Une autre part de l’enveloppe permettra la réfection des locaux des commissariats de police et de gendarmerie ainsi que le renouvellement du parc automobile, avec la livraison de 3 080 nouveaux véhicules en 2017.
Des avancées sur le plan juridique
Sur le plan juridique, les ministres de l’Intérieur et de la Justice vont s’atteler aux « conditions d’évolution de la légitime défense » afin de faire des propositions au Parlement d’ici la fin du mois de novembre 2016. Ont également été annoncés l’alignement des peines pour outrages aux forces de l’ordre avec celles des magistrats ainsi que le renforcement de la protection de l’anonymat des policiers. Exit également les gardes statiques devant les bâtiments. Les policiers en seront désormais débarrassés, a promis le gouvernement.
En revanche, les policiers sont restés sur leur faim concernant leur demande de « réponse pénale adaptée » puisqu’elle n’a pas été abordée alors même qu’ils n’ont eu de cesse au cours de leur mobilisation de dénoncer « le laxisme de la justice ».