“Marche de la colère poli­cière et citoyenne” à Grenoble : et maintenant ?

“Marche de la colère poli­cière et citoyenne” à Grenoble : et maintenant ?

FOCUS – Environ 250 poli­ciers et sym­pa­thi­sants se sont ras­sem­blés devant le palais de jus­tice de Grenoble ce mer­credi 26 octobre avant de se rendre en cor­tège place de Verdun. Une « marche de la colère poli­cière et citoyenne », indé­pen­dante de tout mot d’ordre syn­di­cal, à laquelle les poli­ciers avaient convié la popu­la­tion. Au nombre des reven­di­ca­tions : l’af­fec­ta­tion de moyens sup­plé­men­taires, la révi­sion des règles régis­sant la légi­time défense et des peines plus sévères à l’en­contre des délinquants.

Manifestation de policiers grenoblois. 26 Octobre 2016. © Yuliya Ruzhechka - Place Gre'Net

Manifestation de poli­ciers gre­no­blois, le 26 octobre 2016. © Yuliya Ruzhechka – Place Gre’net

En tête du cor­tège qui s’é­branle devant le palais de jus­tice de Grenoble – le lieu n’a pas été choisi au hasard –, des véhi­cules de police, tous gyro­phares allu­més. Un peu plus loin, suivent près de 250 per­sonnes dont une majo­rité de poli­ciers en tenue ou en civil mais recon­nais­sables à leurs bras­sards fluo régle­men­taires, débar­ras­sés pour l’oc­ca­sion de leur numéro de matricule.

Outre l’ap­pel aux citoyens à venir les sou­te­nir, les poli­ciers de la base, ini­tia­teurs de cette « marche de la colère poli­cière et citoyenne », ont éga­le­ment convié d’autres corps de métiers proches du leur à les rejoindre : poli­ciers muni­ci­paux, sapeurs-pom­piers, gen­darmes, gar­diens de pri­son… Si quelques-uns sont pré­sents dans la mani­fes­ta­tion, ils sont en civil car aucun de ces uni­formes n’est visible dans les rangs des participants.

Les syn­di­cats débor­dés par leur base

Depuis le 8 octobre, date à laquelle quatre fonc­tion­naires de police ont été atta­qués au moyen de cock­tails Molotov à Viry-Châtillon, dans l’Essonne, la fronde ini­tiée par les poli­ciers en colère ne fai­blit pas. Initialement enca­drés par les syn­di­cats, qui ont vite été débor­dés par leur base, des ras­sem­ble­ments spon­ta­nés se sont mul­ti­pliés depuis près de deux semaines un peu par­tout en France.

Les policiers ont manifesté une nouvelle fois leur mécontentement ce 26 octobre à Grenoble au cours d'une « marche de la colère policière et citoyenne ». © Yuliya Ruzhechka - Place Gre'Net

Rencontre avec une patrouille de Vigie pirate. © Yuliya Ruzhechka – Place Gre’net

Aucune ban­de­role ou pan­carte reven­di­ca­tive donc, dans cette mani­fes­ta­tion silen­cieuse expri­mant le colère poli­cière. Si celle-ci est sou­te­nue par des syn­di­cats, ces der­niers res­tent sur une pru­dente réserve.

La marche est en tout cas une manière de remettre la pres­sion puisque le chef de l’État qui rece­vait les syn­di­cats de police, ce mer­credi 26 octobre à 18 heures, devait annon­cer un ensemble de mesures à l’is­sue de la réunion (cf. encadré).

De fait, le mou­ve­ment serait sou­tenu par 91 % des Français, selon un son­dage com­mandé par le site Atlantico… même si le nombre de « citoyens lambda », très peu repré­sen­tés lors de cette marche, contraste for­te­ment avec ce chiffre impres­sion­nant. Pourtant, les poli­ciers l’af­firment, ils sou­haitent ardem­ment leur sou­tien. « Il faut qu’ils sachent dans quelles condi­tions nous tra­vaillons et qu’ils com­prennent que tout ce qu’ils subissent c’est parce que nous ne pou­vons pas tra­vailler cor­rec­te­ment », explique un repré­sen­tant de l’ordre.

« La popu­la­tion aug­mente, les faits aug­mentent mais les effec­tifs diminuent ! »

« Cela fait vingt-et-un ans que je suis à Grenoble. La situa­tion a com­mencé à se dégra­der quand nous sommes deve­nus l’en­jeu de poli­tiques à des fins élec­to­rales, où la police est devenu un objet de sta­tis­tiques. Ajoutez à cela la baisse des effec­tifs. Nous avons perdu 120 fonc­tion­naires de police à Grenoble en vingt ans ! », explique le porte-parole des policiers.

C’est là que le bât blesse, selon le fonc­tion­naire. « La popu­la­tion aug­mente, les faits aug­mentent mais notre effec­tif, lui, il dimi­nue ! », déplore-t-il, avant d’a­jou­ter : « Nous ne pou­vons pas agir, nous ne pou­vons que réagir ponctuellement. »

Les policiers ont manifesté une nouvelle fois leur mécontentement ce 26 octobre à Grenoble au cours d'une « marche de la colère policière et citoyenne »© Yuliya Ruzhechka - Place Gre'Net

Grenoble a perdu 120 poli­ciers en vingt ans. © Yuliya Ruzhechka – Place Gre’net

Ce que craint le poli­cier ? Le phé­no­mène de mimé­tisme, voire une forme de sur­en­chère bra­vache qui pour­rait s’ins­tal­ler dans les quar­tiers dits sen­sibles, qua­li­fiés de « zones de non droit ». « Il ne faut pas croire qu’à Grenoble il ne pour­rait pas se pas­ser les mêmes choses qu’à Viry-Chatillon. Nous pour­rions voir des col­lègues bles­sés de la même façon », s’inquiète-t-il.

Des col­lègues qui n’ont pas peur, selon le fonc­tion­naire, mais à la condi­tion « de pou­voir aller au com­bat et non pas en étant dans l’i­nac­tion de la sur­veillance d’une caméra ». Et de ter­mi­ner sur un constat amer : « Nous n’a­gis­sons plus depuis bien des années. »

Et au-delà des constats ?

Manifestation de policiers grenoblois. 26 Octobre 2016. © Yuliya Ruzhechka - Place Gre'Net

Manifestation de poli­ciers gre­no­blois, le 26 octobre 2016. © Yuliya Ruzhechka – Place Gre’net

Au-delà des constats, que demandent les poli­ciers ? Entre autres reven­di­ca­tions, l’al­lè­ge­ment de leur charge de tra­vail. « Nous aime­rions que les pro­cé­dures soient allé­gées, de manière à avoir du temps pour se consa­crer au cœur de ce qui fait notre métier, l’in­ves­ti­ga­tion », expose notam­ment une policière.

Et pour ne pas avoir l’im­pres­sion de rem­plir le ton­neau des Danaïdes, « il fau­drait éga­le­ment que les peines pro­non­cées soient plus lourdes, de manière à ce qu’elles puissent impac­ter la réci­dive », ajoute-t-elle.

Autre point d’a­chop­pe­ment, les gardes sta­tiques, man­geuses de res­sources qui pour­raient être mieux uti­li­sées, et devraient, quant à elles, être confiées à des socié­tés de sécu­rité pri­vées, estime la fonc­tion­naire de police.

Manifestation de policiers grenoblois. 26 Octobre 2016. © Yuliya Ruzhechka - Place Gre'Net

Manifestation de poli­ciers gre­no­blois. 26 Octobre 2016. © Yuliya Ruzhechka – Place Gre’Net

« Ce que nous atten­dons ce sont des avan­cées signi­fi­ca­tives. Des pro­messes, nous en avons eues beau­coup. Nous atten­dons aujourd’­hui que des moyens soient affec­tés à nos col­lègues de ter­rain, de manière à ce qu’ils ne soient plus aussi expo­sés et qu’ils aient les moyens de se défendre », plaide la jeune femme. Notamment en cause, la modi­fi­ca­tion de la loi sur la légi­time défense des poli­ciers que ces der­niers jugent trop restrictive.

Le cor­tège s’est dis­lo­qué, sous une pluie bat­tante, devant la pré­fec­ture de l’Isère où, après avoir entonné la Marseillaise, les poli­ciers ont reçu quelques mots d’a­pai­se­ment de la part d’Alexander Grimaud, le direc­teur de cabi­net du pré­fet. « Vos dif­fi­cul­tés sont connues et on y veille au quo­ti­dien », leur a‑t-il assuré.

Joël Kermabon

UNE ENVELOPPE DE 250 MILLIONS D’EUROS

Le gou­ver­ne­ment a annoncé, ce mer­credi 26 octobre, à l’issue d’une réunion entre François Hollande et les syn­di­cats de police à l’Élysée, un train de mesures des­ti­nées à amé­lio­rer leurs moyens maté­riels et, plus lar­ge­ment, à la satis­fac­tion de leurs prin­ci­pales revendications.

Manifestation de policiers grenoblois. 26 Octobre 2016. © Yuliya Ruzhechka - Place Gre'Net

Manifestation de poli­ciers gre­no­blois. 26 Octobre 2016. © Yuliya Ruzhechka – Place Gre’net

C’est ainsi que l’exé­cu­tif a annoncé, « dans l’exacte conscience de l’ur­gence », le déblo­cage de 250 mil­lions d’euros.

Une somme qui sera affec­tée en par­tie à la livrai­son de 21 700 gilets pare-balles, de 4 700 bou­cliers balis­tiques capables d’ar­rê­ter les muni­tions des Kalachnikov et 440 fusils G36.

Une autre part de l’en­ve­loppe per­met­tra la réfec­tion des locaux des com­mis­sa­riats de police et de gen­dar­me­rie ainsi que le renou­vel­le­ment du parc auto­mo­bile, avec la livrai­son de 3 080 nou­veaux véhi­cules en 2017.

Des avan­cées sur le plan juridique

Sur le plan juri­dique, les ministres de l’Intérieur et de la Justice vont s’at­te­ler aux « condi­tions d’évolution de la légi­time défense » afin de faire des pro­po­si­tions au Parlement d’ici la fin du mois de novembre 2016. Ont éga­le­ment été annon­cés l’a­li­gne­ment des peines pour outrages aux forces de l’ordre avec celles des magis­trats ainsi que le ren­for­ce­ment de la pro­tec­tion de l’a­no­ny­mat des poli­ciers. Exit éga­le­ment les gardes sta­tiques devant les bâti­ments. Les poli­ciers en seront désor­mais débar­ras­sés, a pro­mis le gouvernement.

En revanche, les poli­ciers sont res­tés sur leur faim concer­nant leur demande de « réponse pénale adap­tée » puis­qu’elle n’a pas été abor­dée alors même qu’ils n’ont eu de cesse au cours de leur mobi­li­sa­tion de dénon­cer « le laxisme de la jus­tice ».

Joël Kermabon

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