Jacques Wiart : “Nous sommes sereins sur le recours contre la tari­fi­ca­tion du stationnement”

Jacques Wiart : “Nous sommes sereins sur le recours contre la tari­fi­ca­tion du stationnement”

TROIS QUESTIONS A – Le dis­po­si­tif de tari­fi­ca­tion dif­fé­ren­ciée du sta­tion­ne­ment résident à Grenoble, sur la base du quo­tient fami­lial, est-il légal ? Après le recours déposé par l’opposition socia­liste, Jacques Wiart, adjoint délé­gué aux dépla­ce­ments, se dit serein. Et dit vou­loir reprendre la concer­ta­tion, quar­tier par quar­tier, là où la ville l’a lais­sée… main­te­nant que la déli­bé­ra­tion a été votée. Sauf que rien ne dit aujourd’hui que le dis­po­si­tif expé­ri­menté à Grenoble a un quel­conque fon­de­ment juri­dique. La balle est dans le camp du juge…

Marie-Josée Salat, qui conteste la léga­lité de la dif­fé­ren­cia­tion des tarifs du sta­tion­ne­ment résident en fonc­tion du quo­tient fami­lial, a déposé un recours devant le tri­bu­nal admi­nis­tra­tif. La conseillère muni­ci­pale d’opposition PS à la ville de Grenoble consi­dère qu’en intro­dui­sant des tarifs dif­fé­ren­ciés, il y a là une entrave au prin­cipe d’égalité d’accès devant le ser­vice public. Sur quelle base légale se fonde votre mesure ?

Jacques Wiart, adjoint délégué aux déplacements, se dit serein sur la question de la légalité de la tarification.

Jacques Wiart, adjoint délé­gué aux dépla­ce­ments, se dit serein sur la ques­tion de la léga­lité de la tari­fi­ca­tion. © Séverine Cattiaux

Les ser­vices juri­diques de la Ville nous ont confirmé que le sta­tion­ne­ment sur la voie publique est un ser­vice public admi­nis­tra­tif et qu’il était pos­sible de pré­voir une tari­fi­ca­tion sociale en fonc­tion des reve­nus (voir encadré).

Mme Salat a déposé un recours, ce sera au juge de tran­cher mais nous sommes sereins. On est dans la léga­lité des textes.

La Ville parle de concer­ta­tion mais elle semble avoir été menée a minima avant le vote de la déli­bé­ra­tion, le 20 juin dernier…

Il y a un sac de nœuds autour de tout ça. Dans l’engagement n° 49 est bel et bien prévu le prin­cipe de la concer­ta­tion mais pour nous, la déli­bé­ra­tion du 20 juin n’est pas le point final à l’engagement n° 49.

Nouvelle tarification des stationnements à Grenoble.

© Séverine Cattiaux

Il y a eu un début de dia­logue avec les habi­tants. Discuter quar­tier par quar­tier, c’est ce qu’on avait com­mencé à faire avec le quar­tier Île verte, avec Saint-Bruno ou les Eaux-Claires.

On avait engagé des diag­nos­tics avec les habi­tants. Avec le vote de la déli­bé­ra­tion, on a convenu de sus­pendre les travaux.

Au nord des grands bou­le­vards, pas­ser en payant est le seul levier effi­cace pour dimi­nuer la pres­sion de sta­tion­ne­ment dans ce sec­teur très dense. Mais on ne pren­dra jamais la déci­sion de pas­ser en payant sans un pro­ces­sus de concer­ta­tion des habitants.

Le vote lui même a porté sur les orien­ta­tions de la nou­velle poli­tique de sta­tion­ne­ment et sur les choix de tari­fi­ca­tion. La concer­ta­tion doit inter­ve­nir main­te­nant à l’échelle des quartiers.

C’est là où il y a eu, dans l’interprétation de l’engagement 49, une dif­fé­rence d’appréciation entre le Cluq et la ville. Tout reste à faire. On n’est peut-être qu’au tiers du chemin.

Comment qua­li­fier ce dis­po­si­tif ? D’environnemental et de social ? Si le sta­tion­ne­ment coûte plus cher, le risque est aussi que les rési­dents uti­lisent leur voi­ture pour se rendre, et se garer, sur leur lieu de tra­vail où ils ne paie­ront pas. Et com­ment par­ler de mesures sociales quand 40 % des rési­dents paie­ront peut-être moins, mais 60 % plus… Quand avoir une deuxième voi­ture, qui n’est pas for­cé­ment l’apanage des foyers aisés, se paiera au prix fort (40 euros par mois) ?

Jacques Wiart, lors du débat contradictoire télévisé, organisé mardi 4 octobre 2016, dans les salons de l’hôtel de Ville de Grenoble. © Séverine Cattiaux – Place Gre’net

Jacques Wiart, adjoint en charge des dépla­ce­ments à la ville de Grenoble. © Séverine Cattiaux – Place Gre’net

Sur le plan envi­ron­ne­men­tal, on a sou­haité sou­la­ger la Ville de la pres­sion du sta­tion­ne­ment sur la voirie.

Pour cela, il faut un signal prix pour que les usa­gers réflé­chissent et puissent éven­tuel­le­ment évo­luer dans leurs comportements.

On a arrêté cette mesure mais, avec le temps, on sou­haite pou­voir éva­luer l’efficacité réelle de cette politique.

Que ce soit en termes de libé­ra­tion de l’espace public ou que ce soit sur cet effet per­vers du report des sta­tion­ne­ments. Mais selon nous, le risque est faible car, hon­nê­te­ment, uti­li­ser sa voi­ture est très coû­teux et les alter­na­tives en termes de trans­port de com­mun ou de vélo dans l’agglomération sont beau­coup moins chères.

Et, pour nous, le signal prix doit être modulé selon les capa­ci­tés contri­bu­tives des ménages. Selon les don­nées col­lec­tées depuis juillet, 40 % des usa­gers paient moins, 10 % n’ont pas vu leurs tarifs bais­ser (ils sont res­tés à 12 euros) et 50 % ont vu leurs tarifs aug­men­ter, jusqu’à 30 euros. Ainsi, 30 % des usa­gers paient 30 euros*, même s’il fau­dra là aussi attendre les semaines, les mois à venir pour s’en faire une idée plus juste.

Quant au deuxième ticket [pour la seconde voi­ture, ndlr], à 40 euros quels que soient les reve­nus, c’est d’après les pre­miers retours un cas rela­ti­ve­ment rare. On n’a vendu que 300 tickets à 40 euros sur plus de 7 000 tickets. Mais on n’a pas encore l’information détaillée par revenu et par tranche. Dans les mois à venir, on sera en capa­cité d’y voir plus clair et de véri­fier la jus­tesse de notre poli­tique. Voire d’a­jus­ter les tarifs.

Quelle solu­tion pour les rési­dents s’il n’y a pas assez de places qui leur sont réser­vées dans les par­kings en ouvrage ?

Ce quota de places réser­vées aux rési­dents a déjà été aug­menté à une ou deux reprises selon les par­kings. Dans les diag­nos­tics par quar­tier, je me réserve avec mes col­lègues élus la pos­si­bi­lité d’aller négo­cier des solu­tions avec la Métro (qui pilote les par­kings en ouvrage). Le par­king du musée comme celui de Lafayette est très uti­lisé, en semaine comme en soi­rée et, là, on n’a pas de marge pour les rési­dents. Celui de l’hôtel de ville, sous le stade en fait, est par contre sous-uti­lisé, comme le par­king Catane pour­tant à proxi­mité des zones d’habitations.

Propos recueillis par Patricia Cerinsek

* Le tarif de 30 euros par mois s’applique pour une famille de deux parents et deux enfants, au-delà d’un revenu de 3 600 euros par mois. Soit 360 euros par an pour une voi­ture. Avec deux voi­tures, la fac­ture se monte à 840 euros.

DERRIÈRE LA TARIFICATION SOCIALE DU STATIONNEMENT, L’ADES

Vincent Comparat devant le local de l'Ades. © Loïc Blache - placegrenet.fr

Vincent Comparat. © Loïc Blache

Derrière la tari­fi­ca­tion dif­fé­ren­ciée du sta­tion­ne­ment, sur la base du quo­tient fami­lial, il y a l’Ades. C’est sur l’expertise juri­dique de l’Association démo­cra­tie, éco­lo­gie et soli­da­rité que s’est fon­dée la ville de Grenoble pour expé­ri­men­ter sa tari­fi­ca­tion sociale.

Légale ? Pas légale ? En fait, tout dépend par ce que l’on entend par « sta­tion­ne­ment ». Un ser­vice public obli­ga­toire, comme le défend Marie-Josée Salat ? Si c’est le cas, rien dans le code géné­ral des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales ne pré­voit de tari­fi­ca­tion sociale.

Un ser­vice public facul­ta­tif, comme le sou­tient Vincent Comparat ? Là, la juris­pru­dence du Conseil d’État auto­ri­se­rait à mettre en place la tari­fi­ca­tion sociale en fonc­tion du quo­tient familial.

« En quoi, le sta­tion­ne­ment est-il obli­ga­toire ? L’éducation est un ser­vice public obli­ga­toire », sou­ligne le pré­sident de l’Ades, qui s’é­tonne ouver­te­ment du recours déposé par l’op­po­si­tion socia­liste sur l’as­pect social de la tari­fi­ca­tion et non sur les aug­men­ta­tions de tarifs. « Mais quelqu’un qui a une voi­ture n’est pas obligé de se garer sur une place payante. Il peut aller dans un par­king en ouvrage, ou avoir lui-même un garage. »

Un ser­vice public qui se tra­duit par une rede­vance d’occupation du domaine public. « Or, d’a­près le légis­la­teur, le mon­tant de la rede­vance dépend de ce que le résident en retire », rap­pelle Romain Rambaud, pro­fes­seur de droit public à Grenoble. Et non donc des revenus…

Le groupe d’analyse métro­po­li­tain ne dit pas autre chose. « La modu­la­tion de la tari­fi­ca­tion du sta­tion­ne­ment en fonc­tion de tout cri­tère ne peut se faire que sur la base d’une dif­fé­rence de consom­ma­tion. La juris­pru­dence inter­dit la modu­la­tion du ticket résident en fonc­tion des reve­nus, donc du quo­tient fami­lial car c’est contraire au prin­cipe selon lequel la rede­vance per­çue doit être l’exacte contre­par­tie de la pres­ta­tion ren­due », relève le Gam qui y voit, comme Marie-Josée Salat, une rup­ture du prin­cipe d’égalité devant le ser­vice public.

Patricia Cerinsek

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