DÉCRYPTAGE – La “campagne électorale” des 26 porteurs de projet pour cette deuxième édition du budget participatif de Grenoble a démarré. Il va falloir convaincre, expliquer et séduire les habitants qui sont appelés à voter du 10 au 15 octobre prochains. Enjeu : 800 000 euros à se partager entre les sept lauréats.
Du 10 au 15 octobre, les Grenoblois (âgés de 16 ans ou plus) vont pouvoir voter pour des projets d’habitants, dans le cadre du budget participatif qui revient pour la deuxième édition. Oui, mais comment se décider ? Entre « les jardins partagés pour tous » à l’Abbaye, « le café associatif » pour l’Aiguillage, « des chaises dans les rues piétonnes », « un lieu artistique à de Bonne », le projet d’un « multisport nocturne » à la Villeneuve… les projets sont divers et intéressants. La compétition s’annonce donc serrée.
D’autant que les projets sont au nombre de vingt-six cette année, soit sept de plus que l’année dernière. Or les habitants devront en sélectionner “seulement” sept sur leur bulletin de vote, dont deux gros* parmi les six en compétition et cinq petits parmi les vingt en lice. Envie de faire un choix éclairé, ou simplement curieux d’en savoir plus ? Il suffit de venir rencontrer les porteurs de projets, lors du passage de la « caravane des projets ».
26 projets, tous réalisables
Plusieurs dates sont prévues dans la tournée de la caravane**. Autant d’occasions pour les porteurs de projet de séduire les habitants en direct. Ce qui ne les empêche pas d’entreprendre par ailleurs tout type d’actions virtuelles, notamment sur les réseaux sociaux en vue d’accroître leur capital sympathie. Les 26 candidats disposent par ailleurs de prospectus et d’affiches décrivant leur projet, que la Ville leur a fournis.
Ce samedi 17 septembre, quartier des Eaux Claires, les porteurs de projet présents (tous ne sont pas venus) prennent le micro, les uns après les autres, et décrivent en quelques mots leur initiative, avec une certaine aisance dans la prise de parole. Il faut dire que les candidats ont eu plus d’une occasion pour peaufiner leur présentation.
Tous ont, d’une part, franchi l’étape de la Ruche aux projets, où 95 ont été épluchés au total. Entre temps, les porteurs de projet ont rencontré les services de la Ville pour échanger sur les éléments techniques et évaluer leurs coûts. Les 26 retenus sont donc tous réalisables.
Des projets très écolo-compatibles
Il est frappant de constater que bon nombre de projets sont complètement en phase avec la politique de l’équipe municipale en place.
Mise en place de vélobus, expérimentation de toilettes sèches avec un coin à langer pour bébé, installation de pigeonniers contraceptifs (alternative au gazage actuel des pigeons pour en limiter le nombre), mise en place de boîtes à livres dans Grenoble, végétalisation et transformation de l’esplanade Farcy en « lieu de convivialité », « revalorisation » du lac de la Villeneuve, projet de « verger promenade », agrandissement d’un atelier de réparation de vélos…
Autant de projets qui auraient pu être réalisés dans le cadre des compétences de la Ville durant le mandat d’Eric Piolle, en dehors même du budget participatif.
« Des projets qui ne rentrent pas dans les radars de l’administration »
Certes, mais la Ville a d’autres priorités, une programmation déjà bien fournie, et un budget très tendu comme chacun sait… Eric Piolle, maire de Grenoble, ne disait pas autre chose à l’occasion de la conférence de presse du 16 septembre dernier portant sur la semaine de vote consacrée au budget participatif et à la votation citoyenne (lire l’encadré).
« Le budget participatif est l’un des outils qui permet de redonner du pouvoir d’agir aux habitants […] Les projets des habitants ne rentrent pas dans les radars classiques de l’administration […] Ce sont des projets plus proches des besoins des habitants, de leurs envies. »
Sûr que les porteurs de projet sont particulièrement motivés. A l’instar de Djazia qui caresse l’idée de l’aménagement d’un « verger promenade ». Mais pas seule, avec Christophe et tout un collectif d’habitants qui ont mûri l’idée. Ce verger se situerait en bordure du quartier Teisseire. « Nous avons monté ce collectif pour être prêts si le projet se fait. » A la fin de sa présentation, samedi 17 septembre, quartier des Eaux Claires (première escale de la caravane des projets), Djazia ponctuait avec emphase : « Pour le respect de l’arbre, de la vie, votez pour le verger promenade ! »
« J’ai entendu dire que certains se mobilisaient activement ! »
Samedi 17 septembre, lors du premier rendez-vous de la caravane des projets, Pascal Clouaire, adjoint à la démocratie locale, est venu encourager les porteurs de projet de cette deuxième édition du budget participatif.
Et les a incités à parler le plus possible autour d’eux de leur projet. Tout en jouant la carte de l’émulation si ce n’est de la compétition : « J’ai entendu dire que certains se mobilisaient activement ! »
Il est vrai que des porteurs de projet emploient les grands moyens. Certains ont envoyé un communiqué de presse à toute une liste de journalistes. D’autres ont lancé un appel sur les réseaux sociaux.
L’organisation est également un facteur clé de succès, comme disent les experts en création d’entreprise. Les membres de l’équipe du projet « L’Atelier » se sont ainsi répartis les rôles. Jean-Marc, l’inventeur à l’origine du projet, se concentre sur l’aspect technique et opérationnel. Christelle s’occupe de la coordination. Et c’est Pierre-Louis qui se charge de la “com”.
C’est donc lui qui prend la parole, lors des interventions en public, aux rendez-vous de la caravane des projets. « Si vous n’êtes pas un manuel, que vous cherchez à réparer quelque chose… vous savez à qui vous adresser : c’est à l’Atelier qu’il faut venir ! N’oubliez pas de voter […] Nous sommes le plus petit des gros projets. Si vous votez pour nous, il y aura plus de petits projets sélectionnés », lance-t-il pour conclure son exposé, avec un brin d’humour.
Des projets qui peuvent « rapporter gros »
Eric est membre du collectif Les Mouettes. Il défend le projet « jardins partagés pour tous » dans le quartier de l’Abbaye. Comme Pierre-Louis, il sait trouver les mots pour donner envie de soutenir son projet. « Des jardins, c’est banal, mais ils ont été portés par des habitants vraiment modestes. On les a réfléchis. Ils seront vraiment utiles. » Coût de l’aménagement de ces jardins ? 95 000 euros.
Un peu plus tard, Eric confie : « On trouve que c’est un peu élevé, comme d’ailleurs le budget chiffré pour de nombreux autres projets. Les habitants seraient prêts à participer à la création de ce jardin pour faire baisser le coût ! » Mais pour l’heure, le « pouvoir d’agir » des habitants ne peut encore aller jusque là…
Changement de décor avec Jean-Eric. Celui-ci est venu avec tout un matériel, un ordinateur et une espèce de capteur, pour expliquer son projet.
Le procédé a l’air un peu compliqué. Mais le but est simplissime : « repérer les fuites énergétiques dans les bâtiments ». Et oui, encore un projet très écolo-compatible !
Il commente en aparté : « Ah ! J’ai oublié de dire que ce projet n’est pas cher [15 000 euros, ndlr] et que ça peut rapporter gros ! »
Séverine Cattiaux
* Un projet est dans la catégorie « gros projet » quand son coût a été évalué à plus de 100 000 euros. Les petits projets sont inférieurs à 100 000 euros. Les trois projets les plus coûteux ont été chiffrés à 400 000 euros, respectivement pour « transformer la place de Metz en un lieu de vie convivial et apaisé », « revaloriser le lac de la Villeneuve » et créer un « skatepark et une forêt comestible ».
** Les dates et les lieux de passage de la caravane des projets :
• dimanche 25 septembre, 14 heures devant la Maison des habitants Bajatière ;
• jeudi 29 septembre, 20 h 40 à La Bifurk ;
• Samedi 8 octobre, 16 heures, parc Jean Verlhac (repli à la MDH Le Patio en cas de pluie) ;
• Lundi 10 octobre, 18 heures, Adiij, 16 boulevard Agutte Sembat (vernissage).
Une semaine pour voter… pour le budget participatif et la votation citoyenne
Tirant les enseignements de la première édition (un peu moins de 1 000 personnes ont voté lors du premier budget participatif), la Ville de Grenoble a dopé le dispositif de la deuxième édition. Les habitants vont voter, non pas sur un jour, mais pendant toute une semaine du 10 au 15 octobre prochains. Pas uniquement à l’hôtel de ville mais, en plus, pendant la semaine, dans les MDH et à l’Adiij et le samedi dans les bibliothèques Kateb Yacine et Centre-ville. Enfin, les habitants pourront voter « pour « ou « contre » le sujet de la première votation citoyenne cette même semaine, dans les mêmes lieux de vote.