FOCUS – Depuis plusieurs années, deux galeries associatives grenobloises mettent à l’honneur des talents régionaux avec un seul credo : donner une visibilité à des artistes peu ou pas connus. Dans cette démarche « militante », Alter-Art exposait « Gestes, trames et paradigmes » du peintre Olivier Fouchard jusqu’au 23 juillet, tandis que l’atelier-galerie Losange présente les travaux de ses élèves jusqu’à fin juillet.
C’est dans le quartier Championnet que l’artiste Virginia Alfonso a installé son atelier-galerie Losange en 1998. « Je voulais que cet espace soit un lieu ouvert où les gens se sentent à l’aise pour pouvoir faire des découvertes », confie Virginia, totalement habitée par l’art.
« Dès que j’ai pu tenir un crayon, je l’ai utilisé. À chaque anniversaire, chaque fête, je recevais des crayons de couleur. C’est l’histoire de l’œuf et de la poule. Comme j’avais des crayons, je dessinais et comme je dessinais, j’avais des crayons. C’était une façon de m’exprimer, de contrer des peurs, des angoisses, de les extérioriser. »
Après avoir fait les Beaux-Arts et obtenu une thèse en art plastique à l’université de La Plata (Buenos Aires), cette Argentine s’installe à Grenoble fin 1989, où elle enseigne les arts plastiques dans différentes écoles de l’agglomération.
De l’informatique à… Alter-Art
Pas de formation artistique en revanche pour Gérard Vandôme, président du conseil d’administration de l’association Alter-Art créée en 2009. Collectionneur d’art singulier (hors-les-normes), cet ancien informaticien n’en demeure pas moins un passionné : « Alter-Art est une occupation de retraité », s’amuse-t-il.
Propriétaire d’un local rue Saint-Laurent depuis de nombreuses années, Gérard Vandôme y a vu « une façon de l’utiliser afin d’offrir un lieu aux artistes qui ont beaucoup de mal à exposer quand ils ne sont pas connus ».
Cet espace, entièrement géré par des bénévoles, n’est pas une galerie professionnelle au sens commercial du terme. Car Alter-Art est une association loi 1901 qui ne perçoit pas de subventions et fonctionne avec un budget annuel compris entre 3 000 et 4 000 euros.
Seules rentrées d’argent : les adhésions de ses membres, une participation des artistes qui exposent et la vente de cartes postales. Les ventes d’œuvres sont d’ailleurs effectuées directement entre l’acheteur et l’artiste, l’association ne prenant pas de commission.
Soutenir les artistes régionaux : un acte militant ?
Exposer des artistes peu ou pas connus est le credo de Losange et Alter-Art. Ces deux galeries associatives se revendiquent comme « d’humbles tremplins » pour les artistes.
« Le monde de l’art est un monde assez fermé », reconnaît Gérard Vandôme. Que ce soit dans les centres d’art nationaux, les galeries municipales ou les galeries privées, exposer relève du parcours du combattant.
Et d’ajouter : « Entre le moment où les artistes produisent quelque chose qu’ils veulent montrer et celui où ils sont reconnus, c’est souvent une période très dure. » D’où l’intérêt d’avoir une galerie associative populaire : « On a des habitués mais on a aussi des gens du quartier qui viennent en passant et qui n’iraient peut-être pas au musée. »
Soutenir les artistes régionaux serait-il un acte militant ? En tout cas, « ça ne peut pas leur faire de mal », plaisante Gérard Vandôme, qui trouve par ailleurs toujours enrichissant de découvrir le travail d’un artiste et de le présenter au public.
Virginia Alfonso, elle, est plus affirmative : « Il faut soutenir les artistes, c’est très dur de vivre de notre travail […] Ici, il n’y a pas de but commercial. Le but c’est que le public les découvre et qu’ils entrent en contact. »
Peinture, sculpture, photographie, installations… si toutes les formes d’art sont représentées, il existe néanmoins une constante chez Virginia : partager « ses coups de foudre avec le public ». Déterminer si les artistes sont prêts et supporter des critiques parfois très négatives fait partie du jeu. « Exposer pour la première fois est une mise à nu », précise-t-elle. Tous les mois, différents artistes, qui exposent bien souvent pour la première ou deuxième fois, transitent ainsi par Losange.
Pour Gérard Vandôme, la sélection se fait en conseil d’administration, avec une seule règle : « Équilibrer différents types d’exposition. » Dessin, peinture, photo, sculpture… « Nous devons garder la diversité des techniques et des propositions. »
« Il faut que l’art circule… »
Qu’en est-il de la concurrence ? Il n’y en a pas, pense Virginia Alfonso : « Il faut que l’art circule […] Plus il y a de galeries, mieux c’est. De toute façon, il y en a pour tous les goûts. » Gérard Vandôme décrit, quant à lui, un travail « vraiment très complémentaire » avec les autres galeries et les musées.
En témoignent les expositions qui sont parfois organisées conjointement. Comme « L’extérieur ? L’intérieur ? » de l’artiste Hui Zheng, montée en partenariat avec la galerie Losange en février dernier. Ou encore « Dans l’atelier » de François Calvat, coorganisée avec la galerie associative voironnaise Place à l’art en novembre 2015.
« On est très content quand on a fait découvrir des artistes et qu’ils arrivent à se faire connaître », se réjouit Gérard Vandôme. Et de citer Éric Demelis et Théodore Mann qui vivent désormais de leurs travaux.
Alter-Art accueillait le peintre et cinéaste Olivier Fouchard avec son exposition « Gestes, trames et paradigmes » jusqu’au 23 juillet dernier. Un travail sur le geste et la répétition pour cet artiste natif de la région et encore méconnu.
Losange, quant à elle, a proposé tout le mois de juillet « L’expo des élèves » de son atelier. Bien que fermant en août, la galerie maintiendra l’exposition jusqu’à début septembre pour que les futurs élèves puissent en profiter.
Alexandra Moullec
LOSANGE, UN ATELIER-GALERIE OUVERT À TOUS
Que ce soit par la sculpture, la peinture ou la photographie, les ateliers que propose Virginia Alfonso sont conçus pour aider les élèves à « donner le meilleur d’eux-mêmes et [à] trouver la technique la plus appropriée pour réaliser leurs travaux ».
Débutants ou confirmés, des élèves de tous niveaux sont accueillis. Ils travaillent dans un espace qui propose des expositions différentes chaque mois.
« Cela permet de démystifier l’art, sourit la galeriste. Ils prennent ainsi conscience qu’ils peuvent, eux aussi, réaliser des œuvres abouties » Et d’ajouter : « Ils ont ce potentiel en eux. Ils ont juste besoin que quelqu’un les guide pour le faire sortir… »
Certains élèves parviennent à vendre des œuvres : « Lorsqu’un visiteur décide d’acheter une pièce, c’est à chaque fois un moment extraordinaire. Cela donne immédiatement de la valeur au travail de l’artiste », s’enthousiasme Virginia.
ALTER-ART HORS LES MURS
Alter-Art organise avec l’association Esperluette Écrit & Art, installée à Virieu, l’exposition « Des images et des mots » au château de l’Arthaudière à Saint-Bonnet-de-Chavagne jusqu’au 31 juillet. Objectif : associer l’écriture et les créations plastiques.
Par ailleurs, elle sera présente lors de la Biennale Saint-Laurent les 17 et 18 septembre prochains qui se déroulera dans le cadre des Journées du patrimoine. Une trentaine d’artistes exposeront dans des appartements et boutiques du quartier ouverts au public pour l’occasion.