REPORTAGE MULTIMÉDIA – Des opposants au plan d’économies annoncé par l’équipe municipale d’Eric Piolle ont perturbé le conseil municipal lundi 11 juillet, avant de rapidement l’investir, faisant fuir la quasi-totalité des élus. But de la manœuvre ? Dissuader le maire de mettre en œuvre ses mesures d’austérité, comme la fermeture de bibliothèques… Vers 21 heures, celui-ci a fait déclarer l’annulation du conseil municipal.
« Voyez comme on va vite, à Grenoble ! On fait de la démocratie directe à présent ! », fait mine d’en rire un élu écologiste, venu jeter un œil dans la salle du conseil municipal… Ce soir, les élus ont dû céder leur place sous la pression des manifestants, rentrés de force dans l’enceinte du conseil municipal. « C’est la deuxième fois que cela se produit. La première fois, c’étaient les salariés de GEG », note une bibliothécaire syndicaliste.
Lundi 11 juillet, s’est tenu le dernier conseil municipal avant la trêve estivale et vraisemblablement l’un des plus chauds de l’année, au sens propre comme au figuré. La cause de cette « mini révolution » ? Le « plan d’économies », annoncé sans préavis aux Grenoblois le 9 juin dernier, qui a vraiment beaucoup de mal à passer auprès d’un certain nombre d’habitants et de fonctionnaires de la Ville. Un plan d’austérité qui touche notamment le service de santé scolaire, des maisons des habitants et le réseau des bibliothèques. Celle de Prémol pourrait ainsi fermer définitivement ses portes le 15 juillet.
Retour en images.
Reportage : Joël Kermabon.
Invasion du conseil municipal en trois actes
Trois cents manifestants se sont retrouvés devant l’Hôtel de Ville sur le coup de 17 h 30, ce lundi, à l’appel des syndicats FO, CGT, Sud, de collectifs d’habitants, d’unions de quartier, de Nuit debout, ou bien encore du parti politique NPA.
Objectif : se faire entendre, clamer leur hostilité farouche contre ce plan d’austérité et demander un moratoire… Les collectifs d’habitants, ainsi que l’intersyndicale de la Ville ont tout d’abord demandé et obtenu une audience, avant le démarrage du conseil, pour exprimer leurs revendications et livrer au maire les signatures recueillies suite aux pétitions lancées contre le plan d’austérité et, notamment, les fermetures de bibliothèques.
Deuxième acte du happening : des manifestants se sont introduits dans la partie du conseil municipal destinée au « public » et ont commencé à jouer leur partition.
En clair, perturber le conseil en tapant des pieds, en sifflant ou en criant des petites phrases peu tendres à l’encontre des élus : « La vraie commune, pas la fausse commune / Tous pourris, tous corrompus / Pour l’austérité, Piolle-Valls, même combat / La mairie expulse, expulsons la mairie… »
Les prises de parole étant inaudibles, les élus se sont peu à peu éclipsés du conseil. Certains représentants de la majorité ont tenté en vain de raisonner la petite dizaine de perturbateurs.
Vers 19 h 30, troisième acte du happening : les manifestants restés à l’extérieur du conseil – non sans faire un maximum de raffut de leur côté – ont forcé, sans rencontrer de résistance, les portes du conseil municipal. Ils se sont alors assis en lieu et place des élus, continuant à taper des points sur les tables, et scandant des slogans… « De droite, de gauche, des écolos, l’austérité on la combat ! »
« La plupart des personnes ici ont voté pour nous »
À la clé, des scènes surréalistes dans cette salle de conseil municipal débordante de manifestants… Les uns annotent les étiquettes des élus posées sur les tables et en font des pyramides.
Des partisans de Nuit debout discutent avec Matthieu Chamussy, président du groupe d’opposition Les Républicains – UDI – Société civile. Un syndicaliste FO tente d’accélérer les choses. « On ne va pas rester toute la nuit ici, il faut demander l’annulation du conseil municipal », propose-t-il.
« La plupart des personnes ici ont voté pour nous », observe quant à lui un élu de la majorité. Il comprend leur colère mais ajoute : « Il suffit de les prendre un par un pour leur expliquer pourquoi nous devons faire ce plan. Nous devons faire preuve de pédagogie. »
Ce n’est pas de pédagogie dont semble pourtant avoir besoin les personnes mobilisées, ce soir, dans la salle, mais d’un dialogue avec le maire. Encore que… « Les conditions du dialogue ne sont pas réunies, certains ne veulent pas discuter, ils ne partiront pas tant que le plan de sauvegarde ne sera pas annulé. Or le plan ne peut être annulé ! », commente un proche du maire, discutant avec quelques manifestants.
D’intervention du maire, il n’y aura point. Eric Piolle ne reviendra pas devant les manifestants. C’est le directeur général des services qui viendra annoncer la suspension du conseil municipal. Dans un communiqué transmis à la presse dans la nuit, le maire de Grenoble fait savoir : « Je suis prêt à entendre les revendications de l’intersyndicale et des Grenoblois, pour autant, je condamne fermement la violence déployée et l’entrave au bon fonctionnement démocratique de notre assemblée. »
« C’était un vrai moment citoyen… »
Pour Julia, manifestante et présidente de l’association Les 2 A (Alliés Alpins), l’opération de ce soir est une réussite. Elle est venue en particulier pour défendre la bibliothèque Alliance. Elle qui voulait comprendre les motivations de cette « non-concertation » repart avec un début d’explication, formulée par un proche du maire : « Nous aurions mis les quartiers en concurrence ? C’étaient aux élus de prendre ces décisions. » La citoyenne grenobloise n’en démord pas : « Il y a cent autres solutions possibles plutôt que de fermer une bibliothèque. Donnez-nous les éléments et on pourra y réfléchir avec les élus et les agents. »
Jean-Philippe est, lui aussi, satisfait de la soirée. « C’était un vrai moment citoyen. Les parents, comme moi, étaient là jusqu’au bout, portés, certes, par des manifestants plus professionnels. »
Lui aussi est venu à cause de la fermeture des bibliothèques : « Le périscolaire payant selon le quotient familial [l’une des mesures du plan, ndlr] cela ne me choque pas. Mais la fermeture des bibliothèques ? Cela n’a aucun sens… Tout le monde peut comprendre qu’on ferme deux hôpitaux pour en construire un plus grand et plus neuf. Mais ça ne marche pas pour les bibliothèques ! » Et d’espérer que l’exécutif grenoblois puisse changer d’avis à l’issue de ce conseil municipal particulièrement « extraordinaire ».
Témoignage de Céline Cénatiempo, présidente de l’union de quartier Village Olympique-Vigny Musset, présente ce lundi et qui appelle à une manifestation devant la bibliothèque Prémol mercredi 13 juillet.
Photos © Yuliya Ruzhechka – placegrenet.fr
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Séverine Cattiaux, Yuliya Ruzhechka et Joël Kermabon