ENTRETIEN - Le marché de la fête des Tuiles attribué à l’association Fusées est-il illégal ? Le projet Cœur de ville-Cœur de métropole pas conforme ? La hausse des tarifs du stationnement, illégale aussi ? Le rachat du siège du Crédit agricole douteux ? C'est ce qu'avance le groupe d’analyse métropolitain (Gam) qui, depuis 2013, se penche sur les décisions et comptes des collectivités locales. Et alerte. Pour ce groupe informel d’une vingtaine de citoyens grenoblois, qui entend promouvoir une gestion saine et transparente des collectivités, celle de la ville de Grenoble pose question.
Ils sont juriste, retraité, médecin, avocat, ouvrier, artisan, ingénieur, fonctionnaire aussi… Depuis l’été 2013, une vingtaine de citoyens regroupés de manière informelle au sein du groupe d’analyse métropolitain (Gam) se penche sur les décisions et documents officiels des collectivités de l’agglomération grenobloise et épluche les comptes.
Leurs analyses, publiées sur leur compte Facebook, sont publiques. A charge pour la classe politique ou la société civile de s’en emparer. Car le Gam ne saisit pas les tribunaux. Mais alerte. La majorité municipale, les oppositions, le préfet, le parquet, la chambre régionale des comptes.
Sur le modèle du think-thank Terra Nova, le Gam affiche son objectif : promouvoir une gestion saine et transparente des collectivités en regroupant des citoyens de tous bords, droite, gauche, centre. Des militants aussi, mais qui ne militent pas au sein du groupe. Et, surtout, pas d’élus.
Apolitique ? Non partisan ? Depuis deux ans, le Gam est devenu le poil à gratter de la majorité municipale grenobloise. « Parce que c’est elle qui est aux manettes, et parce que c’est critiquable », se défend son porte-parole Pascal Clérotte. Ce citoyen grenoblois, ex-militant*, consultant en intelligence concurrentielle pour un cabinet de conseil américain et expert en opérations et sécurité pour la Commission européenne, ne mâche pas ses mots : « La ville de Grenoble est gérée n’importe comment. »
Le groupe d’analyse métropolitain s’est constitué de manière informelle, à l’été 2013, autour d’un groupe de citoyens. Quel est son objectif ?
Le but est de rendre compréhensibles des décisions qui, en général, ont des justifications très techniques, comme tout ce qui relève des marchés publics, de la gestion budgétaire des villes. Le Gam fait des analyses qui sont accessibles à tout le monde, sans se substituer à ce qui existe déjà. Toutes nos notes sont publiées sur Facebook, c’est notre seul moyen de publication.
On fait un travail de citoyen, dans l’exercice du droit de gouvernance et de contrôle. On dit ce qui ne va pas et on se base uniquement sur des faits établis de manière irréfutable.
Quand on ne sait pas, on pose des questions, comme pour le rachat du siège de la caisse régionale du Crédit agricole** ou la fête des Tuiles***. On ne fait pas de procès d’intention.
Et nous ne déferrons pas. Nous estimons que les recours sont du rôle de l’opposition ou de la société civile. Contrairement à l’Ades [association démocratie, écologie, solidarité, ndlr], nous ne sommes pas des militants, ni des justiciers. On n’est pas Avrillier ni Comparat. Et nous ne sommes pas non plus un nouveau collectif grenoblois. On s’arrête à de l’analyse factuelle : vous avez pris telle décision, pourquoi ? Vous avez fait ça, c’est illégal…
On veut juste relever le niveau du débat. Les campagnes électorales, c’est une chose. Quand vous êtes élus, il faut gérer. On n’est pas en campagne permanente. Nous ne travaillons pas contre les élus. Nous ne travaillons pas non plus pour les élus. Nous contribuons au débat.
Vous travaillez donc uniquement sur la base de documents officiels ?
On analyse les décisions prises dans les collectivités, que ce soit les communes ou la Métro. On se base donc sur des délibérations ou des arrêtés, sur des documents officiels publics. On nous donne parfois des informations confidentielles que l’on ne publie pas.
Les élus sont informés. On n’est pas partisan. Quand on fait une note, elle part généralement à la majorité comme à l’opposition, exception faite du Front national. On transmet aux partis que nous considérons comme républicains. Pour débattre et se combattre, il faut être dans la même arène et donc partager les mêmes principes.
Il y a la gestion des collectivités d’un côté, le débat politique de l’autre. Le Gam n’a pas à se substituer aux élus. Le débat politique, c’est aux élus de le mener. S’ils ne le mènent pas, c’est aux électeurs de les tenir responsables.
Ce n’est pas une question de droite ou de gauche. S’ils ont des idées différentes, on se rend compte que les élus ont les mêmes comportements. Une fois en place, ils refusent de rendre compte, ils ne connaissent pas les dossiers… L’argent public, ils en font un peu n’importe quoi. Sans parler du clientélisme.
Il n’y a pas de bonne démocratie, pas de bonne gestion d’une ville sans une bonne opposition. Il ne s’agit pas de faire de l’opposition frontale à tout le monde mais d’agir sur l’environnement pour faire changer les comportements. C’est pour cela que la manœuvre politique de la saisine de la CRC par les parlementaires est légitime.
On peut la critiquer, c’est une manœuvre politique, mais elle est parfaitement honnête et pas dissimulée, pour le coup.
Vous vous dites non partisan mais vous avez interpellé le maire de Grenoble à de nombreuses reprises : sur le dispositif d’interpellation et de votation citoyennes, sur la nouvelle grille de tarifs du stationnement, sur les conditions du rachat du siège du Crédit agricole*, sur la fête des Tuiles**… Vous avez aussi lancé une première pétition sur le projet Cœur de ville-Cœur de métropole, puis une seconde pour réclamer un audit des comptes de la ville… Faut-il y voir un “acharnement” ?
Non ! Simplement, c’est Eric Piolle qui est aux commandes ! Et on critique parce que c’est critiquable. On s’occupe aussi de Saint-Martin-d’Hères, Fontaine, Pont-de-Claix… Mais ces collectivités sont beaucoup moins importantes que Grenoble et, surtout, il y a beaucoup moins de battage médiatique. Il n’y a pas ce rouleau compresseur de la communication. Et n’oublions pas que Grenoble est la seule ville de l’agglomération qui risque la mise sous tutelle…
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