Manifestation contre la loi de travail, 28 Avril 2016. © Yuliya Ruzhechka - Place Gre'Net

Cache-cache entre la police et les mani­fes­tants dans les rues de Grenoble

Cache-cache entre la police et les mani­fes­tants dans les rues de Grenoble

REPORTAGE – Ce jeudi 28 avril était annoncé comme une grande jour­née de ras­sem­ble­ment contre la loi El Khomri. À l’ordre du jour : grève géné­rale et mani­fes­ta­tion à l’ap­pel des syn­di­cats et du mou­ve­ment Nuit debout Grenoble. La marche s’est dérou­lée dans une ambiance ten­due, mar­quée par quelques confron­ta­tions entre mani­fes­tants et forces de l’ordre. Retour sur cette jour­née de mobilisation.

Nuit Debout, la manifestation contre la loi de travail, 28 Avril 2016. © Yuliya Ruzhechka - Place Gre'Net

Nuit debout, la mani­fes­ta­tion contre la loi de tra­vail, 28 Avril 2016. © Yuliya Ruzhechka – Place Gre’Net

Les sym­pa­thi­sants du mou­ve­ment Nuit debout Grenoble s’é­taient donné ren­dez-vous ce jeudi 28 avril à 9 heures du matin devant la MC2. À l’occasion de cette jour­née de mobi­li­sa­tion, plu­sieurs mani­fes­tants avaient confec­tionné un « char en forme de bateau pirate ».

Un cor­tège d’une cin­quan­taine de per­sonnes a ainsi pris le large depuis le par­vis de la Maison de la culture pour rejoindre la mani­fes­ta­tion géné­rale. Direction la gare de Grenoble.

Une ving­taine de minutes plus tard, à mi-che­min, le cor­tège est stoppé par les forces de l’ordre, à proxi­mité de la rue Général Mangin. Quelques voi­tures de police ont débordé le cor­tège pour ensuite inter­dire son pas­sage. Objectif de la manœuvre ? Contrôler les sacs des mani­fes­tants afin de détec­ter des objets inter­dits et d’i­den­ti­fier éven­tuel­le­ment des casseurs.

« C’est pour nous ralen­tir ou nous dis­sua­der ! », lance une jeune fille. « C’est incroyable ! On dirait qu’il y a plus de poli­ciers que de mani­fes­tants », s’étonne, quant à elle, une pas­sante. Et d’a­jou­ter que si elle sou­tient le mou­ve­ment, elle ne rejoin­dra pas le cor­tège, faute d’un emploi du temps chargé aujourd’hui.

Nuit Debout, la manifestation contre la loi de travail, 28 Avril 2016. © Yuliya Ruzhechka - Place Gre'Net

Le char des mani­fes­tants face au bar­rage des forces de l’ordre. © Yuliya Ruzhechka – Place Gre’net

À l’is­sue du contrôle, une per­sonne est fina­le­ment inter­pel­lée et conduite à l’hôtel de police pour un contrôle d’identité. Selon la police, elle était en pos­ses­sion de fumi­gènes et d’un couteau.

En arri­vant à la gare de Grenoble, on apprend que quatre autres per­sonnes ont été inter­pel­lées avant la mani­fes­ta­tion. Deux ont été libé­rées, tan­dis que trois autres étaient tou­jours en garde à vue dans la soirée.

Cache-cache dans les rues de Grenoble

Le cor­tège démarre donc à la gare de Grenoble pour rejoindre la place de Verdun. Quelques ten­sions entre cer­tains mani­fes­tants et la police donnent lieu à des jets de pétards et de bou­teilles en direc­tion des forces de l’ordre et à des échanges verbaux.

Manifestation contre la loi de travail, 28 Avril 2016. © Yuliya Ruzhechka - Place Gre'Net

Manifestation contre la loi de tra­vail, 28 Avril 2016. © Yuliya Ruzhechka – Place Gre’Net

Une fois arri­vée au croi­se­ment de la rue Lesdiguières et du bou­le­vard Agutte-Sembat, une par­tie des mani­fes­tants rompt le lien avec la tête du cor­tège pour ten­ter de se diri­ger vers le siège du parti socia­liste. « La rue nous appar­tient », scandent-ils joyeu­se­ment… avant de ren­con­trer le pre­mier bar­rage des forces de l’ordre.

Un jeu de cache-cache s’en­gage alors : pen­dant une heure envi­ron, une par­tie des mani­fes­tants va esqui­ver les forces de l’ordre, ren­con­trer à nou­veau un bar­rage de police, tour­ner ensuite dans une rue adja­cente, avant de se retrou­ver encer­clée ave­nue Félix Viallet.

Dans cette ambiance ten­due, cer­tains mani­fes­tants com­mencent à jeter des pierres sur les forces de l’ordre qui ne tardent pas à ripos­ter par quelques gre­nades lacry­mo­gènes, les fai­sant ainsi reculer.


Réalisation JK Production.

Ces der­niers ont ensuite emprunté le cours Jean-Jaurès et, plus tard, une des rues adja­centes, en se retrou­vant de nou­veau face à la police. Cette fois-ci, un dia­logue s’est ins­tallé avec, à la clé, la négo­cia­tion d’un pas­sage sécu­risé vers la place de Verdun. Les mani­fes­tants ont ainsi pu retrou­ver le reste du cor­tège pour par­tir très rapi­de­ment à « MC3 » (comme cer­tains mani­fes­tants appellent désor­mais la MC2), en inci­tant les pas­sants à les rejoindre.

Manifestation contre la loi de travail, 28 Avril 2016. © Yuliya Ruzhechka - Place Gre'Net

Si cette par­tie de mani­fes­ta­tion, tou­jours ani­mée par des per­cus­sions et des camions sono­ri­sés, s’est dérou­lée dans une ambiance plu­tôt fes­tive, la course-pour­suite l’ayant pré­cé­dée a été mar­quée par quelques casses et des tags dont des vitrines de banques ont fait les frais.

En tout, de quatre à six mille per­sonnes (selon la police) ou bien douze mille (selon les syn­di­cats) se sont mobi­li­sées ce jour-là.

Et quant au fond ?

Sur place, la can­tine « à prix libre » attire très vite les mani­fes­tants fati­gués par une longue jour­née de marche. Peu de temps après l’arrivée sur le par­vis de la MC2, « l’assemblée popu­laire » débute par l’in­ter­ven­tion d’un ins­pec­teur du tra­vail, qui explique les causes et les consé­quences de la loi El Khomri. Il pré­cise que cette loi ne va pas chan­ger grand chose au final, car cer­taines de ces modi­fi­ca­tions sont déjà appliquées.

Manifestation contre la loi de travail, 28 Avril 2016. © Yuliya Ruzhechka - Place Gre'Net

Manifestation contre la loi de tra­vail, 28 Avril 2016. © Yuliya Ruzhechka – Place Gre’Net

Les habi­tués des Nuits debout Grenoble ont pré­senté leurs quar­tiers comme un lieu d’échange et de dis­cus­sion, en rap­pe­lant que les com­mis­sions et les groupes de tra­vail thé­ma­tiques se réunis­saient pour dis­cu­ter sur le fond des dif­fé­rentes questions.

Aujourd’hui, le mou­ve­ment dépasse lar­ge­ment la lutte contre la loi El Khomri. Les ques­tion­ne­ments les plus récents portent sur l’agriculture urbaine, les comp­teurs Linky, les expul­sions de familles roms ou encore l’é­cri­ture d’une nou­velle consti­tu­tion. Mais leur lutte ne s’arrête pas là. Cette semaine, un vote de l’AG a décrété le par­vis de la MC2 « lieu hors zone Tafta ». Les actions des mani­fes­tants visent à dénon­cer l’évasion fis­cale, la grande dis­tri­bu­tion et le monde capi­ta­liste de manière plus générale.

Grenoble, futur centre stra­té­gique des Nuits debout ?

Nuit debout Grenoble semble être une excep­tion à l’échelle natio­nale, avec son auto­ri­sa­tion offi­cielle d’occuper le par­vis de la MC2 et le sou­tien logis­tique de la mai­rie quant à l’ac­cès à l’eau et à l’élec­tri­cité. Compte tenu de cette situa­tion, le mou­ve­ment sou­haite regrou­per d’autres Nuit debout de France en les invi­tant à les rejoindre ce week-end. Invitation pour l’instant res­tée sans suite. « Probablement les copains des autres villes veulent-ils tenir leurs posi­tions sur place et les ren­for­cer », pense l’une des manifestante.

Grenoble peut-elle deve­nir le centre stra­té­gique du mou­ve­ment Nuit Debout ? Nous avons posé la ques­tion à Élisa Martin – pre­mière adjointe du maire de Grenoble, en charge du par­cours édu­ca­tif et de la tran­quillité publique – sou­vent pré­sente lors des assem­blées géné­rales du mou­ve­ment ainsi que dans les mani­fes­ta­tions, comme celle du jeudi 28 avril.

Manifestation contre la loi de travail, 28 Avril 2016. © Yuliya Ruzhechka - Place Gre'Net

Élisa Martin échange avec des clowns lors de la mani­fes­ta­tion contre la loi de tra­vail, le 28 Avril 2016. © Yuliya Ruzhechka – Place Gre’net

« Je ne lis pas dans le marc de café », dit-elle avec un sou­rire. « Je sais juste que Nuit debout Grenoble cherche à entrer en contact avec d’autres points de mobi­li­sa­tion en France, ce qui est une très bonne chose. »

La pre­mière adjointe du maire de Grenoble suit en effet de près ce mou­ve­ment social, non pas seule­ment en tant que repré­sen­tante de la mai­rie, mais éga­le­ment en tant que citoyenne : « Avant toute chose, nous sommes des citoyens inté­res­sés par un mou­ve­ment qui porte des reven­di­ca­tions pro­fondes, qui cherchent un autre che­min, comme nous.

Et puis, comme nous auto­ri­sons l’occupation du domaine public, il n’est pas illo­gique que je sois là pour “veiller” à ce que tout se passe bien. Les jeunes gens qui animent et qui portent ce mou­ve­ment font, je pense, du bon tra­vail et font preuve d’une grande matu­rité. » Selon elle, « cette occu­pa­tion du domaine public est quelque chose qui se tra­vaille au jour le jour avec les orga­ni­sa­teurs du mouvement. »

Quant aux diverses actions por­tées par le mou­ve­ment, lors­qu’elles « sont paci­fiques, cela ne pose aucun pro­blème. » La mai­rie peut-elle alors se joindre à cer­taines actions, comme, par exemple, celle de la plan­ta­tion de légumes dans la ville de Grenoble ? Élisa Martin répond par la néga­tive. « Chacun doit res­ter dans son rôle : nous sommes des élus de la République qui por­tons un cer­tain nombre de res­pon­sa­bi­li­tés. Eux sont les ani­ma­teurs d’un mou­ve­ment social. Il est impor­tant que cha­cun reste à sa place. »

Retour sur cette jour­née de mobi­li­sa­tion en images.

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Yuliya Ruzhechka et Joël Kermabon

YR

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