Yoann Bourgeois © Géraldine Aresteanu

Yoann Bourgeois : “Avec Rachid Ouramdane, on est deux figures d’une forme d’indiscipline”

Yoann Bourgeois : “Avec Rachid Ouramdane, on est deux figures d’une forme d’indiscipline”

ENTRETIEN – Après trente ans de direc­tion du centre natio­nal cho­ré­gra­phique de Grenoble (CCNG) par Jean-Claude Gallotta, c’est le duo artis­tique com­posé par Yoann Bourgeois et Rachid Ouramdane qui prend la relève. Une codi­rec­tion – modèle inédit pour cette ins­ti­tu­tion – qui laisse pré­sa­ger de nou­velles pers­pec­tives. Trois mois après sa prise de fonc­tion, le cir­cas­sien Yoann Bourgeois nous parle de la manière dont il envi­sage cette col­la­bo­ra­tion avec le dan­seur et cho­ré­graphe Rachid Ouramdane.

Interview réa­li­sée par Manon Garbez et Maïlys Olié*

Depuis le mois de jan­vier, vous avez pris la tête du CCNG avec Rachid Ouramdane. Comment se passe le début de cette codirection ?

Yoann Bourgeois © Géraldine Aresteanu

Yoann Bourgeois. © Géraldine Aresteanu

Très bien ! Je prends la mesure de ce que repré­sente la direc­tion d’un tel lieu dans le contexte local actuel. En même temps, je com­mence à éprou­ver ce que codi­ri­ger veut dire. Une codi­rec­tion n’avait jamais encore été faite. C’était une véri­table prise de risques de notre part. Et je n’aurais pas can­di­daté sous une autre condi­tion. Il n’y avait jamais eu d’artiste de cirque non plus.

Quand on s’est choisi réci­pro­que­ment avec Rachid, on a fait le choix de la com­plé­men­ta­rité de nos uni­vers. Cela signi­fie que les ques­tions d’équipe sont pri­mor­diales. Je crois qu’avec Rachid on s’est bien trou­vés, et on est débor­dants d’enthousiasme et d’énergie pour mettre en mou­ve­ment ce lieu.

Quel est votre pro­jet esthé­tique, votre volonté com­mune de départ ?

Ce pro­jet, je le vois comme un retour­ne­ment des mis­sions habi­tuel­le­ment impar­ties aux centres de créa­tion. Parce que ces lieux sont bali­sés par un cahier des charges qui impose une cer­taine idée de la créa­tion et un cer­tain nombre d’autres mis­sions. Cette manière de poser les choses n’a de sens ni pour Rachid ni pour moi. On est deux figures d’une forme d’indiscipline à notre manière, même si lui vient plu­tôt de la danse, moi plu­tôt du cirque. Pour nous, la créa­tion n’est pas pre­mière mais découle d’un cer­tain nombre de rapports.

Dans l’esthétique de Rachid, les rap­ports avec dif­fé­rentes com­mu­nau­tés sont à l’origine de la créa­tion poé­tique. Ma créa­tion découle plu­tôt de mon rap­port aux envi­ron­ne­ments. Je fais beau­coup de créa­tions in situ, qui activent toute ma pen­sée scé­no­gra­phique. Nous avons une manière d’aller dans la créa­tion qui est très libre et on espère qu’elle va régé­né­rer l’institution. Nous avions aussi l’envie de pen­ser et créer un nou­vel outil pour la danse avec cette institution.

Quelles nou­velles pos­si­bi­li­tés cette col­la­bo­ra­tion au CCNG vous ouvre-t-elle ?

Elle me per­met de chan­ger de tem­po­ra­lité, de ne plus pen­ser pro­jet après pro­jet, ce qui est vrai­ment une limite pour moi. Je peux main­te­nant ins­crire un pro­ces­sus de tra­vail dans le temps et dans l’espace.

Comment défi­ni­riez-vous votre pro­ces­sus de création ?

Il n’y a jamais un modèle qui pré­existe pour moi. Je reste très à l’écoute de ce qui est en train de se faire. C’est ce qui déter­mine mon cadre. J’ai un grand plai­sir à pou­voir faire des pièces de tous les for­mats, de toutes les moda­li­tés de pro­duc­tion, et de diffusion.

Il y a assez peu cette idée de varia­tion dans le spec­tacle, plus dans la musique ou dans la pein­ture. J’ai envie de par­ler de ça parce que, au fond, ma démarche est un peu arti­sa­nale. J’ai l’impression de faire, refaire et re-refaire. Et c’est comme ça que j’avance, je ne connais pas d’autre manière. Je pense que c’est au prix de cette répé­ti­tion que les choses gagnent en consistance.

Comment faites-vous pour conci­lier vie pro­fes­sion­nelle et vie per­son­nelle ? Est-ce possible ?

Non ! Les deux sont tota­le­ment fusion­nées, ou alors je n’ai pas de vie per­son­nelle, je ne sais pas ! (rires) C’est vrai, je n’ai pas d’autres choses que ce que je fais. J’en ai besoin pour vivre.

Continuez-vous à pra­ti­quer le cirque ?

Oui, j’y redé­couvre en per­ma­nence des choses impor­tantes. J’ai besoin de repas­ser par les étapes par les­quelles j’étais déjà passé. Et qui, à la fois, ne sont plus tout à fait les mêmes. Elles me per­mettent de voir que, moi non plus, je ne suis plus le même. J’ai le sen­ti­ment d’avancer en spirale.

Pourquoi êtes-vous autant atta­ché à la ville de Grenoble ?

Je suis né ici. Toute mon enfance, on m’a raconté Grenoble. J’ai donc eu le temps de fan­tas­mer cette ville. Je crois aussi que j’y suis atta­ché parce que j’y ai mes racines, que je n’ai décou­vertes que bien plus tard lorsque je suis arrivé à 28 ans. Monter ma com­pa­gnie, c’était créer quelque part. Il y avait donc cette impor­tance don­née à « où être », et l’envie d’aimer là où je suis.

Puis, d’une manière très concrète, j’adore les mon­tagnes. Ce rap­port à cet envi­ron­ne­ment-là, cette géo­gra­phie, cette typo­gra­phie est très impor­tant pour moi et m’enthousiasme. J’aime beau­coup Grenoble, parce qu’elle est très com­po­site, en terme de com­mu­nauté mais aussi d’architecture.

*Propos recueillis par Manon Garbez et Maïlys Olié, étu­diantes en Master Diffusion de la culture

AD

Auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

A lire aussi sur Place Gre'net

Le Festival international du cirque Auvergne-Rhône-Alpes de retour à Grenoble
Grenoble accueille le Festival inter­na­tio­nal du cirque Auvergne-Rhône-Alpes pour quelques jours

ÉVÉNEMENT - Le Festival international du cirque Auvergne-Rhône-Alpes se réinstalle à Grenoble pour une 21e édition du jeudi 30 novembre au dimanche 3 décembre 2023. Lire plus

La première partie de Vive les Vacances 2023-2024 a lieu du 20 octobre au 5 novembre. Reprise ensuite pour les congés d'hiver, à partir du 17 février prochain. DR
Musique, danse, cirque, marion­nettes… Le fes­ti­val Vive les Vacances ! repart de plus belle

EVENEMENT – Vos enfants sont encore scolarisés ? L'heure de la pause automnale venue, plusieurs salles de l'agglomération grenobloise leur proposent de partir à la Lire plus

Visages bien connus du théâtre à Grenoble et dans les environs, les Gentils arrivent à la Vence Scène pour l'ouverture de la saison 2023-2024. Rendez-vous le 22 septembre. © Stéphanie Nelson
Saint-Égrève : la Vence Scène entame sa sai­son 2023 – 2024 et se pré­pare à célé­brer ses dix ans

EN BREF - Laurent Amadieu, maire de Saint-Égrève, dit avoir vu passer la décennie « à la vitesse d'une étoile filante ». Le compte est Lire plus

La programmation de Merci, bonsoir ! offre notamment un large choix de spectacles liés aux arts de la rue. Ici, en 2022, une représentation de la compagnie Toi d'abord. © Yassine Lemonnier
Grenoble : Mix’Arts et le Prunier sau­vage annoncent un fes­ti­val Merci, bon­soir ! plus riche que jamais

EN BREF - 25 000 : c'est le nombre de spectateurs que l'association Mix'Arts vise pour son huitième festival Merci, bonsoir !, coproduit avec le Lire plus

De l'émerveillement ? C'est notamment ce qu'on peut attendre de la programmation du Grand Angle, avec notamment le spectacle 'Les souliers rouges', programmé le 16 décembre. © Fabrice Chapuis
Voiron : le Grand Angle défend une sai­son 2023 – 2024 faite de résis­tance, d’hu­mour et d’es­thé­tiques variées

EN BREF – Des têtes d'affiche nationales et de très bons artistes locaux. Des spectacles intimistes, d'autres qui repoussent presque les murs. Des esthétiques variées Lire plus

'Nuit", que le Théâtre municipal de Grenoble présentera le 8 novembre 2023. Une création dansée avec sept femmes au plateau. © Grégory Batardon
Théâtre muni­ci­pal de Grenoble : trois pla­teaux, un pro­gramme 2023 – 2024 très éclec­tique et… une feuille de route autour des transitions

FOCUS – Un programme copieux attend le public du Théâtre municipal de Grenoble pour la saison 2023-2024 : une grosse trentaine de spectacles. Du théâtre Lire plus

Flash Info

Les plus lus

Agenda

Je partage !