REPORTAGE – En marge du rassemblement de soutien aux salariés de Goodyear, une cinquantaine de manifestants s’est réunie devant les locaux de France Bleu Isère. Leur message, sous forme d’interrogation : “Quelle représentation des mouvements syndicaux dans les médias ? Quel temps de parole ou de dialogue pour permettre à chacun de s’exprimer ?”
Près de 600 personnes – selon la CGT – se sont rassemblées ce jeudi 4 février dès 10 h 30 place de Verdun, à Grenoble. Un rassemblement, comme bon nombre d’autres en France, en soutien aux huit salariés de Goodyear, récemment condamnés pour avoir séquestré deux cadres de l’entreprise durant trente heures, en 2014. Bien que ces derniers aient, depuis, retiré leurs plaintes, les employés ont écopé d’une peine de neuf mois de prison ferme.
Les manifestants étaient là pour exprimer leur colère face aux condamnations, mais aussi pour dénoncer « les atteintes au code du travail, la répression et la discrimination syndicale ». Une cinquantaine de militants s’est ensuite rassemblée devant les locaux de France Bleu Isère.
Sous bonne, mais discrète, « protection » policière, les drapeaux CGT et FSU ont flotté devant les grandes vitres du média départemental, tandis que les organisateurs s’exprimaient au micro du “camion-sono” de la CGT. Les salariés de France Bleu ont ensuite pu entendre un petit florilège de chansons militantes, avant que les manifestants ne quittent les lieux de leur propre initiative.
Des médias trop silencieux ?
Pourquoi un tel mouvement devant France Bleu Isère ? « On aurait pu aller devant le Dauphiné libéré ou France 3 ou d’autres, explique Lynda Bensella, secrétaire générale de la CGT Isère. On ne proteste pas contre France Bleu en particulier. Ce que nous voulions dire, c’est que nous avons besoin de discuter avec des journalistes, en tant que journalistes, de ce qui se passe, de la gravité du moment. »
« Il n’y a pas de liberté sans liberté syndicale, comme il n’y a pas de liberté sans liberté de la presse. Et demain, un journaliste qui voudra faire un papier sur une entreprise, qui voudra dénoncer des malversations, risquera la même chose que les salariés de Goodyear ! »
La secrétaire générale CGT estime-t-elle que les luttes syndicales sont mal couvertes, ou mal relayées ? Sa réponse ne laisse guère de doute. « Avez-vous entendu dans les médias les sept ans de combat acharné des salariés pour défendre leur emploi ? Quel média a dit que douze mecs se sont suicidés ? »
« On est en train de casser le code du travail, le contrat de travail, les conventions collectives, le Conseil des Prud’hommes, les accords majoritaires… Est-ce que les médias n’ont pas la responsabilité de le dire ou de l’écrire ? »
« Que dire en trois minutes ? »
« Le problème, c’est que lorsque nous passons dans les médias, nous avons trois minutes. Que voulez-vous que j’explique en trois minutes ? Comment voulez-vous que je déconstruise en trois minutes un discours qui stigmatise les allocataires du RSA, le lendemain les Juifs, le surlendemain les Roms, etc. ? »
« On ne peut pas déconstruire en si peu de temps un discours dominant. On a besoin d’un temps de débat pour poser une pensée. Et aujourd’hui, les temps d’expression sont trop courts ! », déplore Lynda Bensella, tout en soulignant qu’elle n’attribue pas ce discours dominant qu’elle dénonce à tous les journalistes.
L’action devant les locaux de France Bleu Isère n’avait rien de sauvage, et encore moins de violente.
« J’ai prévenu la CGT France Bleu Isère, j’ai prévenu le rédacteur en chef. On n’est pas dans une démarche d’hostilité : on veut vraiment discuter. On ne veut pas être les uns contre les autres, mais nous avons besoin d’exprimer une parole et cette parole nous est confisquée. »
Et Lynda Bensella de conclure avec émotion : « On n’est pas moins légitime que le Front national. On a plus d’adhérents que tous les partis réunis, et regardez comment nous passons dans les médias, et combien eux passent ! »