ENTRETIEN - Cent trente destins brisés, fauchés vendredi 13 novembre 2015 lors des attentats de Paris. Auxquels s’ajoutent les 351 blessés à l’arme lourde et aux explosifs. Sans compter tous ces autres qui, impuissants, ont directement assisté aux drames. Parmi eux une dizaine de jeunes grenoblois pris en charge dès le lendemain par la cellule d’urgence médico-psychologique du CHU de Grenoble. Patrice Baro, son responsable, répond à nos interrogations.
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Une dizaine de Grenoblois, étudiants pour la plupart, ont été directement victimes des attentats de Paris survenus dans la soirée du 13 novembre 2015 et revendiqués par l'organisation terroriste État islamique. Les uns étaient dans les bars mitraillés des 10e et 11e arrondissements ; les autres assistaient au concert du groupe de rock américain Eagles of Death Metal au Bataclan.
Dès minuit, la cellule d’urgence médico-psychologique (CUMP) de Grenoble était mise en alerte. Psychiatres, psychologues et infirmiers accueillaient, le lendemain, les victimes grenobloises des attentats de Paris.
Si aucune n'a été blessée physiquement, tous ces jeunes gens ont été directement confrontés au décès de personnes qui étaient à côté d’eux ou aux souffrances de blessés très graves, comme le précise le psychiatre Patrice Baro, responsable de la CUMP au sein du Samu du CHU de Grenoble.
Dans quel état psychologique étaient les victimes des attentats de Paris lorsque vous les avez accueillies le lendemain à la CUMP38 ?
Ces personnes sont des blessés psychiques. Elles étaient toutes en état de stress aigu. Cependant, on peut distinguer deux types de personnes. Celles qui, au prix d’une grande mobilisation, peuvent rassembler leurs ressources pour faire face aux événements. Elles font appel à leur capacité de résilience, selon la formule employée par Boris Cyrulnik.
Les autres étaient en état de stress dépassé. Leur souffrance psychique est plus visible. Elle se traduit par des états de sidération, des états d’agitation, par des conséquences sur le sommeil - insomnies importantes -, une anxiété permanente et une difficulté par exemple à faire face aux images des médias, à entendre les nouvelles.
Qu’apportez-vous aux victimes ?
Tout d’abord, de l’écoute pour que ces personnes puissent exprimer ce qu’elles ont vécu et les émotions auxquelles elles ont été confrontées. Ici, compte tenu de la violence des événements, elles ont été exposées directement à la mort horrible, au risque de leur propre mort et au risque de la mort de l’autre. Ça relève de quelque chose d’inhumain.
Inhumain comme la guerre ?
Quand le président de la République, tous les responsables politiques et les institutionnels parlent de scènes de guerre, c’est à juste titre. Ils ont en effet raison sur la nature des événements mais si on regarde bien, la guerre quand on la fait habituellement, c’est entre militaires. Et si des civils sont exposés, c’est par hasard.
Là, les civils n’ont pas été pris entre des tirs. Les personnes étaient tranquillement en train de se détendre, ne s’y attendaient pas du tout et elles ont été attaquées à l’arme lourde. Les victimes ont été directement visées avec l’idée de ne pas les laisser s’échapper et de ne pas les laisser en réchapper.
Comment déchoquer les victimes et la société ainsi meurtries ?
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