Un collectif d'habitants propose un projet sur la salle de la Magnanerie, lors d'une réunion sur le budget participatif de Grenoble le 20 juin 2015. © Union de quartier Île-Verte

La démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive à Grenoble : c’est pas du gâteau !

La démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive à Grenoble : c’est pas du gâteau !

FOCUS – Mettre en place des dis­po­si­tifs de démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive est un che­min semé d’embûches. Même à Grenoble, ville mar­quée par l’empreinte d’Hubert Dubedout, l’un des pion­niers dans le domaine. Retour sur le pro­jet aux “trois piliers” de l’é­quipe muni­ci­pale d’Eric Piolle : les conseils citoyens indé­pen­dants, le bud­get par­ti­ci­pa­tif et le droit à l’interpellation.

Pascal Clouaire, Adrien Roux, et Loïc Blondiaux, mercredi 28 octobre à à l’office du tourisme (amphithéâtre), lors d'une conférence citoyenne consacrée à la démocratie participative. © Joël Kermabon – Place Gre’net

Pascal Clouaire, Adrien Roux, et Loïc Blondiaux, le 28 octobre der­nier à l’office de tou­risme. © Joël Kermabon – pla​ce​gre​net​.fr

La démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive n’est pas une recette miracle qui trans­for­me­rait, par magie, les habi­tants en citoyens épris d’in­té­rêt géné­ral… Tel est l’un des grands ensei­gne­ments de la soi­rée orga­ni­sée par la Faculté de droit de Grenoble, le 28 octobre der­nier, à l’of­fice de tourisme.

Le défi est de taille. A Porte Alegre, où s’est dérou­lée l’une des expé­riences les plus abou­ties en matière de démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive, la par­ti­ci­pa­tion n’a jamais excédé 10 % de la popu­la­tion adulte, au plus fort de son succès.

Elle demeure néan­moins, plus que jamais, un enjeu de société, de vivre-ensemble, crise de la démo­cra­tie repré­sen­ta­tive oblige. Loïc Blondiaux, pro­fes­seur de sciences poli­tiques et expert du sujet, refor­mule le dilemme en ces termes : « A Grenoble, comme dans nombre de villes en France, la démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive doit affron­ter une mon­tagne de dif­fi­cul­tés, de cri­tiques jus­ti­fiées ou pas ! […] Et pour­tant, elle est indis­pen­sable car les élus sont loin de repré­sen­ter tous les élec­teurs […] La par­ti­ci­pa­tion aux élec­tions décline. La défiance des élec­teurs gran­dit. »

Une for­mule gre­no­bloise sur trois piliers

Les 20 engagements de campagne pour une ville à la démocratie renouvelée seront-ils tenus ? démocratie participative assises citoyennesBien malin qui pour­rait affir­mer ce qui fonc­tionne vrai­ment bien en matière de pra­tiques par­ti­ci­pa­tives, aujourd’­hui en France… Loïc Blondiaux ne s’y est d’ailleurs pas ris­qué, lors du débat. Une chose est sure, les contours du pro­jet “démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive” sont clairs à Grenoble. Ce der­nier repose sur « trois piliers », comme le répète, à l’envi, Pascal Clouaire, adjoint à la démo­cra­tie locale : « les conseils citoyens indé­pen­dants, le bud­get par­ti­ci­pa­tif et le droit à l’interpellation ».

Quant à l’intention, il s’agit de « don­ner du pou­voir d’agir au citoyen – le corol­laire étant que les élus acceptent d’en perdre […], de pas­ser d’une démo­cra­tie de l’affrontement à une démo­cra­tie plus apai­sée ».

Il y aurait, donc, à Grenoble, l’aspiration à trou­ver une har­mo­nie entre la démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive et la démo­cra­tie repré­sen­ta­tive. Les deux pour­raient même œuvrer dans le même sens, en bonne intel­li­gence. Enfin, cette démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive à la gre­no­bloise s’inscrit et s’imbrique dans une vision poli­tique plus large de « tran­si­tion éco­lo­gique, éco­no­mique et démo­cra­tique », a tenu à sou­li­gner Pascal Clouaire, par­ache­vant ainsi son exposé. Voilà donc pour la théo­rie. La pra­tique, comme sou­vent, est plus laborieuse…

Les conseils citoyens indé­pen­dants ne font pas le plein

Pour la mise en place des conseils citoyens indé­pen­dants, « on a suivi le rap­port Mechmache Bacqué et le prin­cipe selon lequel la démarche est aussi impor­tante que le résul­tat », indique Pascal Clouaire. Dès 2014, 200 per­sonnes se sont inté­res­sées au pro­ces­sus, en par­ti­cu­lier le col­lec­tif « Pas sans nous », le Comité de liai­son des unions de quar­tier de Grenoble (Cluq), etc. Une com­mis­sion extra-muni­ci­pale a été consti­tuée ; 7 conseils citoyens ont été ins­tal­lés lors du conseil muni­ci­pal du 23 mars 2015, avec l’ambition de réunir, cha­cun, 40 citoyens : 20 volon­taires et 20 « non volon­taires », tous tirés au sort.

Pascal Clouaire, élu à la démocratie locale à Grenoble, le 28 octobre à à l’office du tourisme (amphithéâtre), lors d'une conférence citoyenne consacrée à la démocratie participative. © Joël Kermabon – Place Gre’net

Pascal Clouaire, élu à la démo­cra­tie locale à Grenoble © Joël Kermabon – Place Gre’net

Problème : impos­sible de débus­quer les 7 x 20 « non volon­taires » choi­sis de manière aléa­toire sur les listes élec­to­rales… Imaginez, vous rece­vez un appel du type : « Allo, bon­jour ! C’est la Ville. Nous avons l’honneur de vous dési­gner membre actif du conseil citoyen indé­pen­dant. En quoi cela consiste ? Eh bien, en quelques heures de réunion, de dis­cus­sions sur des sujets variés… Vous gérez aussi un bud­get, ani­mez la démo­cra­tie de votre sec­teur… Oui, c’est entiè­re­ment béné­vole, bien sûr ! Mais il faut un mini­mum d’en­ga­ge­ment… Allo, allo, vous êtes tou­jours là ? »

Nombre de citoyens – soit parce qu’ils courent pas monts et par vaux, soit parce qu’ils n’ont jamais par­ti­cipé à quelque struc­ture que ce soit – déclinent ainsi la pro­po­si­tion… Résultat : les conseils citoyens indé­pen­dants comptent aujourd’hui plu­tôt entre 15 et 25 membres. « Ce qu’il manque un peu par­tout en France, c’est un réveil de la conscience citoyenne. La démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive a besoin de l’émergence d’un éthos démo­cra­tique… », ana­lyse Loïc Blondiaux.

Comment cet éthos pour­rait-il émer­ger ? Là encore, aucune solu­tion miracle, mais une condi­tion sine qua non poin­tée par l’ex­pert : « Que les outils par­ti­ci­pa­tifs tiennent vrai­ment la route, qu’il y ait des enjeux saillants, du grain à moudre pour les citoyens… ». Autrement dit, que ces der­niers aient vrai­ment l’im­pres­sion de déci­der de quelque chose. Ce qui sor­tira des conseils citoyens indé­pen­dants à Grenoble, dans les mois à venir, sera donc déterminant.

Budget par­ti­ci­pa­tif : trop peu de votants

Dans les grandes lignes, la pre­mière édi­tion du bud­get par­ti­ci­pa­tif gre­no­blois d’un mon­tant de 800.000 euros semble ne pas avoir connu de « couacs ». L’élu, plu­tôt satis­fait, a même passé en revue les dif­fé­rentes étapes du pro­ces­sus : « une bonne par­ti­ci­pa­tion à la ruche aux pro­jets, le 20 juin der­nier, avec 200 Grenoblois. 30 pro­jets rete­nus sur 164 au total ! »

Vote des Grenoblois - Budget participatif. © Ville de Grenoble© Ville de Grenoble

Vote des Grenoblois – Budget par­ti­ci­pa­tif. © Ville de Grenoble

C’est sur le nombre de votants qu’il est dif­fi­cile de s’en­thou­sias­mer… 998 par­ti­ci­pants : « C’est trop peu », a concédé Pascal Clouaire. Et d’as­su­rer : « Nous tire­rons les leçons pour l’année pro­chaine, tant au niveau du sys­tème de vote que des lieux de vote ».

Pour Loïc Blondiaux : « Le bud­get par­ti­ci­pa­tif com­mence à être un outil robuste […] Il s’impose dans sa métho­do­lo­gie, mais il est très dépen­dant de la manière dont on l’organise et com­ment on filtre. »

En outre, le bud­get par­ti­ci­pa­tif pré­sente un sérieux talon d’Achille : il passe à côté des publics éloi­gnés des ins­ti­tu­tions, hors des réseaux de tous ordres, qui ne vont pas se sai­sir de cette oppor­tu­nité, même si elle leur tend les bras.

Droit à l’interpellation : « Le pré­fet n’en veut pas ! »

Si la muni­ci­pa­lité appelle de ses vœux une “démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive apai­sée”, elle ne s’engage pas com­plè­te­ment dans cette direc­tion, avec la créa­tion du « droit à l’interpellation ». « Avec ce droit, on prend volon­tai­re­ment le risque de s’exposer à la cri­tique. C’est sûr que si on veut gérer une ville tran­quille, ce n’est pas le bon moyen ! », iro­nise Pascal Clouaire.

Conférence citoyenne consacrée à la démocratie participative © Joël Kermabon – Place Gre’net

Conférence sur la démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive à l’of­fice du tou­risme, mer­credi 28 octobre 2015. © Joël Kermabon – Place Gre’net

En 2016, les Grenoblois devraient donc pou­voir inter­pel­ler les élus, sur tout type de sujet, à par­tir du moment où une péti­tion recueillera un cer­tain nombre de signa­tures… Le seuil ne semble pas évident à fixer. « Il sera suf­fi­sam­ment bas pour que les inter­pel­la­tions soient pos­sibles. Suffisamment haut pour qu’on n’ait pas des inter­pel­la­tions sur tout ! »

Et une fois le nombre de péti­tion­naires atteint ? Plusieurs suites pos­sibles : soit un vote en conseil muni­ci­pal, soit un exa­men appro­fondi, soit la ques­tion sera sou­mise à la vota­tion de tous les habi­tants de Grenoble.

Une jour­née par an sera ainsi consa­crée au vote concer­nant diverses ques­tions. Une sorte de tir groupé, pour mobi­li­ser mas­si­ve­ment. « Pour enté­ri­ner leur requête, les ins­ti­ga­teurs de la péti­tion devront obte­nir le même nombre de voix que la liste du maire au second tour des élec­tions muni­ci­pales, soit 20 008 voix. » Encore fau­drait-il que le droit d’interpellation voit le jour… « On s’est confronté à un refus du pré­fet… Juridiquement, une muni­ci­pa­lité ne peut pas créer un droit pour les citoyens ! », lance Pascal Clouaire, qui n’a pas l’intention de bais­ser les bras.

D’ici à ce que la démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive fonc­tionne à plein régime à Grenoble, il y a encore beau­coup de tra­vail, d’a­jus­te­ments, de péda­go­gie à faire… Reste une troi­sième voie pos­sible, qui sort des cadres et part direc­te­ment de la colère des habi­tants. Des « contre-espaces de démo­cra­tie vivante », selon Loïc Blondiaux, à l’i­mage de L’Alliance citoyenne de l’agglomération gre­no­bloise qui en est l’un des fers de lance. Une autre façon de contri­buer à la vita­lité de la Démocratie.

Séverine Cattiaux

À lire éga­le­ment sur Place Gre’net :

- Budget par­ti­ci­pa­tif : Grenoble dévoile les neuf pro­jets lauréats

- Démocratie locale : focus sur les conseils citoyens indépendants

Séverine Cattiaux

Auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

A lire aussi sur Place Gre'net

Le PCF André Chassaigne et le RN Jordan Bardella s'invitent à la Foire de printemps de Beaucroissant 2024
Beaucroissant : Marc Fesneau, le PCF André Chassaigne et le RN Jordan Bardella s’in­vitent à la Foire de prin­temps 2024

FLASH INFO - La Foire de printemps de Beaucroissant est de retour pour sa 53e édition, les samedi 20 et dimanche 21 avril 2024. Version Lire plus

M’Hamed Benharouga, Nathalie Levrat, Michel Vendra et Antoine Aufragne (Just). © Florent Mathieu - Place Gre'net
La Ville de Sassenage s’al­lie à Just pour mettre en place une mutuelle communale

FOCUS - La Ville de Sassenage a signé une convention avec la mutuelle Just pour la mise en place d'une mutuelle communale, afin de permettre Lire plus

Grenoble en sixième position des villes "où il fait bon vivre avec son chien", selon 30 millions d'amis
Grenoble, sixième ville « où il fait bon vivre avec son chien », selon 30 mil­lions d’amis

FLASH INFO - La Ville de Grenoble arrive 6e parmi les villes de plus de 100 000 habitants "où il fait bon vivre avec son chien". Créé Lire plus

Le groupe Société civile d'Alain Carignon édite un livret pour fustiger les 10 ans de mandat d'Éric Piolle
Le groupe Société civile d’Alain Carignon édite un livret sur les 10 ans de man­dat d’Éric Piolle

FOCUS - Le groupe d'opposition de Grenoble Société civile a édité un document d'une douzaine de pages dressant le bilan des dix ans de mandat Lire plus

La Métropole alerte sur les risques du protoxyde d'azote, de plus en plus populaire chez les jeunes
La Métropole alerte sur les risques du pro­toxyde d’a­zote, de plus en plus popu­laire chez les jeunes

FLASH INFO - Christophe Ferrari, président de la Métropole de Grenoble, et Pierre Bejjaji, conseiller métropolitain délégué à la Prévention spécialisée, se sont rendus au Lire plus

Le Smmag inaugure le lancement du service M Vélo + sur le Pays Voironnais avec une première agence à Voiron
Le Smmag lance le ser­vice M Vélo + sur le Pays voi­ron­nais avec une pre­mière agence à Voiron

FLASH INFO - Une cérémonie en grandes pompes a été organisée à Voiron pour inaugurer le déploiement du service M Vélo + sur le Pays Lire plus

Flash Info

Les plus lus

Agenda

Je partage !