BLOG ARCHITECTURE – Lorsque l’on parle béton et ciment à Grenoble, on pense tout de suite à l’entreprise Vicat et à la Tour Perret. Mais il y a, à Saint-Martin-le-Vinoux, une œuvre architecturale d’inspiration orientale qui a su combiner un savoir-faire local à un style et des couleurs inspirés de contrées éloignées. Découvrez, en compagnie de sa propriétaire Christiane Guichard, l’histoire authentique de la Casamaures.
En surplomb de l’Isère, la Casamaures est cette maison bleu outremer située à quelques coups de pédale de la Porte de France. Posée sur la colline de la Bastille, ce palais mozarabe du XIXe siècle représente un patrimoine pour l’agglomération. Nous avons eu la chance de le visiter au printemps dernier et nous vous faisons part, ici, des caractéristiques artistiques, constructives et poétiques qui le rendent exceptionnel.
Grenoble se passionne pour l’Orient
Cette maison d’inspiration orientale est, tout d’abord, le symbole d’une époque qui s’est passionnée pour l’Orient. Dans les années 1820, Jean-François Champollion, célèbre égyptologue grenoblois, déchiffre pour la première fois les hiéroglyphes et lance les études sur le monde oriental. Autre signe du levant, des tapisseries peintes nous emmènent sur les bords de la mer Noire, en pleine guerre de Crimée, dans les années 1850. Ces évocations ne sont pas sans nous rappeler le portrait de l’Orient que dépeint l’écrivain Pierre Loti quelques années plus tard.
Une folie artistique
C’est en 1855 qu’un négociant grenoblois acquiert la guinguette à Saint-Martin-le-Vinoux pour y construire son rêve de maison. Inspiré par l’art ottoman, la Casamaures est une folie architecturale pensée comme un véritable palais mozarabe immergé dans un écrin de verdure luxuriant. Mais en réalité, ce palais est un trompe‑l’œil. Blotti contre le rocher de la Bastille, c’est à ce dernier que la demeure doit son impressionnante stature.
La maison possède en fait moins d’une dizaine de pièces, rappelant la taille d’une maison bourgeoise classique de l’époque. Elle n’en demeure pas moins une œuvre où est accordée une importance à tous les aspects de l’architecture.
Le jardin se réclame d’une réplique à échelle réduite du parc du Muséum d’histoire naturelle de Paris. La terrasse qui entoure la maison souligne le promontoire naturel de la colline et en fait un lieu d’ostentation et de contemplation. Le jardin d’hiver, structure ajourée en bois accolée à la maison, accueille plantes et jeux d’eaux, recréant ainsi l’atmosphère des jardins d’Orient, tandis que les colonnades rappellent l’architecture mauresque.
Du ciment pour une architecture orientale
Autre point remarquable, la Casamaures constitue l’une des premières réalisations artistiques à base de ciment. Le maître d’œuvre profite, en effet, de la proximité des carrières souterraines du Mont Rachais pour mouler colonnades et autres pierres de taille. Le calcaire extrait était alors transformé sur place à la cimenterie de la Porte de France, sur la base d’une formule locale mise au point par Vicat quelques décennies plus tôt.
Autour de l’usine, une main d’œuvre de maçons, certains arrivés d’Italie, prépare directement les commandes des chantiers de la région. Les différents éléments de construction sont ainsi préfabriqués en atelier, où le ciment est coulé dans des moules en bois avant d’être assemblés sur le lieu du chantier. La Casamaures forme un excellent exemple de construction en ciment moulé.
Un patrimoine plus reconnu à l’échelle nationale que locale
La Casamaures a été classée comme monument historique en 1992 par le ministère de la Culture. Mais c’est la propriétaire qui a lancé les différents chantiers successifs de rénovation, faisant appel à des entreprises pour les chantiers de gros œuvres et à des bénévoles pour les menus travaux. N’ayant pas de financement public, elle mène la réhabilitation de ce patrimoine à partir des dons issus du mécénat privé. Christiane Guichard relève également des difficultés au niveau de la mobilisation des pouvoirs publics pour l’aménagement des abords de ce patrimoine architectural par la constitution à l’avant d’un parc public et par le démantèlement en contrebas des entrepôts.
Les mystères de la Casamaures
La Casamaures renferme par ailleurs de nombreux secrets. Parmi eux, l’origine de son nom actuel. Si la maison en a porté plusieurs, ils diffèrent en fonction des propriétaires. C’est donc à Christiane Guichard et aux affres de l’administration des monuments historiques que l’on doit la Casamaures.
« Casa – maure » ou « casa – amore » ? Christiane Guichard nous emmène découvrir une partie du voyage qu’elle a entrepris il y a plus de vingt ans, où se mêlent légendes et poésies enveloppant l’origine de ce palais. Un reportage audio diffusée initialement dans Gratianopolis, émission mensuelle sur Radio Campus Grenoble (90.8).
Réalisation : Gratianopolis.
Ivan Mazel et Rémy Vigneron