FOCUS – Après une longue attente marquée par de nombreux rebondissements, le verdict est tombé ce jeudi 16 juillet. Le tribunal administratif de Grenoble vient d’annuler l’arrêté préfectoral relatif à la loi sur l’eau indispensable à la construction du Center Parcs à Roybon. C’est donc un coup d’arrêt porté à ce projet très controversé de village vacances au cœur de la forêt de Chambaran. Mais sans doute pas le coup de grâce, Pierre & Vacances ayant déjà annoncé son intention de faire appel.
La décision était attendue, tant par les défenseurs que par les détracteurs du projet de Center Parcs de Roybon. Et c’est bien une étape décisive qui s’est jouée ce jeudi 16 juillet au tribunal administratif de Grenoble.
Ce dernier a ainsi annulé l’arrêté du 3 octobre 2014 du préfet de l’Isère accordant une autorisation de destruction de zones humides, au titre de la « loi sur l’eau », à la SNC Roybon Cottages, porteur du projet de Center Parcs de Roybon.
En clair, c’est un sacré coup porté au projet de Pierre & Vacances de créer un village vacances de 990 habitations autour d’une « bulle tropicale ». Un espace aqualudique de 9.000 m³ chauffé à 29 °C en plein cœur de la forêt de Chambaran, au beau milieu d’une zone humide.
La compensation de zones humides jugée insuffisante
Ce qui a coincé ? Les zones humides. La société se devait en effet de créer des zones humides à d’autres endroits du bassin versant pour une superficie égale à deux fois celle des zones humides détruites, comme le préconise le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Rhône-Méditerranée.
Au cœur du problème : la destruction prévue d’une zone humide forestière représentant une superficie d’un seul tenant de 76 ha au sein de la forêt de Chambaran.
Or, le projet prévoit la remise en état de trois sites d’une superficie totale d’à peine 20 ha à proximité. Le tribunal a donc estimé que « les mesures envisagées, eu égard à la dispersion et au morcellement des seize sites de compensation situés sur cinq départements, de l’Ardèche à l’Ain et au Nord de la Haute-Savoie, n’étaient pas compatibles avec la disposition du SDAGE prévoyant que les mesures compensatoires doivent s’envisager à l’échelle appropriée en fonction de l’impact prévisible des projets. »
La juridiction administrative suit ainsi les conclusions du rapporteur public, qui lui avait recommandé, le 2 juillet dernier, « l’annulation totale », immédiate et rétroactive, de l’arrêté du 3 octobre 2014 autorisant le projet porté par le groupe Pierre & Vacances, au titre de la loi sur l’eau. Le magistrat avait alors jugé cet arrêté illégal du fait de l’absence de saisine de la Commission nationale du débat public et de l’insuffisance des mesures compensant la destruction de zones humides.
En revanche, le tribunal administratif a, dans une seconde décision, rejeté les recours visant l’arrêté préfectoral du 16 octobre 2014 autorisant la destruction d’espèces protégées et de leurs habitats.
Il a notamment estimé que l’arrêté ne mettait pas en péril les espèces concernées « compte tenu de la très faible superficie du projet rapportée à la surface totale de la forêt de Chambaran, alors que le chantier et le parc de loisirs auront un effet positif sur l’économie locale et que de nombreuses prescriptions permettent de minimiser les atteintes à la flore et à la faune. »
Les opposants fêtent la victoire…
Parmi ceux qui savourent la nouvelle ? L’association Pour les Chambaran sans Center Parcs, l’Union régionale Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature (Frapna), la Fédération de la Drôme pour la pêche et la protection du milieu aquatique mais aussi, bien sûr, les élus écologistes et les occupants de la “Zone à défendre”.
« Nous prenons acte de la décision du tribunal administratif de Grenoble, qui vient confirmer nos doutes régulièrement émis sur la conformité de ce projet au regard de la loi sur l’eau », indique ainsi le groupe Rassemblement des citoyens – Solidarité et écologie (RCSE). « A ce point, nous ne pouvons que déplorer le temps et l’argent gaspillés dans ce dossier, en dépit des nombreuses alertes exprimées depuis des années (et en premier lieu le rapport défavorable des commissaires enquêteurs dans l’enquête publique relative à cette même loi sur l’eau). »
Le groupe RCSE en profite par ailleurs pour appeler tous les acteurs concernés, et en particulier le conseil départemental, « à se mobiliser pour le développement économique de ce territoire du Roybonnais en proposant un projet viable économiquement, respectueux de l’environnement, utiles pour tous les Isérois et avec une utilisation raisonnée de l’argent public. »
Pressentaient-ils la victoire ? Les Zadistes, plus mobilisés que jamais depuis huit mois avaient déjà organisé en amont, du 15 au 18 juillet, l’opération “Chambar dans les Chambarans”.
Leur motivation ? « Empêcher un grand groupe financier de poser une verrue anti-sociale, anti-écologique, anti-économique et anti-démocratique dans la région de Roybon ». Au programme : projections, débats, et concerts sur place, à la maison de la Marquise. Et, ce 16 juillet, à l’occasion du rendu du jugement, ceux-ci avaient prévu de fêter la victoire. Prudents, les occupants de la forêt maintiennent toutefois leur appel à l’occupation de la Zone à Défendre de Roybon. Car tout n’est pas joué…
Les pro-Center Parcs préparent la suite
Une chose est sure, en effet, Pierre & Vacances n’entend pas jeter l’éponge. Dès la décision du tribunal administratif, le groupe a ainsi annoncé qu’il ferait appel devant la cour administrative d’appel de Lyon. Il se dit d’ailleurs « convaincu du bien-fondé économique et environnemental du projet sur lequel il est engagé depuis sept ans » et « confiant sur l’issue judiciaire finale […] ».
Quant au conseil départemental de l’Isère, dont le nouveau président Jean-Pierre Barbier est un fervent défenseur du projet, il ne baisse pas non plus les bras et relativise cette décision.
« Après cinq années de contentieux juridiques pour empêcher le groupe Pierre et Vacances de démarrer les travaux, la décision du jour du tribunal administratif d’annuler l’autorisation « loi sur l’eau » est un nouvel épisode juridique mais pas un coup d’arrêt pour le projet », juge ainsi Jean-Pierre Barbier, pour qui « le combat continue ».
Et celui-ci de préciser : « A ce stade de la procédure, le Département s’en remet à la sagesse de la Cour d’appel administrative de Lyon, qui je l’espère, se rangera derrière les décisions du Conseil d’État ». La plus haute juridiction administrative française avait en effet considéré, le 18 juin dernier, que les mesures prises pour compenser la destruction des zones humides sur le chantier étaient suffisantes.
Le département de l’Isère continue par ailleurs à assurer le groupe Pierre & Vacances de son « plein et entier soutien » dans les démarches à venir. « Je reste plus que jamais convaincu que ce projet constitue une opportunité historique pour le développement économique et touristique de l’ensemble du Département de l’Isère. A titre personnel, je mettrai tout en œuvre pour faire aboutir ce projet », conclut Jean-Pierre Barbier.
MB