Séance du conseil municipal du 26 mai 2015. © Joël Kermabon - placegrenet.fr

Marché de l’é­clai­rage public : une frac­ture idéologique ?

Marché de l’é­clai­rage public : une frac­ture idéologique ?

REPORTAGE VIDÉO – Ce mardi 26 mai, une pre­mière lézarde est appa­rue dans le mur de la majo­rité lors du conseil muni­ci­pal. Cinq élus du Rassemblement citoyen, de la gauche et des éco­lo­gistes (RCGE) ont voté contre la déli­bé­ra­tion auto­ri­sant le maire à signer le mar­ché de l’é­clai­rage public rem­porté par Citéos au détri­ment de Gaz élec­tri­cité de Grenoble. Une frac­ture idéo­lo­gique dans le contrat moral censé cimen­ter le groupe RCGE.

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Avec des déli­bé­ra­tions sur le dos­sier GEG au pro­gramme, il n’é­tait nul besoin d’être grand clerc pour devi­ner que ce conseil muni­ci­pal serait animé. Les tri­buns des oppo­si­tions muni­ci­pales, très remon­tés, n’a­vaient d’ailleurs pas caché leur volonté d’en découdre. Comme pour preuve, un ras­sem­ble­ment de mili­tants de la CGT repré­sen­tant les sala­riés de GEG s’é­tait donné ren­dez-vous devant la mai­rie pour un baroud d’honneur.

Rien à voir avec l’ir­rup­tion des sala­riés du mois d’oc­tobre 2014, néan­moins, la police muni­ci­pale mon­trait plus de zèle que d’ha­bi­tude… Chat échaudé craint l’eau froide !

Sophie Cavagna, délé­guée CGT à la GEG, nous expose les rai­sons de ce rassemblement.

Réalisation Joël Kermabon

Deux déli­bé­ra­tions impor­tantes sur l’é­clai­rage public

Séance du conseil municipal du 26 mai 2015. © Joël Kermabon - Place Gre'net

Séance du conseil muni­ci­pal du 26 mai 2015. © Joël Kermabon – Place Gre’net

Après quelques déli­bé­ra­tions, dont le vote d’une aide d’ur­gence aux popu­la­tions népa­laises récem­ment tou­chées par un violent séisme, les élus sont entrés dans le vif du sujet.

A l’ordre du jour, donc, deux déli­bé­ra­tions impor­tantes s’ins­cri­vant dans le cadre de la mise en œuvre du plan lumière, enga­ge­ment n°40 du pro­gramme du RCGE lors des élec­tions muni­ci­pales. D’une part, l’au­to­ri­sa­tion don­née au maire de signer le mar­ché public de concep­tion, réa­li­sa­tion, exploi­ta­tion et main­te­nance (Crem) de l’é­clai­rage public rem­porté par le grou­pe­ment Citéos. D’autre part, la créa­tion d’une régie “Lumière” muni­ci­pale, ayant notam­ment pour voca­tion de veiller à la bonne exé­cu­tion du mar­ché et au res­pect des objec­tifs de per­for­mance. Le tout dans une « com­plète trans­pa­rence de ges­tion ».

Une consom­ma­tion jugée trop élevée

Jacques Wiart, conseiller muni­ci­pal délé­gué aux dépla­ce­ments et à la logis­tique urbaine, a rap­pelé, avant d’en­ta­mer les débats, les objec­tifs du plan lumière. « L’éclairage public, les lumières de la ville sont des élé­ments forts de l’am­biance urbaine, de la vie sociale, de la vie des quar­tiers tout sim­ple­ment. » Et de citer quelques chiffres très élo­quents. « À Grenoble, l’é­clai­rage public, c’est plus de 18.000 points lumi­neux et une consom­ma­tion de 11 mil­lions de kilo­watt-heures par an pour une fac­ture annuelle de près de 1,5 mil­lion d’eu­ros ».

Présentation du plan lumière : éclairage © Ville de Grenoble

Présentation du plan lumière. © Ville de Grenoble

Une consom­ma­tion éle­vée, selon l’élu, qui dénonce un sur-éclai­rage – de l’ordre de 30 % – des grands axes urbains et un sous-éclai­rage, voire un mau­vais éclai­rage, de cer­tains squares et cer­taines rues. Le conseiller muni­ci­pal a aussi évo­qué la pol­lu­tion lumi­neuse, une grande par­tie de cette consom­ma­tion élec­trique ser­vant à éclai­rer inuti­le­ment le ciel noc­turne. « Notre ville sou­haite abso­lu­ment s’ins­crire dans une tra­jec­toire de tran­si­tion éner­gé­tique, tout par­ti­cu­liè­re­ment cette année où aura lieu la conven­tion mon­diale sur le cli­mat », réaf­firme l’élu.

« Cinq d’entre nous ne vote­ront pas la déli­bé­ra­tion »

S’en est sui­vie une très longue suc­ces­sion de prises de parole. Imaginez, plus de deux heures trente de débats très ani­més – dont une inter­rup­tion de séance d’un quart-d’heure deman­dée par l’op­po­si­tion de droite – auront été néces­saires avant le vote des déli­bé­ra­tions. Au cœur des échanges, la volonté affir­mée de la muni­ci­pa­lité de confier le mar­ché à une entre­prise privée.

Antoine Back, conseiller municipal délégué secteur 2. © Joël Kermabon - Place Gre'net

Antoine Back, conseiller muni­ci­pal délé­gué sec­teur 2. © Joël Kermabon – Place Gre’net

De fait, voir la ges­tion d’un ser­vice public « bradé au privé » – pour reprendre un tract de la CGT – passe très mal chez cer­tains. Particulièrement chez Laurence Comparat, conseillère muni­ci­pale délé­guée à l’open data et aux logi­ciels libres mais aussi copré­si­dente du groupe RCGE qui a annoncé la fronde.

Dans son inter­ven­tion, cette der­nière n’a pas man­qué de poin­ter la res­pon­sa­bi­lité de l’an­cien pré­sident de GEG, Jérôme Safar. « Les choix qui ont été faits en 2012 pèsent lourd dans la balance. Nous n’a­vons pas pu les empê­cher. Si nous n’a­vons pas choisi la situa­tion actuelle, nous avons néan­moins la res­pon­sa­bi­lité de la gérer », fus­tige l’é­lue. Puis, repre­nant dans son argu­men­taire des pro­pos tenus un peu plus tôt par Alain Confesson, cette der­nière a asséné : « Gérer oui, assu­mer les fautes pas­sées non ! ».

C’est ainsi, explique-t-elle, que pour dénon­cer le poids des erreurs pas­sées, « cinq d’entre nous ne vote­ront pas la déli­bé­ra­tion qui fina­lise le Crem, dénon­çant à nou­veau ces dérives au nom de l’en­semble du groupe des élus RCGE ». Et l’é­lue de tem­pé­rer aus­si­tôt : « Tout cela, sans remettre en cause notre volonté com­mune d’un plan lumière ambi­tieux, assorti à la créa­tion, à terme, d’un ser­vice 100 % public de l’é­clai­rage public à Grenoble ».

Pour autant, les cinq élus qui ont ral­lié ce mou­ve­ment de pro­tes­ta­tion n’ont pas pris la parole pour éclai­rer l’as­sis­tance sur leur déci­sion. Il ne s’a­git en tout cas pas d’une révolte mais d’un vote en demi-teinte pour affir­mer « l’ex­pres­sion de convic­tions avant tout mili­tantes », nous confie Antoine Back (Gauche anti­ca­pi­ta­liste), l’un des cinq élus accom­pa­gné pour l’oc­ca­sion de Bernard Macret (Alternatifs), Bernadette Finot (Parti de gauche), Guy Tuscher et Jérôme Soldeville (Parti de gauche).

« Oui, il s’a­git bien d’une pri­va­ti­sa­tion ! »

Bien sûr, à droite comme à gauche, l’op­po­si­tion a fourbi ses armes et pointé un cer­tain nombre de contra­dic­tions. « Vous aviez pour­tant réussi à être per­çus comme les défen­seurs du ser­vice public et, ce soir, vous vou­lez déci­der de la pri­va­ti­sa­tion de l’ex­ploi­ta­tion de l’é­clai­rage public ! », iro­nise Matthieu Chamussy, pré­sident du groupe UMP-UDI et Société civile. Pour l’élu de droite, aucun doute : « Oui, il s’a­git d’une pri­va­ti­sa­tion pour huit ans de l’ex­ploi­ta­tion de l’é­clai­rage public ! », accuse-t-il.

Marie-José Salat, Jérôme Safar, Anouche Agobian

L’opposition de gauche avec de gauche à droite : Marie-José Salat, Jérôme Safar, Anouche Agobian. © Joël Kermabon – Place Grenet

Au cours d’un très long plai­doyer de trente minutes, juris­pru­dences à l’ap­pui, Jérôme Safar a tenté de convaincre le conseil muni­ci­pal, « qui reste sou­ve­rain », de reve­nir en arrière sur le choix arrêté par la com­mis­sion d’ap­pel d’offre (CAO) en pro­po­sant un amendement.

Peine per­due, sa pro­po­si­tion a été sèche­ment décla­rée irre­ce­vable par Éric Piolle, le maire de Grenoble. « J’ai du mal à com­prendre votre obs­ti­na­tion à vou­loir conclure au pro­fit de Citéos », s’est quant à lui étonné Paul Bron en s’a­dres­sant au maire, consi­dé­rant ainsi que la majo­rité « commet[tait] une grave erreur ».

Enfin, « cette régie n’est qu’une pure illu­sion et n’a qu’une voca­tion ges­ti­cu­la­toire » pour Richard Cazenave, conseiller muni­ci­pal UMP-UDI

Autant de joutes ora­toires qui n’au­ront pas changé grand chose à l’af­faire puisque les deux déli­bé­ra­tions ont fina­le­ment été adop­tées. Les deux oppo­si­tions ont voté contre, ainsi que les cinq élus fron­deurs. Le Front natio­nal s’est abs­tenu, tout comme Vincent Fristot, actuel pré­sident de GEG.

Joël Kermabon

Manifestante salariée de GEG dans un camion suite à la perte annoncée du marché de l'éclairage public par la Sem Gaz et électricité de Grenoble. © Muriel Beaudoing - placegrenet.fr

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Joël Kermabon

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