ENTRETIEN - Épisode 6 - En mars 2013, la cité Mistral est devenue une zone de sécurité prioritaire (ZSP), aux côtés de trois autres quartiers de l’agglomération : Teisseire, la Villeneuve de Grenoble et celle d'Échirolles. Un changement de dénomination « purement politique », selon Jean-Luc Maggliozzi, ancien officier de police chargé de mission pour l’ensemble de la ZSP de Grenoble et ancien chef de la division Sud de la police nationale. Aujourd’hui à la retraite, il dresse le bilan de ses deux dernières années de service.
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Qu'est-ce qui a changé à Grenoble depuis la mise en place de la zone de sécurité prioritaire (ZSP) ?
La brigade spécialisée de terrain (BST), qui a été créée spécialement pour intervenir dans les zones de sécurité prioritaires, agit dans le cadre d’opérations de prévention et de maintien de l’ordre. Ses équipements sont adaptés à ce type d’intervention. Auparavant, en zone urbaine sensible (Zus), les policiers intervenaient casqués, en armure de la tête aux pieds, à tel point que les gens les surnommaient « les robocops ». En ZSP, l’équipement a été allégé et nous avons modulé notre façon de travailler.
Dorénavant, la BST assure une présence continue sur ces quartiers. Excepté pour Mistral, où elle n’intervient pas. Une brigade d’intervention spéciale est toutefois déployée sur le quartier. Elle intervient fréquemment pour maintenir la pression. Les CRS peuvent aussi intervenir ponctuellement sur demande de Paris.
Qu’est-ce qui justifie ce particularisme sur Mistral ?
C’est un choix de la direction. Nous n’avons jamais su pourquoi exactement. Pour des raisons géographiques, sûrement : les trois autres quartiers se trouvent dans une zone géographique proche, alors que Mistral est excentré. Plus spécifiquement encore, Mistral est le seul quartier qui ne se traverse pas. C’est une enclave pure. Les seules personnes qui entrent à l’intérieur du quartier sont soit des habitants, soit des consommateurs. Mistral n’est presque pas un quartier, c’est un “village gaulois”.
Le trafic de stupéfiants est géré par deux familles que tout le monde connaît. C’est l’un des quartiers les plus surveillés car le plus fort en matière de drogues. Les dealers sont plus professionnels qu’ailleurs. A chaque interpellation, ils font évoluer leur façon de travailler et nous devons repenser nos stratégies d’intervention. C’est un tout petit territoire [10 hectares, ndlr] et les barons de la drogue ont la mainmise sur le quartier. A commencer par les commerces.
Justement, il est frappant de voir à quel point le quartier souffre du manque de magasins de proximité, surtout depuis la fermeture du Lidl. Comment expliquer qu’aucune supérette ne veuille s’implanter ?
Les magasins subissent régulièrement des attaques. Nous sommes convaincus qu’il y a un business avec les bandes. Comme pour la plupart des commerces du quartier, le Lidl avait passé une sorte de compromis avec les trafiquants mais, au bout d’un certain moment, les jeunes étaient de plus en plus gourmands. Plus personne ne voulait travailler comme agent de sécurité. Les caissières étaient aussi régulièrement menacées. Ce n’était plus tenable économiquement.
On peut imaginer que le boulanger a fermé pour les mêmes motifs. Il y a eu un bar, un magasin télécom et un coiffeur, tous les trois abandonnés. Les deux premiers avaient été rachetés ou accaparés par les dealers. Il reste actuellement une boucherie, un tabac et une pharmacie dans le quartier. Sur la nouvelle place, à côté du Plateau, il y a un boulanger arrivé en octobre 2013 et une sandwicherie… Pourvu que ça dure !
Cette politique du compromis est-elle monnaie courante dans le quartier ?
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