Annulé en 2016, remis sur les rails à l'automne dernier, le Center parcs de Roybon (Isère) revient devant la cour administrative d'appel de Lyon le 30 avril

Démocratie par­ti­ci­pa­tive et Center Parcs : le temps des questions

Démocratie par­ti­ci­pa­tive et Center Parcs : le temps des questions

BLOG ENVIRONNEMENT – Après des mois de conflit qui ont vu s’op­po­ser pro et anti-Center Parcs, puis la sus­pen­sion par la jus­tice des tra­vaux du Center Parcs à Roybon, voici venu le temps des ques­tions. Notamment concer­nant la pro­cé­dure d’information du public et la démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive au sens large.

Une fois la vague du tsu­nami Center Parcs pas­sée – celle-ci ayant mobi­lisé toute mon éner­gie au sein de la Frapna – j’ai passé la main à ma col­lègue Chantal Gehin à la pré­si­dence de la sec­tion isé­roise, tout en res­tant for­te­ment impli­qué en par­ti­cu­lier sur le plan régional.

Francis Meneu, membre du bureau de la Frapna Isère. © Nils Louna

Francis Meneu, membre du bureau de la Frapna Isère. © Nils Louna

Je reviens vers ce blog rem­pli de tous ces échanges et inter­ro­ga­tions qui m’ont nourri au cours de ces der­nières semaines. Et le pre­mier sujet reste encore connecté à cet évè­ne­ment majeur de l’année 2014, alors que le semestre s’an­nonce décisif.

J’ai été le témoin pri­vi­lé­gié de l’un des aspects les plus mar­quants de l’affaire du Center Parcs de Roybon, à savoir les très viru­lentes cri­tiques por­tées sur la pro­cé­dure d’information du public qui fut mise en œuvre dans ce dos­sier par les ser­vices de l’État.

Un drame qui semble s’être noué en deux actes.

Premier acte : quand le pré­fet choi­sit d’or­ga­ni­ser une enquête publique plu­tôt que de sai­sir la Commission natio­nale de débat public (CNDP)

Pour ne pas ralen­tir un dos­sier qui en était à sa sixième année d’instruction, en dépit de textes nou­veaux appli­cables, la pro­cé­dure de débat public fut aban­don­née au pro­fit d’une simple et courte enquête publique. Celle-ci s’est fina­le­ment trans­for­mée en véri­table che­min de croix pour les pro­mo­teurs, tant elle révéla les nom­breuses failles du dos­sier, et entre autres ce choix très ris­qué de pro­cé­dure de consul­ta­tion du public.

Deuxième acte : quand le pré­fet confond vitesse et précipitation

En moins de deux mois, la pré­fec­ture de l’Isère, qui avait publi­que­ment affi­ché son sou­tien au dos­sier, pen­sait avait réussi le tour de force de balayer l’ensemble des cri­tiques for­mu­lées par la Commission d’enquête dans son rap­port fin juillet en déli­vrant l’arrêté loi sur l’eau.
Problème : sans prendre le soin de pré­sen­ter au public, autre­ment que dans le cadre du Coderst, le résul­tat des mul­tiples échanges qu’elle avait eus avec Pierre et Vacances et qui l’avait ame­née à consi­dé­rer qu’elle pou­vait déli­vrer le fameux sésame et lever toutes les réserves.

La suite, on la connaît :
– cris­pa­tion majeure d’un dia­logue envi­ron­ne­men­tal déjà très dif­fi­cile avec les acteurs asso­cia­tifs, vent debout contre ce qu’ils qua­li­fièrent de paro­die de démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive, enve­nimé par l’affaire du bar­rage de Sivens qui pre­nait un tour dra­ma­tique au même moment avec la mort de Rémi Fraisse,
– trans­for­ma­tion du site de Roybon en Zad (Zone à défendre) par des mili­tants auto­nomes qui légi­ti­maient sans dif­fi­culté leur occu­pa­tion « illé­gale » par « l’illégalité mani­feste de l’autorisation ».

Certains acteurs de ce drame ne cachaient pas leur satis­fac­tion face à ce coup de main « anar­chiste ». Sorte de réponse du ber­ger à la ber­gère qu’ils ne pou­vaient pas publi­que­ment sou­te­nir, mais qui se voyait ren­for­cée, fin décembre, par la déci­sion du tri­bu­nal admi­nis­tra­tif. Celle-ci sanc­tion­nait, en effet, la pré­fec­ture de l’Isère par une sus­pen­sion for­te­ment moti­vée de l’arrêté Loi sur l’eau, pierre angu­laire du dos­sier, en par­tie à cause de l’absence de débat public !

Parallèlement, et dans un contexte pré-élec­to­ral mar­qué par la pous­sée du Front natio­nal, les élus locaux se bar­daient de leur écharpe tri­co­lore pour par­tir à la défense de la démo­cra­tie en dan­ger face à l’anarchie et à la lour­deur des régle­men­ta­tions envi­ron­ne­men­tales, cause de tous leurs maux, et en par­ti­cu­lier de la para­ly­sie du pro­ces­sus déci­sion­nel, validé déjà en par­tie par la justice.

La France, nation de l’excellence environnementale ?

La mul­ti­pli­ca­tion de ces situa­tions conflic­tuelles, dont le Center Parcs de Roybon n’était que le plus récent exemple, et leurs consé­quences poli­tiques désas­treuses, ne pou­vaient qu’interpeller le pou­voir poli­tique à son plus haut niveau.

logo conférence environnementaleLa confé­rence natio­nale envi­ron­ne­men­tale des 27 et 28 novembre 2014 a été l’occasion pour le pré­sident de la République d’annoncer l’engagement de dif­fé­rents chan­tiers devant faire de notre pays, rien moins que la nation de l’excellence envi­ron­ne­men­tale, alors que la France s’apprête à rece­voir la confé­rence mon­diale sur le cli­mat à la fin de cette année.

Et l’un de ces chan­tiers concerne pré­ci­sé­ment le dia­logue envi­ron­ne­men­tal, dont les défaillances sont appa­rues criantes. L’objectif iden­ti­fié est de ren­for­cer les pro­cé­dures exis­tantes, d’assurer la trans­pa­rence envi­ron­ne­men­tal, sans allon­ger les délais !

Le dis­cours de Ségolène Royal, dont je retire cet extrait, est des plus explicites :

« S’il est une leçon que nous enseigne la tran­si­tion éco­lo­gique, c’est que la trans­pa­rence, le par­tage des infor­ma­tions, la démo­cra­ti­sa­tion des débats et des déci­sions, la par­ti­ci­pa­tion active des citoyens, des asso­cia­tions et des ONG, des élus de ter­rain et des par­le­men­taires, des par­te­naires sociaux, entre­prises et orga­ni­sa­tions syn­di­cales, de tous les acteurs éco­no­miques, et la construc­tion col­lec­tive de solu­tions posi­tives d’intérêt géné­ral per­mettent seules d’agir effi­ca­ce­ment et durablement. 

Écologie et démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive sont indis­so­ciables, c’est ma convic­tion de longue date, et les confé­rences envi­ron­ne­men­tales vou­lues par le pré­sident de la République sont par­tie inté­grante de cette démarche. »

Des pro­ces­sus déci­sion­nels défaillants

Tout un pro­gramme, au cœur des dos­siers prio­ri­taires (et nom­breux !) du nou­veau Conseil natio­nal de la tran­si­tion éco­lo­gique ins­tauré lors de la Conférence envi­ron­ne­men­tale de 2013.

Et à la clef, une mis­sion d’audit confiée à une com­mis­sion spé­cia­li­sée pré­si­dée par l’ancien ministre de la Défense, Alain Richard, qui a pré­sidé pré­cé­dem­ment une autre com­mis­sion consa­crée à la moder­ni­sa­tion du droit de l’environnement, et dont vous trou­ve­rez, ci-des­sous, la lettre de mission.

« J’ai été dési­gné par mes ins­tances asso­cia­tives pour par­ti­ci­per à une audi­tion qui aura lieu le 14 mars pro­chain à Paris.

Le calen­drier fixé est tendu, puisque la Commission doit rendre ses conclu­sions fin mai, afin que le CNTE puisse à son tour s’en sai­sir et adres­ser ses pro­po­si­tions de mise en œuvre dans des délais com­pa­tibles avec la pré­sen­ta­tion d’un pro­jet de loi pour la fin de l’année. »

Les enjeux de ces réflexions dépassent mani­fes­te­ment le strict cadre des dos­siers Notre Dame des Landes, Sivens, Center Parcs au regard de l’analyse qui est faite par France nature envi­ron­ne­ment qui a pro­cédé au recen­se­ment, dépar­te­ment par dépar­te­ment, des dos­siers à forte inci­dence envi­ron­ne­men­tale, consi­dé­rés comme nui­sibles, avec le risque d’aboutir à des déci­sions judi­ciaires pro­non­çant leur illé­ga­lité, alors qu’ils auront été auto­ri­sés au terme d’un pro­ces­sus déci­sion­nel défaillant.

Carte des projets nuisibles pour l'environnement réalisée par le mouvement FNE.

Carte des pro­jets nui­sibles pour l’en­vi­ron­ne­ment réa­li­sée par le mou­ve­ment FNE.

Des enjeux aussi contra­dic­toires que complémentaires

Pourquoi est-ce donc si com­pli­qué, dans notre pays, de mettre en œuvre des prin­cipes dont le but, comme le rap­pelle Ségolène Royal, est d’assurer son déve­lop­pe­ment éco­no­mique har­mo­nieux, la pré­ser­va­tion de son envi­ron­ne­ment et son fonc­tion­ne­ment démocratique ?

La réponse se trouve peut-être pré­ci­sé­ment dans la ques­tion. Face à des enjeux aussi contra­dic­toires et cepen­dant aussi com­plé­men­taires, n’est-ce pas la recherche déses­pé­rée du Graal à laquelle nous sommes confrontés ?

Le pacte écologique de Nicolas Hulot : 8 ans déjà !

Le pacte éco­lo­gique de Nicolas Hulot : huit ans déjà !

La loupe sous laquelle la France va se trou­ver pen­dant la confé­rence mon­diale, va-t-elle entraî­ner, sous la baguette d’un Nicolas Hulot, tou­jours aussi décrié par nombre d’écologistes, la même prise de conscience qu’en 2007 lorsqu’il avait fait signer, ne l’oublions pas, son pacte éco­lo­gique par tous les can­di­dats à la présidentielle ?

Le Grenelle de l’environnement et aujourd’hui la Transition éco­lo­gique por­tée par le pou­voir actuel sont les héri­tiers de cet ins­tant poli­tique majeur ! Va-t-on, dès lors, scel­ler le sort de nom­breux pro­jets en contra­dic­tion mani­feste avec des idées qui semblent avoir pro­gressé dans l’opinion publique plus vite que dans l’esprit de cer­tains élus locaux quand on relit les décla­ra­tions faites dans le feu de l’action ?

Un res­pon­sable de la main­te­nance d’un centre de tha­las­so­thé­ra­pie de la presqu’île de Giens, avec lequel je dis­cu­tais récem­ment, illus­trait à sa manière la rai­son pour laquelle les modi­fi­ca­tions du cli­mat sont, pour lui, une réa­lité tan­gible et la prise en compte des enjeux envi­ron­ne­men­taux dans nos déci­sions publiques une néces­sité, à l’aulne de ces défis.

Entre 1994 et aujourd’hui, la tem­pé­ra­ture moyenne de l’eau de mer pom­pée en février pour l’alimentation du centre à 600 mètres de dis­tance et à une pro­fon­deur de 9 mètres était pas­sée de 11° à 14,5 ° C ! Et, ces cinq der­nières années, son dépar­te­ment a été vic­time d’au moins une crue “cen­ten­nale” par an !

Si vous avez des com­men­taires, n’hésitez pas ! La suite dans le pro­chain article, où j’essaierai de résu­mer ce qui est pris en compte par la jus­tice en matière de démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive, pour com­prendre un peu mieux les enjeux.

Francis Meneu

F. Meneu

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