BLOG ENVIRONNEMENT – Après des mois de conflit qui ont vu s’opposer pro et anti-Center Parcs, puis la suspension par la justice des travaux du Center Parcs à Roybon, voici venu le temps des questions. Notamment concernant la procédure d’information du public et la démocratie participative au sens large.
Une fois la vague du tsunami Center Parcs passée – celle-ci ayant mobilisé toute mon énergie au sein de la Frapna – j’ai passé la main à ma collègue Chantal Gehin à la présidence de la section iséroise, tout en restant fortement impliqué en particulier sur le plan régional.
Je reviens vers ce blog rempli de tous ces échanges et interrogations qui m’ont nourri au cours de ces dernières semaines. Et le premier sujet reste encore connecté à cet évènement majeur de l’année 2014, alors que le semestre s’annonce décisif.
J’ai été le témoin privilégié de l’un des aspects les plus marquants de l’affaire du Center Parcs de Roybon, à savoir les très virulentes critiques portées sur la procédure d’information du public qui fut mise en œuvre dans ce dossier par les services de l’État.
Un drame qui semble s’être noué en deux actes.
Premier acte : quand le préfet choisit d’organiser une enquête publique plutôt que de saisir la Commission nationale de débat public (CNDP)
Pour ne pas ralentir un dossier qui en était à sa sixième année d’instruction, en dépit de textes nouveaux applicables, la procédure de débat public fut abandonnée au profit d’une simple et courte enquête publique. Celle-ci s’est finalement transformée en véritable chemin de croix pour les promoteurs, tant elle révéla les nombreuses failles du dossier, et entre autres ce choix très risqué de procédure de consultation du public.
Deuxième acte : quand le préfet confond vitesse et précipitation
En moins de deux mois, la préfecture de l’Isère, qui avait publiquement affiché son soutien au dossier, pensait avait réussi le tour de force de balayer l’ensemble des critiques formulées par la Commission d’enquête dans son rapport fin juillet en délivrant l’arrêté loi sur l’eau.
Problème : sans prendre le soin de présenter au public, autrement que dans le cadre du Coderst, le résultat des multiples échanges qu’elle avait eus avec Pierre et Vacances et qui l’avait amenée à considérer qu’elle pouvait délivrer le fameux sésame et lever toutes les réserves.
La suite, on la connaît :
– crispation majeure d’un dialogue environnemental déjà très difficile avec les acteurs associatifs, vent debout contre ce qu’ils qualifièrent de parodie de démocratie participative, envenimé par l’affaire du barrage de Sivens qui prenait un tour dramatique au même moment avec la mort de Rémi Fraisse,
– transformation du site de Roybon en Zad (Zone à défendre) par des militants autonomes qui légitimaient sans difficulté leur occupation « illégale » par « l’illégalité manifeste de l’autorisation ».
Certains acteurs de ce drame ne cachaient pas leur satisfaction face à ce coup de main « anarchiste ». Sorte de réponse du berger à la bergère qu’ils ne pouvaient pas publiquement soutenir, mais qui se voyait renforcée, fin décembre, par la décision du tribunal administratif. Celle-ci sanctionnait, en effet, la préfecture de l’Isère par une suspension fortement motivée de l’arrêté Loi sur l’eau, pierre angulaire du dossier, en partie à cause de l’absence de débat public !
Parallèlement, et dans un contexte pré-électoral marqué par la poussée du Front national, les élus locaux se bardaient de leur écharpe tricolore pour partir à la défense de la démocratie en danger face à l’anarchie et à la lourdeur des réglementations environnementales, cause de tous leurs maux, et en particulier de la paralysie du processus décisionnel, validé déjà en partie par la justice.
La France, nation de l’excellence environnementale ?
La multiplication de ces situations conflictuelles, dont le Center Parcs de Roybon n’était que le plus récent exemple, et leurs conséquences politiques désastreuses, ne pouvaient qu’interpeller le pouvoir politique à son plus haut niveau.
La conférence nationale environnementale des 27 et 28 novembre 2014 a été l’occasion pour le président de la République d’annoncer l’engagement de différents chantiers devant faire de notre pays, rien moins que la nation de l’excellence environnementale, alors que la France s’apprête à recevoir la conférence mondiale sur le climat à la fin de cette année.
Et l’un de ces chantiers concerne précisément le dialogue environnemental, dont les défaillances sont apparues criantes. L’objectif identifié est de renforcer les procédures existantes, d’assurer la transparence environnemental, sans allonger les délais !
Le discours de Ségolène Royal, dont je retire cet extrait, est des plus explicites :
« S’il est une leçon que nous enseigne la transition écologique, c’est que la transparence, le partage des informations, la démocratisation des débats et des décisions, la participation active des citoyens, des associations et des ONG, des élus de terrain et des parlementaires, des partenaires sociaux, entreprises et organisations syndicales, de tous les acteurs économiques, et la construction collective de solutions positives d’intérêt général permettent seules d’agir efficacement et durablement.
Écologie et démocratie participative sont indissociables, c’est ma conviction de longue date, et les conférences environnementales voulues par le président de la République sont partie intégrante de cette démarche. »
Des processus décisionnels défaillants
Tout un programme, au cœur des dossiers prioritaires (et nombreux !) du nouveau Conseil national de la transition écologique instauré lors de la Conférence environnementale de 2013.
Et à la clef, une mission d’audit confiée à une commission spécialisée présidée par l’ancien ministre de la Défense, Alain Richard, qui a présidé précédemment une autre commission consacrée à la modernisation du droit de l’environnement, et dont vous trouverez, ci-dessous, la lettre de mission.
« J’ai été désigné par mes instances associatives pour participer à une audition qui aura lieu le 14 mars prochain à Paris.
Le calendrier fixé est tendu, puisque la Commission doit rendre ses conclusions fin mai, afin que le CNTE puisse à son tour s’en saisir et adresser ses propositions de mise en œuvre dans des délais compatibles avec la présentation d’un projet de loi pour la fin de l’année. »
Les enjeux de ces réflexions dépassent manifestement le strict cadre des dossiers Notre Dame des Landes, Sivens, Center Parcs au regard de l’analyse qui est faite par France nature environnement qui a procédé au recensement, département par département, des dossiers à forte incidence environnementale, considérés comme nuisibles, avec le risque d’aboutir à des décisions judiciaires prononçant leur illégalité, alors qu’ils auront été autorisés au terme d’un processus décisionnel défaillant.
Des enjeux aussi contradictoires que complémentaires
Pourquoi est-ce donc si compliqué, dans notre pays, de mettre en œuvre des principes dont le but, comme le rappelle Ségolène Royal, est d’assurer son développement économique harmonieux, la préservation de son environnement et son fonctionnement démocratique ?
La réponse se trouve peut-être précisément dans la question. Face à des enjeux aussi contradictoires et cependant aussi complémentaires, n’est-ce pas la recherche désespérée du Graal à laquelle nous sommes confrontés ?
La loupe sous laquelle la France va se trouver pendant la conférence mondiale, va-t-elle entraîner, sous la baguette d’un Nicolas Hulot, toujours aussi décrié par nombre d’écologistes, la même prise de conscience qu’en 2007 lorsqu’il avait fait signer, ne l’oublions pas, son pacte écologique par tous les candidats à la présidentielle ?
Le Grenelle de l’environnement et aujourd’hui la Transition écologique portée par le pouvoir actuel sont les héritiers de cet instant politique majeur ! Va-t-on, dès lors, sceller le sort de nombreux projets en contradiction manifeste avec des idées qui semblent avoir progressé dans l’opinion publique plus vite que dans l’esprit de certains élus locaux quand on relit les déclarations faites dans le feu de l’action ?
Un responsable de la maintenance d’un centre de thalassothérapie de la presqu’île de Giens, avec lequel je discutais récemment, illustrait à sa manière la raison pour laquelle les modifications du climat sont, pour lui, une réalité tangible et la prise en compte des enjeux environnementaux dans nos décisions publiques une nécessité, à l’aulne de ces défis.
Entre 1994 et aujourd’hui, la température moyenne de l’eau de mer pompée en février pour l’alimentation du centre à 600 mètres de distance et à une profondeur de 9 mètres était passée de 11° à 14,5 ° C ! Et, ces cinq dernières années, son département a été victime d’au moins une crue “centennale” par an !
Si vous avez des commentaires, n’hésitez pas ! La suite dans le prochain article, où j’essaierai de résumer ce qui est pris en compte par la justice en matière de démocratie participative, pour comprendre un peu mieux les enjeux.
Francis Meneu