Toxoplasma Gondii parasites toxoplasmose Grenoble

De la toxo­plas­mose à la schizophrénie

De la toxo­plas­mose à la schizophrénie

DÉCRYPTAGE – Le lien entre toxo­plas­mose et schi­zo­phré­nie se pré­cise. Grâce aux tra­vaux de cher­cheurs gre­no­blois pilo­tés par Mohamed-ali Hakimi, on en sait plus sur les méca­nismes de cette mala­die, sur­tout connue chez la femme enceinte. Le para­site de la toxo­plas­mose met au point une stra­té­gie ingé­nieuse pour prendre le contrôle des cellules.

Crédit Mohamed-ali Hakimi

Toxoplasma gon­dii, le para­site de la toxo­plas­mose, est étu­dié de très près depuis une dizaine d’an­nées par les cher­cheurs gre­no­blois – © Photo Mohamed-ali Hakimi

Le lien entre toxo­plas­mose et schi­zo­phré­nie est de plus en plus évident. Une équipe du labo­ra­toire Adaptation et patho­gé­nie des micro-orga­nismes de Grenoble (CNRS-uni­ver­sité Joseph-Fourier) vient en effet de mettre un peu plus à jour le rôle de Toxoplasma gon­dii, le para­site de la toxo­plas­mose, dans les modi­fi­ca­tions du comportement.
La toxo­plas­mose est sur­tout connue chez la femme enceinte non immu­ni­sée contre la mala­die*, chez qui elle expose le fœtus à des per­tur­ba­tions du déve­lop­pe­ment céré­bral mais aussi à des risques de mal­for­ma­tions car­diaques, neu­ro­lo­giques et ocu­laires, voire de mort in-utero. 
Enjeu de santé publique
Il s’a­git en fait d’un para­site très répandu (50 % de la popu­la­tion fran­çaise serait infes­tée) que l’on retrouve dans la viande crue ou peu cuite, les fruits et légumes mal lavés et qui se dis­sé­mine via les excré­ments des chats.
Excréments de chat litière vecteur de la toxoplasmose

Les excré­ments de chat sont un vec­teur de la toxo­plas­mose. © purina​.fr

Si, dans l’Hexagone, le dépis­tage et le diag­nos­tic anté­na­tal per­mettent d’en­di­guer la mala­die, le para­site est res­pon­sable d’a­vor­te­ments et de nom­breuses patho­lo­gies humaines et ani­males dans le monde. Sans par­ler de consé­quences éco­no­miques par­ti­cu­liè­re­ment impor­tantes concer­nant les cheptels.
Comprendre le mode de fonc­tion­ne­ment de Toxoplasma gon­dii est ainsi devenu un enjeu de santé publique. D’autant que, depuis plu­sieurs années, les cher­cheurs ont mis en évi­dence le lien entre l’agent patho­gène et l’in­ci­dence de la schizophrénie.
Modification du comportement
Jusqu’ici, aucune étude molé­cu­laire n’était venue vali­der le résul­tat de ces nom­breuses études asso­cia­tives. C’est désor­mais chose faite. C’est en étu­diant le cer­veau de sou­ris que l’équipe de Mohamed-ali Hakimi, direc­teur de recherches à l’Inserm, a fait un pas de plus dans la cor­ré­la­tion entre la toxo­plas­mose et la mala­die men­tale. Des tra­vaux récom­pen­sés par le Conseil euro­péen de la recherche (ERC), dotés d’une bourse de deux mil­lions d’euros sur cinq ans. 
Crédit Mohamed-ali Hakimi (au centre avec une barbe)

L’équipe diri­gée par Mohamed-ali Hakimi (au second rang, qua­trième à par­tir de la droite) a étu­dié le cer­veau de sou­ris infes­tées par le para­site © Photo Mohamed Hakimi

Infectés de manière chro­nique par le para­site de la toxo­plas­mose, les cer­veaux de ces petits ron­geurs déve­loppent des kystes. Jusqu’ici, on pen­sait ces gros­seurs inof­fen­sives. On sait désor­mais, grâce aux tra­vaux des cher­cheurs gre­no­blois, que ce n’est pas le cas. Ces kystes activent en effet des voies inflam­ma­toires qui peuvent affec­ter le comportement. 
« On dis­pose d’éléments au tra­vers de l’expérimentation ani­male qui montrent clai­re­ment que ces kystes ne sont pas neutres », sou­ligne Mohamed-ali Hakimi. « Le dogme est en train de tom­ber ».
Comme une prise d’otage
Les cher­cheurs tra­vaillent à déco­der la rela­tion que le para­site de la toxo­plas­mose entre­tient avec sa cel­lule hôte. Car le com­por­te­ment de Toxoplasma gon­dii est peu com­mun. Pour sur­vivre, le para­site a mis au point une stra­té­gie ingénieuse.
Il ne se contente pas de vivre aux dépends d’un autre orga­nisme. Il s’ins­talle à l’in­té­rieur même des cel­lules de son hôte, qu’il contrôle soit dit en pas­sant, grâce à un méca­nisme d’in­va­sion redou­table basé sur des protéines. 

Invasion d’une cel­lule par Toxoplasma gon­dii. © Dr. Isabelle Tardieux

Dans le corps humain, ce don d’ubiquité res­semble à s’y méprendre à une prise d’otage. Infecté, le corps déclenche une réac­tion inflam­ma­toire pour lut­ter contre le para­site. Laquelle est sui­vie d’une contre-inflam­ma­tion, his­toire de conser­ver deux-trois para­sites et per­pé­tuer l’espèce… 
« Le para­site prend le contrôle de l’expression du génome de sa cel­lule hôte », explique Mohamed-ali Hakimi. Comment ? Par quels moyens de com­mu­ni­ca­tion ? C’est ce qui inté­resse les cher­cheurs. « On étu­die à la fois ces voies de signa­li­sa­tion et les fac­teurs exo­gènes du para­site qui vont bou­le­ver­ser la cel­lule et rendre l’environnement favo­rable au déve­lop­pe­ment du para­site ».
Objectif, à terme ? Déjouer ces voies de com­mu­ni­ca­tion en bri­sant les inter­ac­tions entre les pro­téines du para­site. « On cherche à com­prendre quelle est la com­mu­ni­ca­tion entre l’hôte et le para­site pour, plus tard, pré­ve­nir les mala­dies endé­miques ».
Patricia Cerinsek
* L’infection est éga­le­ment dan­ge­reuse chez les per­sonnes immuno-dépri­mées, atteintes du virus du Sida ou ayant subi une greffe d’organe. 
Sciences de la vie : deux équipes de cher­cheurs de l’UJF récompensées
© GIN - Olivier David

© GIN – Olivier David

Dix-neuf pro­jets fran­çais se sont vu attri­buer une bourse dans le cadre du der­nier appel du sep­tième pro­gramme-cadre de recherche et de déve­lop­pe­ment euro­péen du Conseil euro­péen de la recherche (ERC).
Cet appel récom­pense les meilleurs cher­cheurs qui ont entre sept et douze ans d’expérience après leur thèse. Deux équipes de l’Université Joseph-Fourier de Grenoble ont été ainsi été récom­pen­sées pour leurs tra­vaux en sciences de la vie par une bourse qui leur per­met­tra de pour­suivre leurs tra­vaux. A l’i­mage de celle enca­drée par Olivier David (Inserm-UJF-CHU Grenoble).
Son objet d’é­tude ? La sti­mu­la­tion élec­trique directe des régions cor­ti­cales du cer­veau chez des patients souf­frant d’épilepsie et résis­tant aux trai­te­ments médi­ca­men­teux. Pour cela, les cher­cheurs uti­lisent des élec­trodes intracrâniennes.
L’objectif est de déve­lop­per des méthodes d’analyse pour créer une nou­velle carte de l’imagerie neu­ro­nale du cer­veau humain qui sera, par la suite, consul­table par la com­mu­nauté scientifique.
Pour les cher­cheurs, il s’a­git de mieux com­prendre le fonc­tion­ne­ment du cer­veau et de déve­lop­per de nou­veaux outils cli­niques pour l’évaluation chirurgicale.

Patricia Cerinsek

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