Vulnérable, à la merci d’un habitat qui se dégrade, le Tétras lyre paie un lourd tribu aux aménagements touristiques de la montagne. L’espèce, en lent mais constant déclin, fait depuis 2009 l’objet d’un plan régional d’actions. Un cadre qui a servi de référence au plan de préservation du galliforme lancé par la station de Courchevel.
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Et pour cause, l’espèce connaît un lent, mais constant déclin depuis les années soixante, à raison de 10 % d’oiseaux en moins par décennie. La mairie de Courchevel a d’ailleurs initié, avec la Société des Trois Vallées (S3V), un plan de préservation du volatile dans le cadre de lourds aménagements de la station (cf. article sur Place Gre’net).
En Rhône-Alpes, le Tétras lyre est un symbole de la biodiversité en danger. Pourtant, l’oiseau ne fait pas partie des espèces protégées. Espèce menacée alors ? Les avis sont partagés. Selon la typologie du Muséum d’histoire naturelle, son état de conservation est jugé « défavorable inadéquat ». Entendez, peut mieux faire. Pour l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), l’oiseau est inscrit sur la liste rouge des espèces à faible risque d’extinction. Il est aussi inscrit à l’annexe 1 de la directive Oiseaux et bénéficie, de ce fait, de mesures de protection spéciales de son habitat.
Espèce menacée pour les uns
Vulnérable, le galliforme est toujours chassé en France comme dans nombre de pays européens. « Le Tétras lyre est une espèce gibier. Il n’est pas menacé comme le gypaète », explique Philippe Aubias, technicien à la fédération départementale des chasseurs de Savoie. « Il reste encore une dizaine de milliers d’individus dans les Alpes ».
Dans un rapport rendu par le gouvernement français aux autorités européennes suite à la plainte de l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas) devant le comité permanent de la Convention de Berne, les comptages officiels font état de 13 400 à 18 600 Tétras lyre recensés sur la période 2000 – 2009 en France, contre 16 000 à 20 000 de 1990 à 1999.
Les causes du déclin y sont pointées du doigt : réduction, dégradation et fragmentation de l’habitat liés à l’évolution des pratiques pastorales et à l’extension des infrastructures touristiques. Sans compter les collisions dans les câbles, les dérangements liés à l’intrusion de l’homme sur son territoire ou les prédateurs, renards en tête, attirés par les déchets notamment laissés sur les pistes…
Pour les associations de protection de la nature, le Tétras lyre est particulièrement vulnérable. La Ligue de protection des oiseaux (LPO), qui participe au plan d’actions régional, réclame régulièrement l’arrêt de la chasse à l’intérieur des réserves naturelles. Elle avait obtenu gain de cause en 2007 sur la réserve des hauts plateaux du Vercors, avant que le moratoire ne soit levé par le préfet.
Une position loin d’être partagée par tous les acteurs du plan. A commencer, bien sûr, par les fédérations de chasseurs et l’Observatoire des galliformes de montagne (O.G.M), émanation de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).
Espèce gibier pour les autres
« Le Tétras lyre fait l’objet de plans de chasse départementaux, continue Philippe Aubias. Globalement, l’oiseau est en lente régression. Mais la situation n’est pas la même que dans les Préalpes du Sud, où le reboisement a entraîné une baisse des populations de 80 %, et le Queyras où on enregistre 10 à 15 % de hausse ».
En Isère, chaque automne, les chasseurs peuvent tirer entre 100 et 150 Tétras lyre mâles, à condition que le taux de reproduction soit jugé satisfaisant après les deux comptages effectués au printemps et à l’été. Comptages très discutés entre chasseurs d’un côté et associations de protection de la nature de l’autre…
Pour la LPO, l’oiseau est emblématique de la pression du lobby de la chasse, mais aussi des dangers qui menacent la montagne. Pour l’association, face au déclin de l’espèce, il faut limiter les prélèvements et mettre en place des moratoires sur les secteurs où le Tétras lyre est le plus menacé. Soit, pour l’Isère, les massifs du Vercors et de la Chartreuse.
« Il est temps de modifier le rapport de l’homme à cette espèce et particulièrement de l’homme-chasseur », souligne la LPO dans un plaidoyer en octobre 2009. « La faune sauvage est un bien commun. Si le droit de chasse est une réalité sociale que nous ne contestons pas, ce droit implique des devoirs et celui de différer le plaisir immédiat qu’est le prélèvement d’une espèce en danger est prioritaire. Ce qui bien évidemment n’exonère en rien les autres utilisateurs de leur responsabilité face à cette espèce (…) ».
La chasse, goutte d’eau de trop ?
« Pour les associations de protection de la nature, un coq de tué, c’est un coq de trop », continue Philippe Aubias. « Mais le Tétras lyre est limité par son habitat, qu’on le chasse ou pas. Les prélèvements, c’est un surplus d’oiseaux qui, de toute façon, disparaîtrait », affirme-t-il sans sourciller.
Il faut dire que les défenseurs de la chasse ont jusqu’alors pu compter sur le soutien de l’Etat français. Dans son rapport publié en mars 2012, juste avant la présidentielle, le précédent gouvernement soulignait en effet : « il n’apparaît pas (…) que la chasse réglementée de façon très contraignante soit un facteur aggravant du déclin observé. Bien au contraire, l’engagement et la part active des chasseurs aux études, aux suivis de population (…) participent au maintien de l’espèce ». Reste à savoir si l’alternance politique sera plus favorable aux derniers Tétras.
Patricia Cerinsek
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Symbole de la préservation de l’environnement ? Outil de communication ? Caution verte ? Le Tétras lyre est sûrement un peu de tout cela à la fois. L’oiseau est, depuis 2009, au centre d’un plan d’actions régional initié par le Conseil régional Rhône-Alpes et la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (